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15/12/2005 | FRANCE | N°04-17166

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 15 décembre 2005, 04-17166


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 4 mai 2004), qu'à la suite d'un litige les opposant, une procédure d'arbitrage a été engagée entre la société Sodema et les sociétés Prodim et CSF ; qu'à la demande des sociétés Prodim et CSF, le président du tribunal de commerce de Caen, statuant en la forme des référés, a, par deux ordonnances du 28 mars 2003, prolongé le délai d'arbitrage, puis, par deux ordonnances du 23 juillet 2003, désigné l'arbitre de la société

Sodema et rejeté la demande de nullité de la clause compromissoire formée par cette ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 4 mai 2004), qu'à la suite d'un litige les opposant, une procédure d'arbitrage a été engagée entre la société Sodema et les sociétés Prodim et CSF ; qu'à la demande des sociétés Prodim et CSF, le président du tribunal de commerce de Caen, statuant en la forme des référés, a, par deux ordonnances du 28 mars 2003, prolongé le délai d'arbitrage, puis, par deux ordonnances du 23 juillet 2003, désigné l'arbitre de la société Sodema et rejeté la demande de nullité de la clause compromissoire formée par cette dernière ; qu'ayant été ensuite récusé par les sociétés Prodim et CSF, l'arbitre a renoncé à sa mission et ces sociétés ont introduit en référé, le 14 octobre 2003, une nouvelle demande de désignation d'arbitre ; qu'à l'audience, la société Sodema a formé une demande de récusation du président du tribunal de commerce de Caen et de renvoi pour cause de suspicion légitime aux motifs que celui-ci avait déjà statué sur le même litige entre les mêmes parties et qu'il avait fait preuve d'hostilité en la condamnant dans plusieurs décisions antérieures au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile d'un montant exorbitant ; que le juge ayant refusé sa récusation, la requête a été transmise au premier président de la cour d'appel de Caen pour que la juridiction immédiatement supérieure statue sur le fond de la requête ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Sodema fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa requête, alors, selon le moyen, que le ministère public, dans le cas où il est partie jointe, et sauf si la loi impose sa présence à l'audience, peut faire connaître son avis à la juridiction, soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l'audience ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas de l'arrêt que les conclusions que le ministère public a déposées le 2 décembre 2003 aient été mises à la disposition des parties, ni qu'elles aient été soutenues oralement à l'audience ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 16 et 431 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que les procédures de récusation et de renvoi pour cause de suspicion légitime qui ne portent pas sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale et ne concernent pas une contestation sur un droit ou une obligation de caractère civil n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Et attendu que, selon les articles 351 et 359 du nouveau Code de procédure civile, il est statué sans qu'il soit nécessaire d'appeler les parties ; qu'il en résulte qu'en l'absence de débat et de toute disposition en ce sens, le ministère public n'avait pas à communiquer ses conclusions ou à les mettre à la disposition des parties ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Sodema fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa requête, alors, selon le moyen :

