AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux février deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE ET HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BRAMICK, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PAPEETE, en date du 18 mai 2004, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée des chefs de tentatives d'escroquerie et d'infractions au Code de la construction et de l'habitation, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 6 , du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 575, alinéa 2,6 , du Code de procédure pénale, 6 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 191, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué mentionne que la chambre de l'instruction était, notamment, composée de M. Pierre X..., président de chambre, président, rapporteur ;
"alors que M. Pierre X..., président de chambre, avait déjà connu de l'affaire opposant la SCI Bramick à Jean-Luc Y..., dans la mesure où il avait précédemment rendu une ordonnance de référé, le 21 mai 2003, ordonnant l'exécution provisoire du jugement du tribunal de première instance de Papeete du 26 février 2003 en ce qui concerne la condamnation prononcée à l'encontre de la SCI Bramick au profit de Jean-Luc Y... à hauteur de 184. 416.700 FCP ; qu'à l'occasion de cette procédure civile la SCI Bramick invoquait le non-respect des obligations de la loi de 1967 et faisait état de la plainte avec constitution de partie civile qu'elle a déposée pour tentative d'escroquerie et violation des dispositions des articles L. 261-12, 261-15 et 261-17 du Code de la construction et de l'habitation, pour s'opposer au versement de cette somme, correspondant au bénéfice dégagé par l'opération immobilière litigieuse, au seul profit de Jean- Luc Y... ; qu'ainsi, M. Pierre X... ayant eu précédemment connaissance du litige opposant la SCI Bramick à Jean-Luc Y..., et ayant statué dans un sens défavorable à la SCI Bramick, il y avait donc incompatibilité à ce qu'il siégeât en qualité de président rapporteur dans la présente instance, car cette circonstance était de nature à faire naître dans l'esprit de la partie civile un doute sur sa parfaite impartialité" ;
Attendu que la société demanderesse n'est pas recevable à mettre en cause devant la Cour de cassation l'impartialité d'un des magistrats ayant siégé à la chambre de l'instruction, en invoquant une violation de l'article 6.1 de la convention européenne des droits de l'homme, dès lors qu'elle n'a pas usé de la possibilité d'en obtenir le respect en récusant ce magistrat par application de l'article 668 du Code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 575, alinéa 2, 6 , du Code de procédure pénale, L.261-12, L.261- 15, L.261-17 du Code de la construction et de l'habitation, des articles 313-1 et suivants du Code pénal, 121-5 du même Code, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction ;
"aux motifs que " (...) les infractions à la législation du Code de la construction et de l'habitation n'apparaissent pas constituées ; de même, les investigations menées dans le cadre de cette procédure d'instruction n'ont pas permis de rassembler des charges suffisantes à l'encontre de quiconque d'avoir commis le délit de tentative d'escroquerie" ;
"alors, d'une part, que, s'agissant des infractions à la législation du coût de la construction de l'habitation, la SCI Bramick faisait valoir que l'agence JCM Conseil avait vendu un immeuble non achevé et avait encaissé les fonds, sous couvert d'un certificat de conformité obtenu des services de l'urbanisme, en faisant croire aux candidats acquéreurs que l'immeuble était en état ; que la chambre de l'instruction aurait dû rechercher si, en agissant ainsi, en ne prévoyant précisément pas le paiement du prix au fur et à mesure de l'avancement des travaux, mais en obtenant un déblocage immédiat des fonds et parfois même le versement du dépôt de garantie dès le 26 juin 2002, lors même que l'immeuble ne pouvait être considéré comme achevé avant le 10 juillet 2002, Jean-Luc Y... et l'agent immobilier (JCM Conseil) n'avaient pas contrevenu aux disposions d'ordre public relatives aux ventes en l'état futur d'achèvement, nonobstant les dispositions trompeuses des actes conclus avec les acquéreurs ; que l'arrêt attaqué, en ne s'expliquant pas sur ces chefs péremptoires du mémoire de la partie civile, ne peut satisfaire aux conditions essentielles de son existence légale ;
"alors, d'autre part, que, sous un chef péremptoire de son mémoire devant la chambre de l'instruction, la SCI Bramick faisait valoir qu'elle avait été victime d'une escroquerie ou tentative d'escroquerie montée sous l'apparence d'un dossier de promotion immobilière au profit de Jean-Luc Y... ; que le montage consistait à avoir fait signer simultanément, le même jour, au représentant de la SCI Bramick qui avait été abusée par le procédé, trois actes non enregistrés, l'un portant compromis de vente d'un ensemble immobilier à construire sis à Punaauia, moyennant un prix de 567 millions de FCP au profit de Jean-Luc Y... avec certaines garanties de sa part, l'autre consistant en une contre-lettre vidant l'acte précédent de toute substance, enfin le troisième étant une procuration générale aux fins de vendre les appartements composant l'immeuble à construire, Jean-Luc Y..., qui n'était en réalité pas acheteur, mais mandataire, s'accaparant par ce procédé l'intégralité du profit de l'opération, sans aucune contrepartie pour la SCI Bramick qui assumait tous les risques et se trouvait spoliée du bénéfice de l'opération immobilière réalisée par elle ; qu'en ne s'expliquant absolument pas sur ledit montage, ayant cependant eu pour effet de tromper la partie civile pour la déterminer à consentir un acte octroyant des avantages considérables à Jean-Luc Y..., tout en le déchargeant de toute obligation ou garantie, et en lui permettant ainsi de tirer tous les profits de l'opération immobilière, la chambre de l'instruction a rendu un arrêt qui ne peut satisfaire en la forme aux conditions essentielles de son existence légale ;
"alors, enfin, qu'en se bornant à déclarer que la SCI Bramick ne démontre pas l'existence d'un quelconque préjudice, au regard des conventions signées entre les parties, lors même que le délit d'escroquerie, et plus encore de tentative d'escroquerie, existe indépendamment de tout préjudice éprouvé par la victime dès lors que la remise a été extorquée par des moyens frauduleux, la chambre de l'instruction n'a pas légalement motivé sa décision eu égard à l'existence du délit de tentative d'escroquerie poursuivi ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les délits reprochés, ni toute autre infraction ;
Que la demanderesse se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre de l'instruction en l'absence de recours du ministère public ;
Que, dès lors, le moyen est irrecevable ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Blondet conseiller rapporteur, MM. Farge, Palisse, Le Corroller, Castagnède conseillers de la chambre, Mmes Gailly, Guihal, M.Chaumont, Mmes Degorce, Labrousse conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;