AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que la société Sodemp exploite dans le 17e arrondissement de Paris l'hôtel "Le Méridien Paris Etoile" ; que le 29 avril 1992, elle a conclu un accord d'entreprise "sur les modalités d'accompagnement consécutives au passage de la rémunération au pourcentage à la rémunération fixe" ; que l'article 1er de ce texte fixait le pourcentage maximum de baisse des rémunérations annuelles pour les diverses catégories de salariés concernés par la modification de la structure de leur rémunération ; que l'article 2 instituait un "salaire complémentaire individualisé, non-indexable, (dit IPPC ou SCINI) destiné à compenser une partie de l'incidence du passage au fixe sur les rémunérations pour le personnel présent à la date du 4 juillet 1991" ; qu'il était également institué le passage à 39 heures payées 40 pour tout le personnel ; que Mme X... et un certain nombre de salariés de l'hôtel ont saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire en vertu de la règle "à travail égal, salaire égal" ; que se plaignant aussi de ce que la société Sodemp n'avait pas fait application de la réduction du temps de travail avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2001, de l'accord de branche du 15 juin 2001 portant réduction du temps de travail, les salariés ont sollicité le paiement de dommages-intérêts pour repos compensateur non fourni à compter du 1er février 2000 et de dommages-intérêts pour non-application de la loi du 19 janvier 2000 sur les 35 heures ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Et sur le même moyen, pris en sa première branche :
Attendu que la société Sodemp fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à verser aux salariées des dommages-intérêts pour défaut de repos compensateur, alors selon le moyen, qu'une durée équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction soit par décret, pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit par décret en Conseil d'Etat : que le décret n° 99-256 du 31 mars 1999 relatif à la durée du travail dans les hôtels cafés restaurants (HCR) a expressément prévu que la durée hebdomadaire de présence au travail est fixée à 43 heures dans les hôtels restaurants et qu'est considérée comme heure supplémentaire toute heure de présence sur les lieux de travail effectuée au-delà ; que ledit décret est applicable à tous les salariés de l'hôtellerie, dont les femmes de chambre ; qu'en affirmant néanmoins que les horaires d'équivalences n'étaient pas applicables aux femmes de chambre dès lors que ces dernières n'auraient pas de période d'inaction, la cour d'appel a manifestement violé les articles 1, 2 et 3 du décret n° 99-256 du 31 mars 1999 relatif à la durée du travail dans les hôtels cafés restaurants, ainsi que l'article L. 212-4 du code du travail ;
Mais attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 212-1 et L. 212-4 du code du travail dans leur rédaction en vigueur à la date du litige, que l'application d'un horaire d'équivalence, dans les industries et commerces déterminés par décret, est subordonnée à l'existence, pendant le temps de travail, de périodes d'inaction ;
Et attendu qu'ayant constaté, par une appréciation souveraine des faits et des preuves, que le travail des femmes de chambre ne comportait pas de périodes d'inaction, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu le principe "A travail égal, salaire égal" ;
Attendu que, pour condamner la société Sodemp à payer aux salariées des sommes à titre de rappel de salaire et congés payés afférents, l'arrêt attaqué énonce que les dispositions de l'accord du 29 avril 1992 ne peuvent déroger aux dispositions d'ordre public des articles L. 133-5 4 , L. 136-2 8 L. 140-2, L. 140-3 et L. 140-4 du code du travail ainsi qu'au principe "à travail égal, salaire égal ; qu'en effet, la disparité de situation suivant que les salariés étaient ou non présents à la date du 4 juillet 1991 n'est pas de nature à justifier une différence de traitement entre salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, étant observé que l'IPPC, indemnisant une perte de chance d'évolution favorable de la rémunération, n'est pas liée à l'ancienneté, et que le principe "à travail égal, salaire égal" n'est pas limité à des situations dans lesquelles les salariés effectuent simultanément un travail égal pour un même employeur ;
Attendu cependant que ne méconnaît pas le principe "à travail égal, salaire égal", dont s'inspirent les articles L. 122-3-3, L. 133-5, 4 , L. 136-2, 8 et L. 140-2 du code du travail, l'employeur qui justifie par des raisons objectives et matériellement vérifiables la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ;
Et attendu qu'un salarié, engagé postérieurement à la mise en oeuvre d'un accord collectif organisant le passage d'une rémunération au pourcentage à une rémunération au fixe, ne se trouve pas dans une situation identique à celle des salariés présents dans l'entreprise à la date de conclusion dudit accord et subissant, du fait de la modification de la structure de leur rémunération, une diminution de leur salaire de base que l'attribution de l'indemnité différentielle a pour objet de compenser ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il existait une justification objective à la différence des rémunérations, la cour d'appel a violé la règle susvisée ;
Et attendu, d'une part, que la cassation encourue du chef du premier moyen emporte, par voie de conséquence nécessaire, celle des chefs critiqués par le troisième moyen ; d'autre part qu'en application de l'article 627 du nouveau code de procédure civile, la Cour de cassation, en cassant partiellement sans renvoi, peut mettre fin au litige par l'application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Sodemp au paiement de rappels de salaire et congés payés afférents aux salariées, de dommages-intérêts à l'Union locale des syndicats CGT de Paris 17e, et d'indemnités au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile aux défendeurs, l'arrêt rendu le 11 février 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute les salariées de leurs demandes de rappels de salaire et congés payés afférents, l'Union locale des syndicats CGT de Paris 17e de sa demande de dommages-intérêts et l'ensemble des défendeurs de leurs demandes au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille six.