AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize septembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, de Me BLONDEL, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BOURGES, chambre correctionnelle, en date du 16 septembre 2004, qui, pour blessures involontaires et infractions à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, l'a condamné à une amende de 6 000 euros et à trois amendes de 3 000 euros, et a prononcé sur l'action civile ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 233-5-1, L. 263-2, R. 233-1 et R. 233-5 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre X... coupable de l'infraction de mise à disposition de trois salariés de la foreuse F06 de tréteaux qui n'étaient pas adaptés à la prévention de risque de chute d'objets et de l'avoir condamné, en conséquence, à trois amendes de 3 000 euros chacune ;
"aux motifs propres qu'il résulte de la procédure et des débats que le 13 novembre 2002 à Cosne-sur-Loire (58) Dimitri Y... salarié de l'entreprise SMFI, a été victime d'un accident du travail alors qu'il travaillait sur la foreuse F06 ; qu'une barre cylindrique d'environ 1 tonne 5 et d'une longueur de 9,5 mètres posée sur des tréteaux est tombée sur son pied gauche qui a dû par la suite être amputé de moitié ; que la SMFI dont le président directeur général est Pierre X... fabrique du matériel pour le forage de puits pétroliers et le travail de Dimitri Y... consistait à évider des tiges pleines pour en faire des tubes creux au moyen d'une foreuse ; que pour alimenter cette foreuse, Dimitri Y... ainsi que les deux autres ouvriers affectés habituellement à ce poste, devait placer 2 ou 3 tiges sur des tréteaux afin dinstaller aux deux extrémités de l'une d'entre elles des bagues permettant de le fixer dans la foreuse ; que l'accident s'est produit en raison de la chute du tréteau placé en face de la machine, ce qui a provoqué le basculement du second tréteau puis de la barre qui est tombée, a rebondi sur le sol avant de retomber sur le pied de la victime ainsi que l'atteste M. Z... dans l'enquête interne de l'entreprise ; que si l'inspectrice du travail chargée de cette entreprise, ne s'est pas immédiatement déplacée sur les lieux, ses investigations ont été sérieuses notamment un transport sur place le 4 décembre 2002 en présence du responsable de production, d'un animateur sécurité, du chef d'équipe de Dimitri Y... et d'un délégué syndical ; que s'il est constant que la force probante des procès-verbaux de l'inspection du travail est exclusivement attachée aux faits qui ont été personnellement et matériellement constatés par les agents de cette administration, Mme A... a constaté que la butée fixée au bout des tréteaux pour retenir les tiges était fixée en dehors de l'axe du pied, ce qui constituait une source d'instabilité, même si son croquis accentue ce défaut ; qu'en conséquence, le procès-verbal est régulier et qu'il n'existe aucune raison valable de l'écarter des débats comme le demande la défense ; sur l'infraction à l'hygiène et à la sécurité : que la discussion sur l'origine de la chute de ce tréteau, un choc au moment de la manutention qui a fait buter la barre sur les butées du tréteau comme le soutient la direction ou un écrasement d'une cale en bois destinée à immobiliser les barres comme le prétend M. Y... est secondaire ; que les articles L. 233-5-1, R. 233-1 et R. 233-5 du Code du travail imposent au chef d'établissement l'obligation de mettre à la disposition du personnel " des équipements de travail et leurs éléments qui doivent être installées et pouvoir être utilisés de manière telle que leur stabilité soit assurée " ;
que les contestations de Pierre X... sont surprenantes dans la mesure où il se présente comme un chef d'entreprise soucieux de la sécurité et laisse au hasard et à l'adresse des manoeuvres de son personnel le soin de transporter des tiges très lourdes retenues par des câbles, sur un pont roulant, avant de les poser avec d'autres sur des tréteaux non scellés et de conception artisanale ; que ces manoeuvres répétitives sont très dangereuses en raison du poids des tiges et de leur instabilité ; que de mesures étudiées devaient être prises lors de l'installation de la machine litigieuse en 1999 et 2000, ce qui n'a pas été le cas puisque M. B... a précisé que les cales en bois avaient été employées à l'initiative des opérateurs foreurs pour empêcher la barre de tourner ; que de nombreux éléments démontrent que la chute d'un tréteau était prévisible ; que M. C..., chef de production, a fait des essais qui démontrent que le fait de pousser énergiquement la barre qui se trouvait contre les