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11/03/2005 | FRANCE | N°03-20484

France | France, Cour de cassation, Assemblee pleniere, 11 mars 2005, 03-20484


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLEE PLENIERE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 3 octobre 2003), rendu sur renvoi après cassation, (2ème chambre civile, 6 décembre 2001, pourvoi n° V 00-14.991), que la société civile immobilière Lagadec (la SCI Lagadec) a confié la réalisation d'immeubles à la société Seritel assurée en garantie décennale auprès de la Caisse générale d'assurances mutuelles (la CGAM) ; que la société Seritel a sous-traité les travaux de co

uverture des immeubles à la société Drouault Godefroy, assurée par la compagnie Allianz Vi...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLEE PLENIERE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 3 octobre 2003), rendu sur renvoi après cassation, (2ème chambre civile, 6 décembre 2001, pourvoi n° V 00-14.991), que la société civile immobilière Lagadec (la SCI Lagadec) a confié la réalisation d'immeubles à la société Seritel assurée en garantie décennale auprès de la Caisse générale d'assurances mutuelles (la CGAM) ; que la société Seritel a sous-traité les travaux de couverture des immeubles à la société Drouault Godefroy, assurée par la compagnie Allianz Via, aux droits de laquelle se trouve la compagnie d'assurances AGF ; que, n'ayant pas été intégralement payée, la société Seritel a assigné la SCI Lagadec devant le tribunal de grande instance qui l'a condamnée à lui payer une certaine somme, déduction faite des frais de reprise des désordres constatés par l'expert désigné en référé ; qu'en cause d'appel, à la demande de la SCI Lagadec, une nouvelle expertise a été ordonnée ; que la société Seritel a alors assigné en intervention forcée la CGAM ainsi que la société Drouault Godefroy et son assureur ;

Attendu que la société Seritel fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré ces interventions irrecevables, alors, selon le moyen :

1 ) que l'évolution du litige permettant la mise en cause d'une personne qui n'était pas partie en première instance exige seulement l'existence d'un élément nouveau révélé par le jugement ou survenu postérieurement ; qu'en écartant toute évolution du litige du chef d'une nouvelle définition des travaux de reprise résultant d'une mesure d'instruction instituée postérieurement au jugement entrepris et portant leur coût à un montant vingt fois supérieur, pour la raison, que les désordres affectant les bâtiments étant identiques et leurs causes décelées par le premier technicien, la différence entre les deux rapports d'expertise résidait dans l'appréciation des travaux destinés à y remédier, de sorte que les données juridiques et factuelles du litige n'étaient pas modifiées, quand, même si les causes des désordres avaient pu être déterminées par le premier expert, bien qu'elles n'eussent pas été clairement identifiées, seul le second avait mis en évidence l'importance et la gravité des malfaçons l'ayant conduit à proposer des travaux de reprise hors de proportion avec ceux préconisés par son prédécesseur, ce qui constituait l'élément nouveau et imprévu modifiant les données du litige, la cour d'appel a violé l'article 555 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) que la révélation de l'augmentation considérable de l'intérêt litigieux caractérise l'élément nouveau bouleversant les données du procès ; qu'en imposant la révélation en cause d'appel d'un dépassement de la franchise, bien qu'elle eût retenu que l'évolution du litige résidait dans la nature et le coût des réparations préconisées par le second expert, ajoutant ainsi à l'exigence d'un élément nouveau une condition qu'elle ne comporte pas, la cour d'appel a violé l'article 555 du nouveau Code de procédure civile ;

3 ) que l'évolution du litige permettant la mise en cause d'une personne qui n'était pas partie en première instance exige seulement l'existence d'un élément nouveau révélé par le jugement ou survenu postérieurement ; qu'en se bornant à constater, pour dénier toute évolution du litige de nature à justifier la mise en cause en appel de l'assureur du sous-traitant, que le rapport du second expert déposé après le jugement confirmait les appréciations du premier sur les causes des désordres affectant les couvertures, quand, en raison de leur importance, le coût de leur réfection tel qu'il résultait de la seconde mesure d'expertise instituée postérieurement au jugement, était évalué à une somme quatre vingt fois supérieure à celle proposée en première instance, ce qui constituait l'élément nouveau et imprévu modifiant les données du litige, la cour d'appel a violé l'article 555 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel, au sens de l'article 555 du nouveau Code de procédure civile, n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige ;

