AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique
Attendu que M. X..., salarié de la société Novha, a été licencié pour motif économique le 25 octobre 1996 ; que la lettre de licenciement fait état de la décision de la société Réunion habitat, qui détenait l'intégralité des parts de la société Novha, de la suppression de l'activité de celle-ci ; que le salarié a adhéré le 12 février suivant à la convention d'allocations spéciales du Fonds national de l'emploi ;
qu'ayant appris la poursuite de l'activité de la société Novha sous une autre dénomination, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 17 décembre 2002) d'avoir alloué à l'intéressé une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1 / qu'il appartient au salarié licencié pour motif économique, qui a personnellement adhéré à la convention passée entre son employeur et l'état, laquelle, compte tenu de son classement dans la catégorie des salariés non susceptibles de reclassement, lui assure le versement d'une allocation spéciale jusqu'au jour de sa retraite, s'il désire remettre en cause la légitimité de la rupture de son contrat de travail, d'établir une fraude de l'employeur ou un vice du consentement ; qu'en reprochant à la société IFIRUN de ne pas "justifie(r) la décision du conseil d'administration de la société Habitat réunion relative à l'arrêt de l'activité de la société Novha", ni "de la teneur de sa nouvelle activité" et de sa différence avec celle de la société Novha, ainsi que de ne pas rapporter la preuve de l'absence d'embauche d'un salarié aux mêmes fonctions que M. X..., la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 du Code civil, L. 322-2, L. 322-4, R. 322-1, R. 322-7 du Code du travail, ensemble l'article 2 de l'arrêté du 15 avril 1987 ;
2 / que le salarié licencié pour motif économique, qui a personnellement adhéré à la convention passée entre son employeur et l'état, laquelle, compte tenu de son classement dans la catégorie des salariés non susceptibles de reclassement, lui assure le versement d'une allocation spéciale jusqu'au jour de sa retraite, ne peut remettre en discussion la régularité ou la légitimité de la rupture de son contrat de travail qu'à la condition d'établir une fraude de l'employeur ou l'existence d'un vice du consentement ; que l'existence d'une fraude de l'employeur ou d'un vice du consentement ne peut se déduire de la seule inexactitude de la raison économique mentionnée dans la lettre de licenciement ; qu'en outre la fraude doit exister lors de l'adhésion du salarié à la convention FNE, ne peut résulter de l'attitude de l'employeur au cours de l'instance engagée par le salarié pour contester le bien fondé de son licenciement ;
qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui s'est bornée à relever que la société IFIRUN avait continué son activité antérieure contrairement à ce qui était indiqué dans la lettre de licenciement, cet élément constituant l'élément matériel de la fraude, que "son obstruction à justifier de son activité réelle... suffi(sait) à en caractériser l'élément moral" et que "la convention d'allocation spéciale du FNE (avait) (...) donc fait l'objet d'une adhésion par erreur" qui n'a caractérisé l'existence ni d'une fraude de l'employeur ni d'un vice du consentement a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 322-2, L. 322-4, R. 322-1, R. 322-7 du Code du travail, ensemble l'article 2 de l'arrêté du 15 avril 1987 ;
3 / qu'à titre infiniment subsidiaire, à supposer que la cour d'appel ait caractérisé l'existence d'une fraude de l'employeur ou d'un vice du consentement du salarié, la perte de revenus résultant de l'adhésion à la convention FNE ne constitue un préjudice en relation de causalité avec la fraude ou le vice du consentement, que s'il est établi que le salarié, s'il n'avait pas adhéré à la convention FNE, aurait continué à travailler dans l'entreprise avec un niveau de salaire supérieur à l'allocation perçue du FNE ; qu'en l'espèce, la société IFIRUN indiquait (conclusions d'appel p. 13 et 14) qu'il n'existait aucun poste pour M. X... après son licenciement, le seul salarié embauché après cette date ayant des fonctions d'ingénieur gestionnaire de patrimoine, radicalement différentes de celles de conducteur d'opération pouvant être assumées par M. X... ; qu'en accordant au salarié une somme équivalente à la différence entre son salaire moyen net mensuel sur l'année 1996 et les sommes perçues au titre de la convention FNE, sans même constater que M. X... aurait pu continuer à travailler pour la société IFIRUN, s'il n'avait pas adhéré à ladite convention, ni a fortiori relever qu'il aurait ainsi perçu un salaire supérieur aux allocations FNE, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 322-2, L. 322-4, R.322-1, R. 322-7 du Code du travail et de l'article 2 de l'arrêté du 15 avril 1987 ;
Mais attendu que la cour d'appel, dans l'exercice de son pouvoir souverain et sans inverser la charge de la preuve, a constaté l'existence d'une fraude de l'employeur ayant conduit le salarié à adhérer à la convention d'allocations spéciales du fonds national de l'emploi ;
Et attendu que c'est à la date à laquelle l'adhésion à la convention de conversion a été frauduleusement obtenue qu'il y a lieu d'apprécier l'existence du préjudice du salarié né de la perte de sa rémunération antérieure, si bien que la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Ingenierie financière et immobilière de la Réunion aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à application ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille cinq.