butées, entraîne le basculement d'un tréteau ; qu'il a déclaré aux enquêteurs " nous avons remarqué qu'il fallait un choc pour que les tréteaux basculent " ; que plusieurs salariés attestent de l'existence de chutes antérieures sans qu'il y ait lieu de s'attacher au fait que certaines barres tombaient côté allée et non vers l'opérateur, la chute coté allée étant plus le résultat dynamique du choc sur la barre que de la pente du sol ; que tous les opérateurs foreurs entendus par la hiérarchie ont déclaré " que tout le monde était conscient qu'il y avait un risque " ; que M. D... a déclaré " la veille de l'accident, j'ai signalé à M. B... que le pied du tréteau se décollait du sol quand on préparait les barres même si deux barres étaient posées sur les tréteaux " ; que tous les experts désignés par l'entreprise (Chausset-Cetim) confirment que dans certaines circonstances comme le chariotage d'une seconde tige, l'élévation par le pont roulant sans vérification de l'aplomb du câble de l'élingue ou une erreur de manipulation, peuvent faire basculer l'ensemble vers l'opérateur ;
que les opérateurs ont probablement dissimulé à leur direction les risques encourus par " peur de remontrances ou de sanctions " ainsi que le précise M. E... qui a exercé des fonctions d'animateur de sécurité et qui admet " il est vrai qu'il y avait un problème de sécurité avec ce type de dispositif " ; que cette méfiance des ouvriers pour signaler le risque en remplissant les bons de demande de travail, démontre un dysfonctionnement au niveau du contrôle de qualité et sécurité, imputable au chef d'entreprise qui doit donner et faire appliquer des directives permettant d'assurer la sécurité du travail ; que l'attitude des cadres qui, présents dans les ateliers, prétendent ne jamais avoir constaté ou entendu la chute de tige, est très surprenante ;
qu'après l'accident les tréteaux ont été modifiés et surtout fixés ;
qu'une réflexion et des études préalables auraient permis de prendre des mesures évitant la chute des tréteaux à l'origine des blessures de Dimitri Y... ; qu'il apparaît que Pierre X... a bien commis les trois infractions prévues et réprimées par les articles R. 233-5, L. 263-5-1 et L. 263-2 du code du travail, trois salariés travaillant habituellement sur la foreuse F06 ;
"et aux motifs adoptés que Dimitri Y... déclara qu'une des cales en bois servant à maintenir les barres sur les tréteaux et les empêcher de rouler aurait cédé ; qu'il est encore établi que les tréteaux en cause sur lesquels les barres étaient réceptionnées n'étaient pas scellées au sol et, pour que les barres ne tombent pas au sol, étaient munis d'une butée à chaque extrémité du plateau de ces tréteaux ; qu'il était encore constaté que ces butées se trouvaient à l'extérieur de l'axe même des pieds des tréteaux, soit au-delà de l'aplomb de la base de sustentation des tréteaux de telle sorte que ceux-ci étaient susceptibles d'être déséquilibrés si une barre cylindrique venait à une extrémité du plateau de ces tréteaux ;
qu'à la suite de cet accident les tréteaux en cause furent remplacés par de nouveaux tréteaux scellés au sol et dont les butées furent rapprochées du centre du tréteau soit à l'intérieur de l'aplomb de leur base de sustentation ; qu'au cours de l'enquête et de laudience, Dimitri Y... maintenait que des chutes similaires mais sans les mêmes conséquences s'étaient déjà produites, que lui-même en aurait avisé la maîtrise et qu'encore la veille de son accident une chute semblable s'était produite ; que lors de l'enquête MM. B... et F... confirmaient des chutes similaires par le passé dont ils avaient informé leur hiérarchie ; que M. G... confirmait également une chute de barre dans les mêmes conditions mais n'avait pas signalé cet événement ; que M. H... déclarait pour sa part que la veille de l'accident du 13 novembre 2002, il avait dit à M. B... que le pied du tréteau se soulevait lorsque les barres étaient apprêtées mêmes si deux barres reposaient sur les tréteaux ; que dans une enquête interne les opérateurs apparaissaient incriminer la mauvaise conception des tréteaux ; qu'en revanche, les agents de maîtrise, MM. C..., I..., J..., K..., E..., L... prétendaient ne pas avoir été informés de tels problème par le passé, seul M. M... indiquant pour sa part " qu'aucun opérateur ne m'a démontré l'existence du danger et je n'ai jamais vu chuter de barre " ; que pour autant il est des plus étonnant que des chutes semblables ayant immanquablement ralenti ou arrêté la production aient pu passer inaperçues ; que selon le rapport de l'inspectrice du travail rapportant son entretien avec M. C..., si la tige posée sur les tréteaux