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05/03/2007 | FRANCE | N°04PA00659

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre - formation b, 05 mars 2007, 04PA00659


Vu la requête, enregistrée le 18 février 2004, présentée pour la société anonyme BEAUTE CREATEURS, ayant son siège social 105 rue Anatole France à Levallois-Perret (92300), par Me Latil ; la SA BEAUTE CREATEURS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9706997/1 en date du 17 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction des compléments d'imposition à l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 1992 et 1993, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de pr

ononcer la décharge des compléments d'imposition concernant les frais liés à la conser...

Vu la requête, enregistrée le 18 février 2004, présentée pour la société anonyme BEAUTE CREATEURS, ayant son siège social 105 rue Anatole France à Levallois-Perret (92300), par Me Latil ; la SA BEAUTE CREATEURS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9706997/1 en date du 17 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction des compléments d'imposition à l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 1992 et 1993, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des compléments d'imposition concernant les frais liés à la conservation des marques, et les redevances versées aux créateurs entre 1987 et 1993 ;

3°) de condamner l'Etat au versement d'une somme de 7 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

La SA BEAUTE CREATEURS fait notamment valoir que le tribunal n'a pas tenu compte de ses deux derniers mémoires, qui n'ont pas été visés, omettant ainsi de statuer sur l'un des moyens qui y étaient développés ; qu'en outre, la société requérante n'a pas été convoquée à l'audience ; qu'en tant que filiale de la société L'Oréal, elle s'est substituée à celle-ci pour l'exécution de cinq contrats initialement conclus en 1986 avec des personnalités donnant leurs noms à des marques et participant aussi à des opérations promotionnelles ; que le service vérificateur a réintégré la totalité des frais exposés pour l'obtention et la conservation de ces marques, lesquels avaient été portés en charge, ces redressements impliquant des conséquences notamment en termes d'amortissements différés, alors que les frais de procédure et de surveillance ensuite exposés pour la conservation des droits, ne sauraient constituer la contrepartie de l'acquisition d'éléments d'actif ; que ces derniers frais représentaient 7,5 % des charges en 1993, ce chiffre devant être repris en 1992 ; que si l'on devait tirer les conséquences de la position de l'administration, elle a fait une estimation concernant l'une des susdites marques conduisant à une aberration économique, rendant cette position inapplicable ; qu'en tous les cas, ce n'est qu'en partie que les redevances représentaient le prix d'acquisition d'un actif, le reste rémunérant des prestations, les bases des redressements contestés étant ainsi surévaluées ; que seule la valeur estimée de redevances aléatoires doit être inscrite à l'actif pour servir de base au calcul des amortissements ; que la non déductibilité des redevances en tant que charges dépend donc de la valeur d'inscription au bilan, les redressements litigieux n'étant, par suite, pas motivés puisque non justifiés par la constatation d'un passif à apurer ; que subsidiairement, si la condition d'exclusivité de la concession des marques en cause était remplie, la pérennité de celles-ci était discutable, tandis que la cessibilité purement théorique s'agissant du groupe L'Oréal ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2004, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la cour de rejeter les conclusions de la requête de la SA BEAUTE CREATEURS, et fait valoir qu'aucun texte n'exige que soient mentionnés dans le jugement les visas des mémoires complémentaires, de même que la convocation à l'audience du contribuable, les mentions du jugement faisant foi ; que celui-ci n'est pas entaché d'omission à statuer, puisque le moyen relatif à la procédure de redressement prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ne concerne que le bien-fondé de l'imposition et qu'il a été implicitement rejeté, l'administration n'ayant pas entendu faire référence à un quelconque fait constitutif d'abus de droit ; que par ailleurs, la notification de redressements du 29 juin 1995 est suffisamment motivée ; qu'au fond, les honoraires et frais de propriété industrielle, notamment ceux ayant trait à la procédure et à la surveillance de marques, constituaient la contrepartie d'éléments incorporels qui devaient être portés à l'actif du bilan, et n'avaient pas la nature de charges déductibles puisqu'étant destinés à assurer l'existence même de cet actif ; que la substitution à la société L'Oréal de la société requérante, a eu pour effet de confier à cette dernière l'exécution des contrats de licence qui, en raison de leurs caractéristiques, étant dotés d'une pérennité suffisante, constituaient également des éléments incorporels de son actif immobilisé, les redevances versées pour la concession des licences ne pouvant non plus être admises dans les charges déductibles ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 24 mars 2005, présenté pour la SA BEAUTE CREATEURS, par Me Latil, tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens, y ajoutant que la société requérante n'a pas été avertie du jour de l'audience, le jugement devant être annulé ; que si les frais de dépôt, d'enregistrement et de renouvellement des marques ont bien pour objet l'existence même de l'élément d'actif, les frais de procédure et de surveillance d'un montant de 7,5 % des charges en 1993 sont quant à eux déductibles ; qu'en ce qui concerne les redevances versées aux créateurs titulaires de licences, elles n'étaient pas attachées à des éléments incorporels de l'actif immobilisé en raison du caractère objectivement non cessible des licences accordées ; que cette absence d'inscription à l'actif desdites licences procède d'une erreur simple, les deux procédés de comptabilisation étant équivalents ; que les droits concédés n'étaient pas cessibles ni suffisamment pérennes ; qu'une part des redevances rémunérait aussi l'assistance personnelle du créateur, les bases des redressements étant ainsi surestimées ; que la position défendue par l'administration conduit à des aberrations ;