1 / que la récusation d'un juge peut être demandée s'il a précédemment connu de l'affaire comme juge ou comme arbitre ; qu'en outre, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial, de sorte qu'un juge doit donc être récusé, même pour des causes non visées à l'article 341 du nouveau Code de procédure civile, dès lors qu'existe chez l'une des parties un doute légitime sur son impartialité, peu important à cet égard que les textes prévoient sa compétence pour connaître des phases successives d'une même procédure ; qu'il en résulte que le président du tribunal qui a fait droit à la demande tendant à désigner l'arbitre d'une partie et a pour cela rejeté le moyen soulevé par cette dernière, pris de la nullité manifeste de la clause compromissoire, ne peut ensuite statuer sur une deuxième demande de désignation de l'arbitre de cette partie, qui impliquerait un nouvel examen du moyen susvisé ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 341 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que la récusation d'un juge peut être demandée en cas d'inimitié notoire à l'égard d'une partie ; que la condamnation d'une partie prononcée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile peut révéler l'inimitié du juge à l'égard de cette partie et justifier sa récusation si elle porte sur une somme sans rapport avec l'objet ou la complexité du litige et n'apparaît pas justifiée par la situation respective des parties, et ce même s'il n'a pas été accordé plus que ce qui était demandé ; qu'en affirmant qu'en raison du pouvoir souverain dont dispose le juge pour déterminer la somme due au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, " la condamnation d'une partie au paiement d'une somme importante en application de ces dispositions ne saurait être considérée, dès lors qu'elle n'est pas prononcée en violation de l'article 5 du nouveau Code de procédure civile, comme une manifestation d'hostilité personnelle à l'égard de cette partie ", et en refusant en conséquence d'apprécier si les condamnations prononcées par le président du tribunal de commerce à l'encontre de la société Sodema au profit des sociétés Prodim et CSF au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile n'étaient pas manifestement excessives au regard de la complexité du litige et de la situation des parties, la cour d'appel a violé l'article 341.8 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que l'article 341 du nouveau Code de procédure civile n'épuise pas l'exigence d'impartialité requise de toute juridiction ; qu'un juge doit donc être récusé, même pour des causes non visées par ce texte, dès lors qu'existe chez l'une des parties un doute légitime sur son impartialité ; qu'en se bornant à affirmer que " la condamnation d'une partie au paiement d'une somme importante en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ne saurait être considérée, dès lors qu'elle n'est pas prononcée, en violation de l'article 5 du nouveau Code de procédure civile, comme une manifestation d'hostilité personnelle à l'égard de cette partie et ne peut justifier, en application des dispositions de l'article 341.8 du nouveau Code de procédure civile, la récusation du juge qui l'a prononcée ", sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par la requête qui était notamment fondée sur l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si les condamnations prononcées par le président du tribunal de commerce à l'encontre de la société Sodema au profit des sociétés Prodim et CSF au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile -au total 30 000 euros pour des procédures tendant, l'une à la prorogation du délai d'arbitrage, l'autre à la désignation d'un arbitre- ne pouvaient faire naître chez la société Sodema un doute légitime sur l'impartialité de cette juridiction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que l'arrêt retient exactement, d'une part, que la circonstance que le président du tribunal de commerce a été saisi à plusieurs reprises, mais pour des incidents procéduralement distincts, relevant de sa compétence, ne constitue pas une cause de récusation et, d'autre part, que la condamnation d'une partie au paiement d'une somme importante en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ne saurait être considérée, dès lors qu'elle n'est pas prononcée en violation de l'article 5 du nouveau Code de procédure civile, comme une manifestation d'hostilité personnelle à l'égard de cette partie et ne peut justifier, en application des dispositions de l'article 341-8 du nouveau Code de procédure civile, la récusation du juge qui l'a prononcée ;

Et attendu que le requérant n'invoque pas, sur le fondement de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'existence d'autres griefs distincts ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sodema aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Sodema ; la condamne à payer aux sociétés CSF et Prodim la somme globale de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille cinq.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 04-17166
Date de la décision : 15/12/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - 1 - Domaine d'application - Exclusion - Procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime.

1° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - 1 - Domaine d'application - Exclusion - Procédure de récusation.

1° Les procédures de récusation et de renvoi pour cause de suspicion légitime qui ne portent pas sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale et ne concernent pas une contestation sur un droit ou une obligation de caractère civil, n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

2° MINISTERE PUBLIC - Attributions - Attributions en matière civile - Renvoi pour cause de suspicion légitime - Audience - Modalités - Détermination - Portée.

2° SUSPICION LEGITIME - Procédure - Audience - Intervention du ministère public - Obligations - Etendue - Limites - Détermination 2° RECUSATION - Procédure - Audience - Convocation des parties - Necessité (non) 2° COURS ET TRIBUNAUX - Débats - Publicité - Exclusion - Possibilité - Effets - Etendue - Détermination 2° COURS ET TRIBUNAUX - Débats - Publicité - Exclusion - Possibilité - Cas - Procédure de suspicion légitime.

2° Selon les articles 351 et 359 du nouveau Code de procédure civile, il est statué sans qu'il soit nécessaire d'appeler les parties. Il en résulte qu'en l'absence de débat et de toute disposition en ce sens, le ministère public n'a pas à communiquer ses conclusions ou à les mettre à la disposition des parties.


Références :

1° :
2° :
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 6.1
Nouveau Code de procédure civile 341, 356
Nouveau Code de procédure civile 351, 359

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 04 mai 2004

Sur le n° 1 : Sur l'exclusion de l'application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à la procédure de récusation, à rapprocher : Chambre civile 2, 2004-10-14, Bulletin 2004, II, n° 457 (1), p. 388 (rejet). Sur l'exclusion de l'application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à la procédure de suspicion légitime, à rapprocher : Chambre civile 2, 2004-07-08, Bulletin 2004, II, n° 360 (1), p. 304 (rejet). Sur le n° 2 : Sur le défaut de nécessité d'appeler les parties à l'audience de récusation, à rapprocher : Chambre civile 2, 2004-10-14, Bulletin 2004, II, n° 457 (2), p. 388 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 15 déc. 2005, pourvoi n°04-17166, Bull. civ. 2005 II N° 328 p. 289
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2005 II N° 328 p. 289

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Dintilhac.
Avocat général : Avocat général : M. Kessous.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Grignon Dumoulin.
Avocat(s) : Avocats : SCP Gatineau, Me Odent.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.17166
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