initiaux est poussée même légèrement elle roule jusqu'en butée et provoque le basculement de ces tréteaux ; qu'il résulte ainsi en tout état de cause et nonobstant le fait inopérant que le prévenu ait pu voir partout à travers le monde les usines utiliser le même matériel , que les tréteaux utilisés étaient alors inadaptés pour prévenir le risque de chute d'objet lequel n'était aucunement absolument imprévisible ; que les mesures prises après l'accident, scellement des tréteaux au sol et modification de l'emplacement des butées, confortent que le risque de chute pouvait aisément être évité ; qu'ainsi en mettant à la disposition de ses employés de tels équipements inadaptés il a été failli à l'obligation légale posée par les articles R. 233-1 et R. 233-5-1 du Code du travail visant précisément à la mise à disposition d'équipements adaptés propres à préserver la sécurité des travailleurs et par l'article R. 233-5 du même code qui ajoute que les équipements de travail et leurs éléments doivent être installés et pouvoir être utilisés de manière telle que leur stabilité soit assurée ;
"1. - alors qu'une condamnation ne peut être prononcée que si la culpabilité du prévenu résulte de motifs suffisants ; qu'à ce titre, les moyens de défense et documents présentés par le prévenu pour sa défense doivent être examinés par les juges du fond ; qu'en cause d'appel, Pierre X... indiquait qu'il avait délégué ses pouvoirs en matière de sécurité et produisait les délégations de sécurité établies par M. N..., directeur général, auquel il avait délégué ses pouvoirs, au profit de chefs d'ateliers et de responsables techniques ; qu'en retenant la culpabilité du prévenu sans examiner les délégations de pouvoir en matière de sécurité qu'il produisait pour sa défense, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ;
"2. - alors qu'il ne peut être reproché à un chef d'entreprise d'avoir mis à la disposition des travailleurs des équipements de travail impropres à préserver leur sécurité, s'il a accompli les diligences normales pour assurer la sécurité de ces équipements et qu'il n'a jamais eu connaissance des risques existants ; qu'en l'espèce, il est établi que les salariés disposaient de tableaux d'affichage et de bons de demande de travail leur permettant de signaler les incidents éventuels, ce qu'ils n'ont jamais fait ; qu'en outre, les équipements litigieux étaient régulièrement contrôlés tant par l'inspection du travail, que par les entreprises de contrôle missionnées pour les audits relatifs à la norme ISO 9001 ou encore par l'ANIFOP pour les études de poste ; que ces différents organismes n'ont jamais émis la moindre observation sur la stabilité des tréteaux litigieux non plus que le CHSCT de l'entreprise ; qu'en jugeant Pierre X... coupable d'infraction aux règles de sécurité relatives à la stabilité des équipements de travail quand, n'ayant jamais été informé du risque potentiel existant en dépit des précautions prises, il pensait légitimement ces équipements sûrs, la cour d'appel a violé les articles L. 233-5-1, L. 263-2, R. 233-1 et R. 233-5 du Code du travail" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 233-5-1, L. 263-2, R. 233-1 et R. 233-5 du Code du travail, 121-3 et 222-19 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre X... coupable de l'infraction de blessures involontaires causant une incapacité de plus de trois mois dans le cadre du travail et, en conséquence, de l'avoir condamné à la peine de 6 000 euros d'amende ;
"aux motifs propres qu'il résulte de la procédure et des débats que le 13 novembre 2002 à Cosne-sur-Loire (58) Dimitri Y... salarié de l'entreprise SMFI, a été victime d'un accident du travail alors qu'il travaillait sur la foreuse F06 ; qu'une barre cylindrique d'environ 1 tonne 5 et d'une longueur de 9,5 mètres posée sur des tréteaux est tombée sur son pied gauche qui a dû par la suite être amputé de moitié ; que la SMFI dont le président directeur général est Pierre X... fabrique du matériel pour le forage de puits pétroliers et le travail de Dimitri Y... consistait à évider des tiges pleines pour en faire des tubes creux au moyen d'une foreuse ; que pour alimenter cette foreuse, Dimitri Y... ainsi que les deux autres ouvriers affectés habituellement à ce poste, devait placer 2 ou 3 tiges sur des tréteaux afin dinstaller aux deux extrémités de l'une d'entre elles des bagues permettant de le fixer dans la foreuse ; que l'accident s'est produit en raison de la chute du tréteau placé en face de la machine, ce qui a provoqué le basculement du second tréteau puis de la barre qui est tombée, a rebondi sur le sol avant de retomber sur le pied de