AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 octobre 2003), statuant sur renvoi après cassation, 3e Civile, 29 janvier 2002, n° T 00-18.094), que les sociétés en nom collectif (SNC) L'Atrium et L'Atrium II, crédit-preneuses d'un immeuble, l'ont donné en partie en sous-location à la société France Télécom ; que celle-ci ayant délivré congé pour le 1er octobre 1999 aux deux bailleresses par lettres recommandées avec demande d'avis de réception datées du 19 mars 1999, les SNC l'ont assignée en paiement de loyers jusqu'au 30 septembre 2000 ;
Attendu que la société France Télécom fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen :
1 / que la réception d'une notification au sens de l'article 668 du nouveau Code de procédure civile s'entend, non de la prise de connaissance effective par son destinataire de son contenu, mais de son arrivée dans la sphère du destinataire dans des conditions telles que celui-ci peut en prendre connaissance dans des circonstances normales ;
qu'il en est ainsi, dès lors qu'une lettre recommandée a été présentée au domicile du destinataire qui en a refusé la remise et qui a réceptionné l'avis de passage, l'expéditeur pouvant légitimement s'attendre à ce que le destinataire en prenne connaissance ; qu'en considérant que seule la date apposée par la Poste lorsque le destinataire a accepté de venir prendre connaissance de la notification devait être prise en compte, la cour d'appel a violé l'article susvisé, ensemble l'article 669, alinéa 3, du même Code ;
2 / que le principe de bonne foi et de loyauté implique qu'une partie ne puisse se plaindre de ne pas avoir reçu une notification à temps dès lors que, l'expéditeur ayant fait toute diligence, le destinataire n'a pris aucune mesure lui permettant de prendre connaissance de la notification qui lui a été dûment adressée et dont la remise a été refusée lors de la présentation de la lettre recommandée ; qu'en décidant que seule la date apposée par la Poste lorsque le destinataire a accepté de venir prendre connaissance de la notification devait être prise en compte dans la mesure où la société France Télécom n'apportait pas la preuve positive d'une manoeuvre dolosive de la part des sociétés l'Atrium, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
3 / que le refus d'exécution d'un devoir peut être dolosif dès lors que, de propos délibéré, son débiteur se refuse à l'exécuter, lors même que ce refus ne serait pas dicté par une intention de nuire à son cocontractant ; qu'il incombe à celui à qui a été adressée et qui a refusé une lettre recommandée avec demande d'avis de réception de faire preuve d'une diligence normale pour prendre connaissance de celle-ci ;
que le refus d'exécuter ce devoir est dolosif ; que la cour d'appel qui a seulement constaté l'absence de manoeuvres dolosives alors même que le refus d'accepter la lettre litigieuse dont l'accusé de réception mentionnait l'objet ("Résiliation 5/7 Fbg Poissonnière") était établi, a violé l'article 1150 du Code civil ;
4 / que l'expéditeur d'une notification a le devoir d'envoyer celle-ci dans les délais à l'adresse de son destinataire et de la présenter à personne habilitée à la recevoir ; qu'une personne peut être habilitée à recevoir les lettres recommandées avec demande d'avis de réception au domicile du destinataire sans qu'il soit nécessaire d'établir qu'elle est préposée du destinataire ; que la cour d'appel a constaté que la société France Télécom avait expédié la notification à la bonne adresse et dans les délais qui lui étaient impartis, que Mme X... recevait les envois recommandés destinés aux sociétés L'Atrium, ces sociétés, domiciliées chez l'une de leurs locataires, ne pouvant être contactées qu'à cette adresse, lieu de leur siège social statutaire ; que la cour d'appel ne pouvait, par suite, conclure que la société France Télécom n'aurait pas accompli les diligences suffisantes à la bonne réception par le destinataire ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que, par deux lettres datées du 19 mars 1997, la société France Télécom avait informé chacune des sociétés L'Atrium, de son souhait de ne pas renouveler chacun des deux baux à leur échéance du 30 septembre suivant, qu'il résultait des mentions portées sur les avis de réception et confirmées par une lettre de La Poste que les deux lettres recommandées avaient été présentées à l'adresse du siège social des sociétés bailleresses, le 25 mars 1997, qu'en l'absence du destinataire, elles avaient été mises en instance et n'avaient été retirées que le 3 avril 1997, la cour d'appel, qui a exactement retenu que la date de réception d'une notification faite par voie postale était celle qui était apposée par l'Administration des Postes lors de la remise de l'envoi à son destinataire et qui a souverainement relevé que la société France Télécom ne rapportait aucunement la preuve de manoeuvres dolosives déployées par les bailleresses pour empêcher la distribution des deux lettres recommandées, a pu en déduire que les deux congés, délivrés sans respecter le délai contractuel de six mois de préavis, ne pouvaient avoir d'effet qu'à l'échéance du 30 septembre 2000 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société France Télécom aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société France Télécom à payer aux sociétés L'Atrium et L'Atrium II la somme de 2 000 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société France Télécom ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du deux février deux mille cinq par M. Peyrat, conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile.