AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les sociétés Sonedis et Tomblaine distribution, qui exploitaient chacune un centre de distribution sous l'enseigne Leclerc, ont, dans le cadre de l'organisation du mouvement Leclerc, adhéré à la société coopérative d'approvisionnement Paris-Est (Scapest), centrale d'approvisionnement de la région Ile de France des centres distributeurs de ce mouvement ; qu'à la suite d'un différend, les sociétés Sonedis et Tomblaine distribution se sont retirées de la Scapest et ont poursuivi leurs activités sous une autre enseigne ;
que le 2 février 1995, le conseil d'administration de la Scapest a décidé d'appliquer aux sociétés Sonedis et Tomblaine distribution les pénalités prévues par ses statuts et son règlement intérieur ; qu'elle a ensuite demandé la condamnation de ces sociétés à lui payer les sommes fixées par ce conseil d'administration ;
Sur le moyen unique pris en ses deux branches :
Vu l'article 6 paragraphe 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe du respect des droits de la défense ;
Attendu que pour rejeter les demandes de condamnation des sociétés Sonedis et Tomblaine distribution au paiement de la deuxième pénalité de retrait prévue par les statuts et fixée par le conseil d'administration de la Scapest le 2 février 1995, l'arrêt, après avoir énoncé que les statuts de la Scapest ayant une valeur contractuelle entre cette dernière et ses adhérents, il est constant que les pénalités prévues en cas de retrait d'un associé pour quelque motif que ce soit par l'article 11 de ses statuts constituent des clauses pénales soumises à l'appréciation du juge, retient que dans la mesure où l'application des pénalités ne revêtait pas de plein droit un caractère automatique, mais relevait au contraire du pouvoir d'appréciation du conseil d'administration, il incombait à la société Scapest, en application de l'article 6-1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'assurer le caractère contradictoire de la décision de son conseil d'administration en adressant avec un délai suffisant aux représentants des sociétés Sonedis et Tomblaine distribution une convocation dûment motivée quant à l'objet de la réunion pour leur permettre de présenter des observations et moyens de défense tant sur l'opportunité de l'application de telles sanctions que sur la proportionnalité au préjudice réellement causé à la Scapest par leur retrait anticipé et qu'en conséquence la décision du 2 février 1995, prise en violation du principe du contradictoire est nulle ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que n'est pas soumise au principe de la contradiction, la décision du conseil d'administration d'une société coopérative qui, appliquant les dispositions des statuts, fixe le montant des pénalités dues par l'associé coopérateur se retirant avant la fin de son engagement, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de la société Scapest tendant à l'application de la deuxième pénalité de retrait aux sociétés Sonedis et Tomblaine distribution et à leur condamnation à ce titre, l'arrêt rendu le 15 juillet 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne les sociétés Tomblaine distribution et Sonedis aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Scapest la somme globale de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille six.