la victime ainsi que l'atteste M. Z... dans l'enquête interne de l'entreprise ; que si l'inspectrice du travail chargée de cette entreprise, ne s'est pas immédiatement déplacée sur les lieux, ses investigations ont été sérieuses notamment un transport sur place le 4 décembre 2002 en présence du responsable de production, d'un animateur sécurité, du chef d'équipe de Dimitri Y... et d'un délégué syndical ; que s'il est constant que la force probante des procès-verbaux de l'inspection du travail est exclusivement attachée aux faits qui ont été personnellement et matériellement constatés par les agents de cette administration, Mme A... a constaté que la butée fixée au bout des tréteaux pour retenir les tiges était fixée en dehors de l'axe du pied, ce qui constituait une source d'instabilité, même si son croquis accentue ce défaut ; qu'en conséquence, le procès-verbal est régulier et qu'il n'existe aucune raison valable de l'écarter des débats comme le demande la défense ; sur l'infraction à l'hygiène et à la sécurité : que la discussion sur l'origine de la chute de ce tréteau, un choc au moment de la manutention qui a fait buter la barre sur les butées du tréteau comme le soutient la direction ou un écrasement d'une cale en bois destinée à immobiliser les barres comme le prétend M. Y... est secondaire ;
que les articles L. 233-5-1, R. 233-1 et R. 233-5 du Code du travail imposent au chef d'établissement l'obligation de mettre à la disposition du personnel " des équipements de travail et leurs éléments qui doivent être installées et pouvoir être utilisés de manière telle que leur stabilité soit assurée " ; que les contestations de Pierre X... sont surprenantes dans la mesure où il se présente comme un chef d'entreprise soucieux de la sécurité et laisse au hasard et à l'adresse des manoeuvres de son personnel le soin de transporter des tiges très lourdes retenues par des câbles, sur un pont roulant, avant de les poser avec d'autres sur des tréteaux non scellés et de conception artisanale ; que ces manoeuvres répétitives sont très dangereuses en raison du poids des tiges et de leur instabilité ; que de mesures étudiées devaient être prises lors de l'installation de la machine litigieuse en 1999 et 2000, ce qui n'a pas été le cas puisque M. B... a précisé que les cales en bois avaient été employées à l'initiative des opérateurs foreurs pour empêcher la barre de tourner ; que de nombreux éléments démontrent que la chute d'un tréteau était prévisible ; que M. C..., chef de production, a fait des essais qui démontrent que le fait de pousser énergiquement la barre qui se trouvait contre les butées, entraîne le basculement d'un tréteau ; qu'il a déclaré aux enquêteurs " nous avons remarqué qu'il fallait un choc pour que les tréteaux basculent " ; que plusieurs salariés attestent de l'existence de chutes antérieures sans qu'il y ait lieu de s'attacher au fait que certaines barres tombaient côté allée et non vers l'opérateur, la chute coté allée étant plus le résultat dynamique du choc sur la barre que de la pente du sol ; que tous les opérateurs foreurs entendus par la hiérarchie ont déclaré " que tout le monde était conscient qu'il y avait un risque " ; que M. D... a déclaré " la veille de l'accident, j'ai signalé à M. B... que le pied du tréteau se décollait du sol quand on préparait les barres même si deux barres étaient posées sur les tréteaux " ; que tous les experts désignés par l'entreprise (Chausset-Cetim) confirment que dans certaines circonstances comme le chariotage d'une seconde tige, l'élévation par le pont roulant sans vérification de l'aplomb du câble de l'élingue ou une erreur de manipulation, peuvent faire basculer l'ensemble vers l'opérateur ; que les opérateurs ont probablement dissimulé à leur direction les risques encourus par " peur de remontrances ou de sanctions " ainsi que le précise M. E... qui a exercé des fonctions d'animateur de sécurité et qui admet " il est vrai qu'il y avait un problème de sécurité avec ce type de dispositif " ; que cette méfiance des ouvriers pour signaler le risque en remplissant les bons de demande de travail, démontre un dysfonctionnement au niveau du contrôle de qualité et sécurité, imputable au chef d'entreprise qui doit donner et faire appliquer des directives permettant d'assurer la sécurité du travail ; que l'attitude des cadres qui, présents dans les ateliers, prétendent ne jamais avoir constaté ou entendu la chute de tige, est très surprenante ;
qu'après l'accident les tréteaux ont été modifiés et surtout fixés ;