Qu'ayant constaté que les désordres décrits dans les expertises ordonnées en première instance et en appel étaient identiques et leurs causes décelées par le premier expert, la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant relatif au dépassement de la franchise d'assurance, a retenu à bon droit que la dernière expertise n'avait pas modifié les données juridiques du litige dont l'évolution ne résidait que dans la nature et le coût des réparations ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Seritel aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Seritel ; la condamne à payer à la CGAM la somme de 2 000 euros et à la société Drouault Godefroy et aux AGF, venant aux droits de la compagnie Allianz-Via, la somme globale de 2000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, Assemblée plénière et prononcé par le premier président en son audience publique du onze mars deux mille cinq.

LE CONSEILLER RAPPORTEUR, LE PREMIER PRESIDENT, LE GREFFIER EN CHEF.

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour la société Seritel.

MOYENS ANNEXES à l'arrêt n° 525 P (Assemblée plénière)

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation, d'avoir déclaré une entreprise générale (la société SERITEL, l'exposante) irrecevable en son recours en intervention forcée diligenté en cause d'appel contre son assureur (la société CGAM) ;

AUX MOTIFS QUE la société SERITEL soutenait que le rapport d'expertise de Jean X..., déposé le 27 octobre 1998, constituait un fait nouveau lui permettant d'appeler en garantie, pour la première fois devant la Cour d'appel, son assureur ; que ce rapport dressait une liste de quatre désordres :

infiltrations par les couvertures du garage, infiltrations dans les bureaux, infiltrations par les menuiseries et mauvais fonctionnement des portails ; que le rapport d'expertise de Michel Y..., déposé le 5 mars 1990, avait dressé une liste importante de désordres, incluant les quatre désordres relevés par Jean X... ; que l'expert avait considéré la conception de la couverture des garages inadaptée à la région et reproché au couvreur une mise en oeuvre insuffisamment soignée ; qu'il avait préconisé des réparations d'un montant de 4 555 F ; que, pour le même désordre, Jean X... mettait principalement en cause la conception et accessoirement le manque de précaution lors de la pose et préconisait une réfection complète de la couverture pour un montant de 357 500 F ; que Michel Y... avait d'autre part estimé que les infiltrations dans les bureaux trouvaient leur origine dans la fissuration des murs et le mauvais état des couvertines d'acrotères ; qu'il avait préconisé des travaux d'un montant de 8 000 F ; que Jean X... retenait les mêmes causes et en ajoutaient deux autres, secondaires : mauvaise installation de la ventilation mécanique contrôlée et absence de joint d'étanchéité entre deux corps de bâtiments ; qu'il préconisait des travaux d'un montant de 31 100 F ; que, s'agissant des infiltrations par les menuiseries, Michel Y... avait préconisé une révision destinée à en reprendre les défauts d'un montant de 3 500 F, tandis que Jean X... préconisait des interventions ponctuelles d'un montant de 13 500 F ; que, pour remédier au mauvais fonctionnement des portails qu'il avait attribué à leur dimension "à la limite du raisonnable", Michel Y... avait préconisé un réglage, tandis que Jean X..., en raison de leur "dimensionnement excessif" préconisait des travaux de modification d'un montant de 93 300 F ;

