AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 762-1 du code du travail ;
Attendu que, le 22 janvier 1998, la société Agde camping et M. X..., artiste représentant une troupe de trois personnes appelée le SAAM (spectacles, animations, marionnettes, musique) ont conclu une convention intitulée "contrat d'animation de camping" par laquelle la troupe s'engageait à des animations de soirée et pour les enfants du 1er juillet au 31 août 1998 ; que, le 28 juillet 1998, M. X... a écrit à la société pour lui notifier que, par sa faute, la relation contractuelle ne pouvait se poursuivre ; que, le 1er février 1999, il a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir dire que le contrat de travail à durée déterminée avait été rompu du fait de l'employeur ;
Attendu que, pour déclarer la juridiction prud'homale incompétente au profit du tribunal de commerce, l'arrêt retient que les parties avaient conclu dès 1996 une convention identique à celle de 1998, M. X... avait présenté des factures en contrepartie de la prestation fournie, ce qui est incompatible avec le statut de salarié ; que les parties ont entendu soumettre le prix de la prestation des artistes au régime fiscal de la TVA, le contrat ayant été préparé par M. X... ; que le contrat s'abstient non seulement de citer nominativement chacun des deux artistes se produisant avec M. X..., ce qui aurait été insuffisant à combattre la présomption de l'article L. 762-1 du code du travail, mais il s'abstient aussi de préciser le montant attribué à chacun des artistes ;
que M. X... s'est désigné responsable de la troupe mais n'a justifié d'aucun mandat écrit des deux autres artistes ; qu'enfin, M. X... réclame non pas la part du "salaire" lui revenant après déduction de la part revenant aux deux autres artistes, mais la totalité du solde restant dû par la société ; qu'il peut être retenu que M. X... s'est présenté comme l'employeur des deux autres artistes et qu'à tout le moins, profitant de cette apparence et des relations contractuelles antérieures, a trompé la bonne foi de son cocontractant ; qu'il doit donc être considéré comme étant intervenu en qualité de coorganisateur de spectacles avec la société à responsabilité limitée Agde camping et qu'à ce titre il aurait dû être inscrit au registre du commerce ;
Attendu, cependant, qu'aux termes de l'article L. 762-1 du code du travail, tout contrat par lequel une personne physique ou morale s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un artiste du spectable en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n'exerce pas l'activité, objet de ce contrat, dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce ; cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties ;
elle n'est pas détruite par la preuve que l'artiste emploie lui-même une ou plusieurs personnes pour le seconder, dès lors qu'il participe personnellement au spectacle ; que le contrat de travail peut être commun à plusieurs artistes ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mars 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne la société Adge camping aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la société Adge camping ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille six.