qu'une réflexion et des études préalables auraient permis de prendre des mesures évitant la chute des tréteaux à l'origine des blessures de Dimitri Y... ; qu'il apparaît que Pierre X... a bien commis les trois infractions prévues et réprimées par les articles R. 233-5, L. 263-5-1 et L. 263-2 du code du travail, trois salariés travaillant habituellement sur la foreuse F06 ;
"et aux motifs propres que nonobstant le fait que le prévenu ait pu voir partout à travers le monde les usines utiliser le même matériel, ce qu'il ne prouve pas, le processus permettant le forage des tubes d'acier n'avait pas fait l'objet d'une étude préalable et sérieuse au moment du changement de la foreuse ; que la mise à disposition du personnel d'équipements de travail instables a été la condition déterminante de l'accident survenu le 13 novembre 2002 à Dimitri Y... ; qu'en particulier la fixation des tréteaux aurait empêché l'accident quelles que soient les causes de leur basculement, hypothèses retenues par les experts ou celles décrites par la victime et qui ne peut être exclue ; qu'en conséquence, il est suffisamment démontré ainsi que le tribunal l'a relevé par des motifs pertinents et exacts que la Cour adopte que le prévenu, auteur indirect du dommage a, par son manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, causé à autrui une incapacité totale de travail supérieure à trois mois ; que les faits de la prévention sont donc établis ; qu'il convient cependant en raison de l'absence de condamnation du prévenu, d'infirmer la décision sur la peine en prononçant une peine d'amende de 6 000 euros et trois amendes de 3 000 euros ;
"et aux motifs adoptés qu'il en résulte que l'instabilité des équipements de travail que constituent les tréteaux a été la condition déterminante de l'accident survenu le 13 novembre 2002 à Dimitri Y... ; que contrairement à ce que prétend le prévenu à l'audience aucune faute de manipulation n'apparaît pouvoir être retenue contre Dimitri Y... qui serait de nature à l'exonérer de sa responsabilité et alors qu'il admet à l'audience sa responsabilité civile et pénale pour pourtant réclamer sa relaxe ; qu'encore la mise à disposition des employés des moyens tels que des " bons de demande de travail " ou " tableaux d'affichage " n'est pas de nature à exonérer de cette responsabilité ou à démontrer que les mesures propres à garantir la sécurité du travail avaient été utilement prises ;
qu'en conséquence il est suffisamment démontré que le prévenu, auteur indirect du dommage subi par la victime, a, par son manquement à mettre à disposition de ses employés des équipements adaptés et stables pour assurer leur sécurité, constituant une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, contribué à créer la situation qui a permis la réalisation de ce dommage ; que le prévenu ne justifie pas par ailleurs d'une quelconque délégation de pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité des travailleurs à une quelconque personne de la société ; que dans ces conditions l'infraction retenue contre Pierre X... est suffisamment constituée, qu'il convient de l'en déclarer coupable et d'entrer en voie de condamnation ;
"1. - alors qu'une condamnation ne peut être prononcée que si la culpabilité du prévenu résulte de motifs suffisants ; qu'à ce titre, les moyens de défense et documents présentés par le prévenu pour sa défense doivent être examinés par les juges du fond ; qu'en cause d'appel, Pierre X... indiquait qu'il avait délégué ses pouvoirs en matière de sécurité et produisait les délégations de sécurité établis par M. N..., directeur général, auquel il avait délégué ses pouvoirs, au profit de chefs d'ateliers et de responsables techniques ; qu'en retenant la culpabilité du prévenu sans examiner les délégations de pouvoir en matière de sécurité qu'il produisait pour sa défense, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ;
"2. - alors que les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation ayant permis la réalisation de celui-ci ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, ne sont responsables pénalement que s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou par le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ; que la cour d'appel a déclaré Pierre X... coupable de violences ayant causé une incapacité de travail supérieure à trois mois sur la personne de Dimitri Y... par " manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement " ; que cependant les juges n'ont pas indiquer quelle obligation particulière de sécurité le prévenu aurait méconnue ; et pour cause puisqu'il n'existe aucune disposition spécifique en matière de fixation des tréteaux, en dehors des dispositions de portée générale de l'article R. 233-5 du Code du travail concernant la stabilité des équipements de travail ; ni en quoi sa violation aurait été manifeste ; qu'en retenant néanmoins une faute qualifiée à l'encontre de Pierre X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 121-3 et 222-19 du Code pénal ;
