AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue en dernier ressort par un juge des libertés et de la détention, que le 14 décembre 2004, Mlle X..., de nationalité camerounaise, a présenté une requête tendant au réexamen de l'ordonnance du premier président d'une cour d'appel du 10 décembre 2004 ayant confirmé la prolongation de son maintien en rétention jusqu'au 23 décembre 2004, et à son assignation à résidence chez un tiers ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, après avis donné conformément aux dispositions de l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que le Préfet de Police de Paris fait grief à l'ordonnance d'avoir accueilli cette demande en assignant Mlle X... à résidence jusqu'au 30 décembre 2004, alors, selon le moyen :
1 / qu'en faisant droit à la requête, fondée sur l'article 13 du décret n° 2004-1215 du 17 novembre 2004 et tendant au réexamen de l'ordonnance confirmative et à l'assignation à résidence de l'intéressée, quand bien même l'autorité administrative avait effectué des diligences auprès des autorités consulaires compétentes de façon à mettre en oeuvre la décision de reconduite à la frontière prise à l'encontre de Mlle X... , le juge des libertés et de la détention a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du 10 décembre 2004 ayant confirmé la rétention administrative de l'intéressée jusqu'au 23 décembre 2004, et partant violé l'article 1351 du Code civil ;
2 / que le juge des libertés et de la détention, saisi sur le fondement de l'article 13 du décret n° 2004-1215 du 17 novembre 2004, peut exclusivement mettre fin à la mesure de rétention administrative ou rejeter la requête présentée à cette fin, de sorte qu'en ordonnant l'assignation à résidence de Mlle X... , le juge des libertés et de la détention a commis un excès de pouvoir au regard de cette disposition ;
Mais attendu, d'abord, que la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée attachée à l'ordonnance du 10 décembre 2004, qui n'a pas été invoquée devant le juge des libertés et de la détention et qui n'est pas d'ordre public, ne peut l'être pour la première fois devant la Cour de cassation ; que la méconnaissance de la chose jugée ne peut, en outre, constituer un excès de pouvoir ou la violation d'un principe fondamental de la procédure, seuls à même de fonder le pourvoi en cassation prévu par l'article 15, alinéa 2, du décret du 17 novembre 2004 précité ;
Qu'ensuite, aucune disposition n'interdit à un juge des libertés et de la détention saisi d'une telle demande ou d'une demande de mise en liberté, d'assigner à résidence la personne concernée ;
D'où il suit que, pour partie irrecevable, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 13 du décret n° 2004-1215 du 17 novembre 2004, ensemble le principe de la séparation des pouvoirs et l'article L. 611-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Attendu que les services de police et les unités de gendarmerie sont habilités à retenir le passeport ou le document de voyage des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière, en leur remettant en échange un récépissé valant justification de leur identité et sur lequel sont mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution du document retenu ;
Attendu qu'après avoir énoncé que Mlle X... disposait d'un passeport en cours de validité, le juge des libertés et de la détention, statuant sur le fondement du premier des textes susvisés, a ordonné la remise aux services de la Préfecture de Police de Paris de cette pièce et de tout document justificatif d'identité en échange d'un récépissé ;
Qu'en statuant ainsi, alors que s'il peut assigner l'étranger à résidence contre remise préalable de son passeport en état de validité, il n'a pas le pouvoir d'ordonner la remise de ce document à l'Administration contre récépissé, le juge a excédé ses pouvoirs ;
Et vu l'article 627 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que les délais légaux de maintien en rétention étant expirés, il ne reste rien à juger ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 15 décembre 2004, entre les parties, par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille six.