AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente et un mai deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUIHAL, les observations de Me Le PRADO, de la société civile professionnelle COUTARD et MAYER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Lionel, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 28 septembre 2004, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de Paulette Y..., épouse Z..., des chefs de blessures involontaires et contravention au Code de la route ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 4 de la Ioi du 5 juillet 1985, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a débouté Lionel X... de sa demande tendant à l'indemnisation des dommages qu'il a subis ;
"aux motifs qu'aux termes de l'article R. 415-5 du Code de la route, lorsque deux conducteurs abordent une intersection par des routes différentes, le conducteur venant par la gauche est tenu de céder le passage à l'autre conducteur, sauf dispositions différentes prévues au présent livre ; qu'en l'espèce, la règle de priorité à droite trouvait d'autant mieux à s'appliquer qu'un panneau de signalisation indiquant cette priorité était implanté avant l'intersection dans le sens de circulation de Lionel X... ; qu'il n'est pas démontré que Paulette Y..., épouse Z..., prioritaire en application de l'article R. 415-5 du Code de la route, ait commis une faute ayant concouru à la réalisation de l'accident ; que le refus de priorité commis par Lionel X... constitue une faute qui est la cause exclusive de l'accident dont il a été victime et qui est de nature à exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis ; qu'il y a lieu, en conséquence, de rejeter ses demandes ;
"alors que, d'une part, lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, directement ou par ricochet, sauf s'il a commis une faute qui a contribué à la réalisation de son préjudice et qu'il appartient, alors, aux juges du fond d'apprécier si cette faute a pour effet de limiter l'indemnisation ou de l'exclure ; mais que la faute de la victime ayant contribué à la réalisation de son propre préjudice doit être appréciée, abstraction faite du comportement de l'autre conducteur du véhicule impliqué ; que, dès lors, en retenant, pour exclure tout droit à indemnisation de Lionel X..., qu'il n'est pas démontré que Paulette Y... ait commis une faute ayant concouru à la réalisation de l'accident, la cour d'appel a violé l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;
"alors que, d'autre part, et en tout état de cause, en retenant, pour débouter Lionel X... de sa demande en indemnisation, que le refus de priorité commis par ce dernier est la cause exclusive de l'accident dont il a été victime et est de nature à exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis, la cour d'appel a ajouté une condition à la loi et, de nouveau, violé l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985" ;
Vu les articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu que, lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice ; qu'il appartient alors au juge d'apprécier souverainement si cette faute a pour effet de limiter l'indemnisation ou de l'exclure ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à un carrefour, une collision s'est produite entre la motocyclette pilotée par Lionel X... et l'automobile conduite par Paulette Z... ; que cette dernière, poursuivie pour blessures involontaires et refus de priorité, a été définitivement relaxée par les juges du fond ;
Attendu que, prononçant, en application de l'article 470-1 du Code de procédure pénale, sur l'indemnisation des dommages subis par Lionel X..., la cour d'appel retient qu'il n'est pas démontré que Paulette Z... ait commis une faute ayant concouru au sinistre et que le refus de priorité imputable au motocycliste, cause exclusive de l'accident, est de nature à exclure l'indemnisation des préjudices qu'il a subis ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la faute de la victime ayant contribué à la réalisation de son préjudice doit être appréciée en faisant abstraction du comportement de l'autre conducteur du véhicule impliqué dans l'accident, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 28 septembre 2004, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Guihal conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Le Corroller, Castagnède conseillers de la chambre, Mme Gailly, M. Chaumont, Mme Degorce conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Launay ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;