"3. - alors que les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation ayant permis la réalisation de celui-ci ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, ne sont responsables pénalement que s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou par le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ; que les motifs de l'arrêt sont également impropres à caractériser une faute caractérisée au sens de " faute qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité que le prévenu ne pouvait ignorer " ; qu'en effet, la cour d'appel n'a pas davantage caractérisé l'existence d'une faute exposant autrui à un risque d'une particulière gravité dont le prévenu aurait eu conscience, les juges relevant même que ce risque lui avait été délibérément dissimulé par les salariés " par peur des remontrances ou des sanctions " ; qu'en jugeant néanmoins le prévenu coupable d'avoir commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 121-3 et 222-19 du Code pénal" ;
Les moyens étant réunis ;
Sur les moyens pris en leur première branche ;
Attendu qu'il ne résulte d'aucune énonciation de l'arrêt attaqué ni d'aucunes conclusions régulièrement déposées que le prévenu ait soutenu devant les juges du second degré qu'il avait délégué ses pouvoirs en matière de sécurité ; qu'ainsi le grief est nouveau ;
Sur les moyens pris en leurs autres branches ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'un salarié de la société SMF International (SMFI) a été blessé par la chute d'un cylindre d'acier d'une tonne et demie qu'il plaçait sur des tréteaux qui ont basculé ; qu'à la suite de cet accident, Pierre X..., président de la société précitée, a été poursuivi du chef du délit de blessures involontaires et pour avoir mis à la disposition des trois salariés utilisant les tréteaux un équipement qui n'était pas adapté à la prévention des risques de chute d'objets ;
Attendu que, pour le condamner de ces chefs, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le chef d'établissement a, aux termes des articles L. 233-5-1, R. 233-1 et R. 233-5 du Code du travail, l'obligation de mettre à disposition du personnel des équipements de travail installés de telle sorte que leur stabilité soit assurée ; que les juges ajoutent que la conception des tréteaux, équipés de butées situées à l'extérieur de l'axe des pieds des tréteaux, et qui, en outre, n'étaient pas scellés au sol, ne permettait pas d'en assurer l'équilibre ; qu'ils relèvent que la chute des ces supports était prévisible comme l'établissent les déclarations des salariés et qu'elle a été la cause de l'accident dont a été victime le salarié ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le prévenu, qui a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage et n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter, a commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, au sens de l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 263-2 dernier alinéa du code du travail, 132-3, 121-3 et 222-19 du Code pénal, 591 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Pierre X... à la peine de 6 000 euros d'amende du chef du délit de blessures involontaires et à la peine de trois amendes de 3 000 euros du chef de l'infraction de mise à disposition d'un matériel non adapté à la prévention de risque de chute d'objets ;
"aux motifs propres qu'il convient toutefois en raison de l'absence de condamnation du prévenu, d'infirmer la décision sur la peine en prononçant une peine d'amende de 6 000 euros et trois amendes de 3 000 euros ;
"alors qu'en cas de conviction de plusieurs crimes ou délits, la peine la plus forte est seule prononcée ; que si, par exception, la loi prévoit, dans le cas des infractions correctionnelles aux règles protectrices de la sécurité des travailleurs, qu'il est prononcé autant d'amendes qu'il y a de salariés concernés, le cumul des peines principales est expressément exclu lorsqu'une telle infraction est poursuivie concurremment avec un délit d'homicide ou de blessures involontaires ; que l'arrêt attaqué a prononcé contre Pierre X... une peine de 6 000 euros d'amende pour le délit de blessures involontaires et trois amendes de 3 000 euros chacune pour l'infraction aux règles relatives à l'hygiène et à la sécurité ;
