Attendu que la société Reza Gem, assurée auprès de la société Great Lake UK, ayant été victime d'un vol de bijoux dont une partie lui appartenait et une autre partie lui avait été confiée, a recherché la responsabilité de la société Sécuritas France, assurée auprès de la compagnie GAN Eurocourtage, en raison de la défaillance de son système d'alarme ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Reza Gem :
Attendu que la société Reza Gem reproche à l'arrêt confirmatif attaqué de lui avoir dénié la qualité à agir au titre des confiés, alors que, selon le moyen :
1°/ dans le cadre d'un contrat de confiés, qui est un contrat de dépôt avec option d'achat, la vente du bien confié devient parfaite entre les parties s'il y a accord sur la chose et sur le prix, même si ce prix n'a pas été payé, si bien que tous les droits et actions du vendeur se trouvent transférés à l'acheteur ; ainsi, la cour d'appel qui, tout en relevant l'existence des factures délivrées par les déposants constatant l'engagement du dépositaire de payer un prix déterminé et opérant transfert de tous droits et actions à l'acquéreur, a pourtant jugé la société Reza Gem irrecevable à agir, n'aurait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, au regard des articles 1583, 1604 et 1615 du code civil ;
2°/ pour les mêmes motifs, en se bornant à énoncer que les conditions de la subrogation, qui n'était pas invoquée, n'étaient pas réunies, sans se prononcer sur l'existence et les effets de la vente intervenue dans le cadre du contrat de dépôt avec option d'achat, la cour d'appel aurait entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, violant l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
3°/ en refusant de donner effet à la cession conventionnelle de droits et actions opérée dans le cadre du contrat de confiés moyennant engagement de payer un prix futur déterminé, la cour d'appel aurait violé les articles 1134 et 1689 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, que l'arrêt retient, par motifs adoptés, que "les factures produites n'avaient aucun caractère probant" et, par motifs propres, que "la société Reza Gem détenait les bons de confiés" et qu'"elle ne rapportait donc pas la preuve que "le lien qui (existait) au titre du contrat de dépôt (avait été) supprimé" ; qu'ainsi, sous couvert de violation de la loi, le moyen, pris en ses deux premières branches, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des éléments de preuve soumis aux juges du fond qui ont estimé que la vente n'était pas démontrée ; qu'ensuite, l'absence de tout caractère probant desdites factures rend inopérante la troisième branche du moyen ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Great Lake UK :
Attendu que la société Great Lake UK reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Reza Gem les intérêts au taux légal sur le montant de l'indemnité d'assurance, à compter de la sommation de payer que lui avait faite son assurée, alors que, selon le moyen : si les dispositions de l'article 1153 du code civil ont vocation à s'appliquer en matière d'assurance de chose, dans la mesure où l'indemnité due par la compagnie d'assurance est fixée en fonction de la valeur de la chose assurée au jour du sinistre et ne résulte pas de l'évaluation du préjudice par le juge judiciaire, la sommation de payer notifiée par l'assuré à l'assureur ne peut faire courir les intérêts légaux dès lors que ledit assuré a vu sa demande de provision rejetée en référé ; en l'espèce, la société Great Lake UK soulignait dans ses conclusions récapitulatives qu'elle avait réglé "spontanément" la contre-valeur en francs du montant maximum de la garantie stipulée au contrat d'assurance et elle versait aux débats l'ordonnance de référé rendue le 7 juillet 1995, confirmée par arrêt prononcé le 20 décembre 1996, qui avait débouté la société Reza Gem de sa demande de provision, raison pour laquelle les premiers juges avaient estimé ladite société Reza Gem non fondée en sa demande de paiement d'intérêts au taux légal ; en se bornant à affirmer, pour réformer de ce chef le jugement entrepris, "que les intérêts moratoires ont donc, par le jeu de l'article 1153 du code civil, couru à compter de la sommation du 11 février 1995", sans répondre aux conclusions susvisées, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que, en se référant expressément à la règle posée par l'article 1153 du code civil en matière d'obligation au paiement d'une somme d'argent, à l'application de laquelle ne faisait pas échec le rejet de la demande de provision formée, en référé, par la société Reza Gem, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de faire courir les intérêts de l'indemnité, due au titre d'un contrat d'assurance de chose, à compter de la sommation de payer faite par son assurée à la société Great Lake UK ;
Mais, sur le second moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 1252 du code civil ;
Attendu que, selon ce texte, la subrogation ne peut nuire au créancier lorsqu'il n'a été payé qu'en partie ; qu'en ce cas, il peut exercer ses droits, pour ce qui lui reste dû, par préférence à celui dont il n'a reçu qu'un payement partiel ;
Attendu que, pour allouer le montant de la dette de réparation de la société Sécuritas et de la compagnie GAN Eurocourtage à la société Great Lake UK, l'arrêt retient que celle-ci avait versé à la société Reza Gem l'indemnité correspondant au plafond de garantie, en vertu du contrat d'assurance, et qu'aux termes de la quittance subrogative elle se trouvait donc subrogée à hauteur de cette indemnité dans les droits et actions de son assurée contre le tiers responsable et son assureur ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que la société Reza Gem n'avait été que partiellement indemnisée par la société Great Lake UK, alors que, dans le concours de l'assureur subrogé et de l'assuré subrogeant, ce dernier prime le premier jusqu'à concurrence de la réparation du préjudice garanti, de sorte que, son préjudice n'ayant pas été intégralement réparé, la société Reza Gem était en droit de réclamer ce qui lui restait dû à la société Sécuritas et à la compagnie GAN Eurocourtage, dans la limite de l'indemnisation mise à leur charge, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné in solidum la société Sécuritas France et la compagnie GAN Eurocourtage à verser à la société Great Lake UK la somme de 3 119 305,70 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, l'arrêt rendu le 19 décembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Great Lake UK aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille sept.