Vu le mémoire en réponse, enregistré le 26 octobre 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui maintient ses conclusions à fin de rejet, en reprenant ses précédentes écritures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 février 2007 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- et les conclusions de M. Adrot, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société BEAUTE CREATEURS, filiale du groupe L'Oréal spécialisée dans la vente par correspondance de produits cosmétiques, s'est vue transférer certaines marques par sa maison mère, et substituée à celle-ci en ce qui concerne l'exécution de contrats de licence ; qu'elle relève régulièrement appel du jugement susmentionné, contestant notamment en appel la réintégration, à la suite d'une vérification de comptabilité, de frais de procédure et de surveillance desdites marques et celle des redevances versées en contrepartie des licences ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis de réception postal, que la SA BEAUTE CREATEURS a reçu une convocation à l'audience du 19 novembre 2003 par lettre recommandée du 14 octobre 2003, celle-ci lui ayant été distribuée le 15 octobre suivant comme en atteste la signature qu'elle a portée sur ce même accusé de réception ; que la société requérante doit ainsi être regardée comme ayant été régulièrement convoquée à l'audience du 19 novembre 2003 ; que le moyen tiré du défaut de convocation doit être rejeté ;

Considérant en deuxième lieu, que si la société BEAUTE CREATEURS soutient que le tribunal n'a pas visé les mémoires complémentaires qu'elle a produit, il ressort de l'analyse de la minute du jugement versée au dossier d'appel, que le tribunal a bien visé les mémoires complémentaires produits par la société, enregistrés les 13 novembre et 5 décembre 1997 ; qu'ainsi, le moyen manque en fait ;

Considérant en troisième lieu, que si la société BEAUTE CREATEURS soutient que le tribunal a omis de répondre au moyen contenu dans les susdits mémoires complémentaires et tiré de la procédure de l'abus de droit, prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, le juge n'est pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par le requérant à l'appui de ces moyens, et notamment lorsque, comme en l'espèce, l'administration n'a pas entendu se placer sur un tel terrain ;

Considérant enfin, que si la société BEAUTE CREATEURS conteste les redressements litigieux, en ce que l'administration a rectifié l'actif net des exercices concernés en omettant de corriger parallèlement le passif correspondant, ce moyen n'était pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé ; que dans ces conditions, le tribunal n'était pas tenu d'y répondre et n'a donc pas entaché son jugement d'une omission à statuer ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ; qu'il résulte de l'instruction, que la notification de redressements du 29 juin 1995 adressée à la société BEAUTE CREATEURS comportait une motivation suffisante, permettant à la contribuable de connaître les raisons de fait et droit qui avaient conduit le service à réintégrer dans ses bases imposables des exercices 1992 et 1993 notamment divers frais exposés pour le dépôt et la préservation de ses marques, des redevances acquittées et des conséquences y afférentes sur les exercices antérieurs tenant aux amortissements réputés différés ; que par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit être écarté ;

Sur le fond :

Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : «... 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances de tiers, les amortissements et les provisions justifiés » ; qu'il résulte de ces dispositions que les dépenses qui ont pour résultat l'entrée d'un nouvel élément dans l'actif immobilisé de l'entreprise ne font pas partie de ses frais généraux et ne sont imputables sur les résultats que par la voie de l'amortissement ;

Considérant en premier lieu, que si la requérante fait valoir que l'application du principe « d'activation des charges » conduit à des résultats incohérents, elle ne peut par une telle argumentation contester de façon pertinente l'application de la loi fiscale, dont découlent les redressements en litige, alors qu'il est constant que, par ailleurs, l'administration a admis la faculté pour l'entreprise de comptabiliser sur les exercices ultérieurs des amortissements qu'elle n'a pas constatés ;