qu'en prononçant ainsi plusieurs peines d'amendes à l'encontre de Pierre X..., la Cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu qu'après avoir déclaré Pierre X... coupable du délit de blessures involontaires et de trois infractions à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, visées à l'article L. 263-2, alinéa 1, du Code du travail , l'arrêt l'a condamné à une amende de 6 000 euros et à trois amendes de 3 000 euros ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des articles L. 263-2 du Code du travail et 132-3 du Code pénal ;
Qu'en effet, lorsqu'à l'occasion d'une même procédure, la personne poursuivie est reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, les unes visées à l'article L. 263-2, alinéa 1, du Code du travail, les autres d'homicide ou de blessures involontaires prévus par les articles 221-6, 222-19 et 222-20 du Code pénal, les peines de même nature se cumulent dès lors que leur total n'excède pas le maximum légal de la peine la plus élevée qui est encourue ;
Que tel étant le cas en l'espèce, le moyen doit être écarté ;
Mais sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 233-5-1, L. 263-2, R. 233-1 et R. 233-5 du Code du travail, 121-3 et 222-19 du Code pénal, 1382 du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre X... responsable du préjudice subi par Dimitri Y... en suite de l'accident du 13 novembre 2002 et condamné Pierre X... à verser à Dimitri Y... la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
"aux motifs propres que les éléments soumis à l'appréciation de la Cour justifient la décision critiquée qui sera confirmée ; que l'équité justifie d'allouer à Dimitri Y... la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
"et aux motifs adoptés, que régulière en la forme la constitution de partie civile de monsieur Dimitri Y... doit être déclarée recevable ; qu'il y a lieu de déclarer Pierre X... entièrement responsable des préjudices subis par Dimitri Y... en suite de l'accident du 13 novembre 2002 ; que la réparation des préjudices de la partie civile relève du régime des accidents du travail et de la connaissance exclusive de la juridiction de la sécurité sociale ; qu'en conséquence, il n'appartient pas au tribunal correctionnel de se prononcer sur l'un quelconque des autres chefs de demandes figurant aux conclusions écrites de la partie civile qui n'ont d'ailleurs pas été soutenues à l'audience ;
"1. - alors que la cassation qui ne manquera pas d'être prononcée sur le principe de la culpabilité de Pierre X... entraînera par voie de conséquence l'annulation du chef ici querellé du dispositif de l'arrêt ;
"2. - alors, en tout état de cause, qu'aucune action en réparation d'accident du travail ne peut être exercée conformément au droit commun par la victime contre l'employeur ; que si la victime a la faculté de se constituer partie civile devant les juridictions de droit commun afin de corroborer l'action publique, les juges ne peuvent se prononcer sur la responsabilité du prévenu à son égard ;
qu'en déclarant Pierre X... entièrement responsable des préjudices subis par Dimitri Y... et en statuant ainsi sur le principe même de la responsabilité civile de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 451-1 du Code de la sécurité sociale" ;
Vu l'article L. 451-1 du Code de la sécurité sociale ;
Attendu que selon ledit article, aucune action en réparation du préjudice causé par un accident du travail ne peut, en dehors des cas prévus par ce texte, être exercée conformément au droit commun, par la victime contre l'employeur ou ses préposés ;
Attendu qu'après avoir déclaré à bon droit la constitution de partie civile recevable, dit les faits établis à l'encontre de Pierre X... et constaté que la réparation des préjudices de la partie civile relevait du régime des accidents du travail et de la connaissance exclusive de la juridiction de sécurité sociale, les juges ont néanmoins déclaré l'appelant entièrement responsable des préjudices subis par la victime ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi sur le principe même de la responsabilité civile de l'employeur, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bourges, en date du 16 septembre 2004, en ses seules dispositions ayant dit Pierre X... entièrement responsable des préjudices subis par la victime, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que Pierre X... devra payer à Dimitri Y... au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bourges, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Valat conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, MM. Beyer, Pometan, Mmes Palisse, Guirimand conseillers de la chambre, Mme Ménotti conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Launay ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;