que les demandes du maître d'ouvrage avaient suivi les conclusions de ces deux rapports : la SCI LE LAGADEC, qui avait demandé au tribunal de grande instance la condamnation de la société SERITEL à lui payer la somme de 84 993,97 F, avait demandé à la Cour d'appel de la condamner à lui payer celle de 588 807,05 F ; que les désordres affectant les bâtiments étaient identiques et leurs causes avaient été décelées par le rapport d'expertise de Michel Y... sur lequel la SCI fondait ses demandes en première instance ; que les deux causes secondaires ajoutées par Jean X... par la suite pour expliquer les infiltrations dans les bureaux ne modifiaient pas en effet les données essentielles du litige, leur incidence étant minime ; que la différence entre les deux rapports d'expertise résidait dans l'appréciation des travaux destinés à remédier aux désordres, le premier optant pour des solutions ponctuelles là où le second choisissait la réfection complète ou d'importantes modifications ; que les données juridiques et factuelles du litige n'en étaient pas modifiées ; que le constructeur se voyait réclamer par le maître de l'ouvrage, sur le fondement des dispositions de l'article 1792 du Code civil, la réparation des mêmes désordres et des mêmes préjudices ; que les causes des désordres étaient de plus connues dès le rapport d'expertise de Michel Y... ; que l'évolution résidait dans la nature et le coût des réparations préconisées et dans le montant des demandes du maître de l'ouvrage, éléments qui relevaient de l'appréciation du préjudice ; qu'une telle modification du litige, d'ordre seulement quantitatif, ne pouvait impliquer la mise en cause de l'assureur de la société SERITEL que si elle avait pour conséquence de la faire bénéficier de la garantie ; que tel eût été le cas si le montant de la franchise contenue dans le contrat d'assurances signé le 30 décembre 1985 entre la société SERITEL et la compagnie CGAM s'était, de ce fait, trouvée dépassé ; que cette franchise n'était cependant que de 10 % du montant du sinistre avec un minimum de 30 fois l'indice INSEE du coût de la construction, soit 30 150 F au jour du jugement ; que le montant des demandes dirigées contre la société SERITEL au stade de la première instance excédait très largement ce montant et les raisons pour lesquelles la société SERITEL avait intérêt à appeler à la cause son propre assureur n'avaient donc pas été modifiées en cause d'appel ; que le rapport d'expertise de Jean X... et les demandes du maître de l'ouvrage ne constituaient pas une évolution du litige de nature à impliquer la mise en cause de la compagnie CGAM ; que l'appel en garantie de la société SERITEL serait donc déclaré irrecevable, les articles 554 et 555 du nouveau Code de procédure civile n'étant pas destinés à réparer en cause d'appel les omissions de la procédure de première instance ;

ALORS QUE, d'une part, l'évolution du litige permettant la mise en cause d'une personne qui n'était pas partie en première instance exige seulement l'existence d'un élément nouveau révélé par le jugement ou survenu postérieurement ; qu'en écartant toute évolution du litige du chef d'une nouvelle définition des travaux de reprise résultant d'une mesure d'instruction instituée postérieurement au jugement entrepris et portant leur coût à un montant vingt fois supérieur, pour la raison que, les désordres affectant les bâtiments étant identiques et leurs causes décelées par le premier technicien, la différence entre les deux rapports d'expertise résidait dans l'appréciation des travaux destinés à y remédier, de sorte que les données juridiques et factuelles du litige n'étaient pas modifiées, quand, même si les causes des désordres avaient pu être déterminées par le premier expert, bien qu'elles n'eussent pas été clairement identifiées, seul le second avait mis en évidence l'importance et la gravité des malfaçons l'ayant conduit à proposer des travaux de reprise hors de proportion avec ceux préconisés par son prédécesseur, ce qui constituait l'élément nouveau et imprévu modifiant les données du litige, la Cour d'appel a violé l'article 555 du nouveau Code de procédure civile ;

ALORS QUE, d'autre part, la révélation de l'augmentation considérable de l'intérêt litigieux caractérise l'élément nouveau bouleversant les données du procès ; qu'en imposant la révélation en cause d'appel d'un dépassement de la franchise, bien qu'elle eût retenu que l'évolution du litige résidait dans la nature et le coût des réparations préconisées par le second expert, ajoutant ainsi à l'exigence d'un élément nouveau une condition qu'elle ne comporte pas, la Cour d'appel a violé l'article 555 du nouveau Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation, d'avoir déclaré une entreprise générale (la société SERITEL, l'exposante) irrecevable en son recours en intervention forcée diligenté en cause d'appel contre l'assureur (la compagnie AGF) d'un sous-traitant (la SMT DROUAULT GODEFROY) du chef des désordres atteignant la toiture de l'ouvrage ;