Considérant en deuxième lieu, que le dépôt de marques confère à l'entreprise qui les exploite, des droits réels incorporels et cessibles, constituant des actifs incorporels devant être immobilisés dès lors qu'ils sont créés pour être utilisés de manière durable ; que les dépenses qui s'incorporent à la valeur comptable de ces éléments d'actif sont celles qui grèvent le prix de revient pour lequel ceux-ci doivent être inscrits à l'actif en vertu des dispositions susrappelées ; que par suite, constituent des frais d'acquisition de ces éléments d'actif devant être immobilisés, tous les frais et redevances engagés pour l'acquisition de ceux-ci, à savoir en l'espèce le dépôt et l'enregistrement des marques, mais également les frais accessoires directement exposés pour la conservation des droits conférés par le dépôt ; qu'à ce titre, la société BEAUTE CREATEURS se bornant à évoquer des frais de procédure et de surveillance, n'établit pas qu'il s'agirait en l'occurrence de frais d'une autre nature que ces derniers ; que c'est ainsi à bon droit que l'administration a réintégré les frais dont s'agit en tant que compléments aux frais d'acquisition d'un élément d'actif à immobiliser ;

Considérant en troisième lieu, que doivent suivre le régime fiscal des éléments incorporels de l'actif immobilisé de l'entreprise, les droits constituant une source régulière de profits, dotés d'une pérennité suffisante et susceptibles de faire l'objet d'une cession ; qu'à partir de 1986, la société L'Oréal s'est liée par des contrats de licence avec diverses sociétés et personnes physiques afin de commercialiser ses produits sous les marques constituées par leurs noms, ces contrats ayant été conclus pour des durées initiales de cinq ans et plus selon les dires mêmes de la société requérante, et sans que puisse y être opposées les conditions de résiliation ; que si cette dernière soutient en outre que ces contrats dont elle assure l'exécution, conclus à l'origine entre les sociétés ou personnes physiques en question et sa société-mère, à laquelle elle s'est trouvée substituée grâce au transfert susmentionné, ne sont pas cessibles dans les faits, le caractère cessible des droits revêt en particulier une nature juridique dont elle ne peut nier l'existence, le contrat produit en tant qu'exemple avec M. Tan Giudicelli ne comportant pas une telle restriction et elle-même ayant bénéficié, dans les faits, de la cession desdits contrats ; qu'ainsi, en jugeant qu'eu égard à la régularité non contestée des profits tirés desdits contrats, à leurs durées estimées à l'origine assurant une pérennité suffisante entre les cocontractants, et à leur caractère cessible, les redevances versées aux concédants devaient être regardées comme rémunérant l'acquisition par la société BEAUTE CREATEURS d'éléments incorporels de son actif immobilisé, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant en quatrième lieu, que si la société BEAUTE CREATEURS fait valoir que le montant des redevances susmentionnées comprenait également, pour une part, la participation des concédants à l'exécution de leurs contrats par des opérations promotionnelles, et une concertation avec le licencié, et que par suite, cette part ne peut être qualifiée d'élément incorporel, il ressort des déclarations mêmes de celle-ci ainsi que de l'exemple d'un contrat versé au dossier, que cette distinction n'a été opérée que dans un seul contrat, l'administration n'ayant pas réintégré en ce qui le concerne cette part de redevances ; que dès lors, c'est à juste titre que les redevances versées, à l'exception du second contrat conclu avec M. Klein, ont été regardées comme n'étant pas, dans leur totalité, déductibles des charges des exercices concernés ;

Considérant en cinquième lieu, que la société BEAUTE CREATEURS fait encore valoir l'incapacité qu'elle aurait eue à évaluer le montant des redevances à immobiliser jusqu'à l'expiration de chacun des contrats, et partant la difficulté qu'il y aurait eu à mettre en oeuvre l'immobilisation de ces redevances ; que cependant, seule la valeur estimée des redevances aurait dû à l'origine être portée dans les actifs incorporels immobilisés, l'amortissement annuel pouvant ensuite être égal aux redevances versées, sans pour autant qu'il ne soit porté atteinte au principe de l'annualité de l'impôt ; qu'au demeurant, l'exemple donné par la société est au contraire de nature à attester de la faisabilité de prévisions s'agissant desdites redevances ; que d'ailleurs, les six contrats conclus, dont deux concernaient la même personne, comportaient des montants minimums garantis de redevances pour chacune des années couvertes ; qu'un tel moyen doit donc être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société BEAUTE CREATEURS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction des compléments d'imposition à l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 1992 et 1993 ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamné à payer à la SA BEAUTE CREATEURS la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SA BEAUTE CREATEURS est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA BEAUTE CREATEURS et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré après l'audience du 12 février 2007 à laquelle siégeaient :

M. Soumet, président,

M. Privesse, premier conseiller,

M. Francfort, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 mars 2007.

Le rapporteur, Le président,

J. C. PRIVESSE M. SOUMET

Le greffier,

N. VIGNON

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 04PA00659


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 04PA00659
Date de la décision : 05/03/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés SOUMET
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: M. ADROT
Avocat(s) : LATIL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2007-03-05;04pa00659 ?
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