AUX MOTIFS QUE la société SERITEL avait appelé à la cause la société SMT DROUAULT GODEFROY et son assureur, la compagnie ALLIANZ aux droits de laquelle intervenait la compagnie AGF, pour la première fois devant la juridiction du second degré ; que ceux-ci avaient soulevé l'irrecevabilité de la demande sur le fondement des articles 544 et 555 du nouveau Code de procédure civile ; que, parmi les causes des désordres affectant les couvertures, l'expert Michel Y... avait retenu une pose défectueuse et en conséquence imputable à la société SMT DROUAULT GODEFROY, sous-traitant de la société SERITEL qui ne l'avait cependant pas appelée à la cause en première instance ; que le rapport d'expertise de Jean X..., déposé en cause d'appel, avait confirmé les appréciations du premier expert ; qu'il n'existait donc aucune évolution du litige impliquant l'appel à la cause du sous-traitant et de son assureur pour les motifs déjà exposés ;

ALORS QUE l'évolution du litige permettant la mise en cause d'une personne qui n'était pas partie en première instance exige seulement l'existence d'un élément nouveau révélé par le jugement ou survenu postérieurement ; qu'en se bornant à constater, pour dénier toute évolution du litige de nature à justifier la mise en cause en appel de l'assureur du sous-traitant, que le rapport du second expert déposé après le jugement confirmait les appréciations du premier sur les causes des désordres affectant les couvertures, quand, en raison de leur importance, le coût de leur réfection, tel qu'il résultait de la seconde mesure d'expertise instituée postérieurement au jugement, était évalué à une somme quatre-vingt fois supérieure à celle proposée en première instance, ce qui constituait l'élément nouveau et imprévu modifiant les données du litige, la Cour d'appel a violé l'article 555 du nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER EN CHEF


Synthèse
Formation : Assemblee pleniere
Numéro d'arrêt : 03-20484
Date de la décision : 11/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

APPEL CIVIL - Mise en cause d'un tiers - Conditions - Evolution du litige - Définition - Portée.

PROCEDURE CIVILE - Intervention - Intervention forcée - Intervention en appel - Conditions - Evolution du litige - Définition

Au sens de l'article 555 du nouveau Code de procédure civile, l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieurement à celui-ci et modifiant les données juridiques du litige. Ainsi, une cour d'appel ayant constaté que les désordres décrits dans les expertises ordonnées en première instance et en appel étaient identiques et que leurs causes avaient été décelées par le premier expert, a retenu à bon droit que la dernière expertise n'avait pas modifié les données juridiques du litige, dont l'évolution ne résidait que dans la nature et le coût des réparations.


Références :

Nouveau Code de procédure civile 555

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 03 octobre 2003

Sur la définition de la notion d'évolution du litige, dans le même sens que : Chambre civile 3, 1999-04-08, Bulletin 1999, III, n° 92, p. 62 (cassation) ; Chambre civile 2, 1999-09-23, Bulletin 1999, II, n° 143, p. 101 (cassation) ; Chambre civile 2, 2004-04-08, Bulletin 2004, II, n° 187, p. 159 (rejet) ; Chambre civile 3, 2004-06-03, Bulletin 2004, III, n° 113, p. 102 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Ass. Plén., 11 mar. 2005, pourvoi n°03-20484, Bull. civ. 2005 A. P. N° 4 p. 9
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2005 A. P. N° 4 p. 9

Composition du Tribunal
Président : Premier président : M. Canivet.
Avocat général : M. Cédras.
Rapporteur ?: Mme Betch assistée de M. Arbellot, auditeur.
Avocat(s) : la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, la SCP Coutard et Mayer, la SCP Roger et Sevaux.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:03.20484
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