AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X..., avocat au barreau de Colmar, faisant l'objet de poursuites disciplinaires, a présenté une requête en suspicion légitime contre le conseil de l'Ordre devant lequel il était convoqué ; que le bâtonnier s'étant opposé à la requête, la cour d'appel a, par arrêt du 8 mars 2002, déclaré cette requête irrecevable ;
que, le 26 mars 2002, M. X... a adressé deux lettres, l'une au bâtonnier lui annonçant son intention de porter plainte à son encontre pour des soustractions de pièces du dossier transmis à la cour d'appel, l'autre au Procureur général auquel il demandait de mettre en oeuvre la procédure disciplinaire à l'encontre du bâtonnier ; que M. X... ayant été convoqué pour répondre des propos estimés outrageants à l'égard du bâtonnier dans la lettre destinée à celui-ci, le conseil de l'Ordre a, par décision du 18 juillet 2002, prononcé la peine de l'interdiction temporaire d'exercer la profession durant un mois à son encontre ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Colmar, 30 juin 2003) d'avoir confirmé cette décision, alors, selon le moyen :
1 / que dans sa lettre du 26 mars 2002 adressée au bâtonnier, autorité compétente pour diligenter une procédure disciplinaire à l'encontre d'un avocat, M. X... écrivait "Je porte plainte à votre encontre pour les faits de soustraction de pièces et demande expressément à ce que vous fassiez l'objet d'une procédure disciplinaire pour ces agissements" ; qu'en décidant néanmoins que cette lettre ne contenait aucune plainte et ne pouvait donc bénéficier de l'immunité accordée aux écrits produits devant les tribunaux, la cour d'appel l'a dénaturée en violation de l'article 1134 du Code civil ;
2 / que la plainte que toute personne qui se prétend victime des agissements d'un avocat, bénéficie de l'immunité judiciaire édictée par l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ; que la circonstance que cette plainte vise le bâtonnier en exercice n'empêche pas qu'elle puisse être adressée à ce même bâtonnier, saisi en raison de ses fonctions ; qu'en décidant que cette plainte ne constituait pas un acte par lequel le plaignant cherchait à faire valoir ses droits, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais attendu que la mise en jeu de l'immunité prévue par l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 suppose que les écrits aient été produits devant une juridiction ; qu'en matière disciplinaire, le bâtonnier de l'Ordre des avocats n'étant pas une juridiction, le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses deux branches ;
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche, tel qu'énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe :
Attendu que l'arrêt relève, d'une part, que M. X... avait, dans ses conclusions, revendiqué le bénéfice de la loi d'amnistie, et, d'autre part, que, dans ses conclusions écrites, le ministère public avait demandé la confirmation de la décision disciplinaire entreprise, et qu'il considérait ainsi nécessairement que les faits poursuivis ne pouvaient être amnistiés, de sorte que M. X... connaissait la position du ministère public ; que l'arrêt relève encore, que M. X... avait disposé d'un temps suffisant pour y répondre et qu'il avait été admis, à l'audience, à répliquer aux observations orales du représentant du ministère public ; que la cour d'appel a ainsi exactement décidé qu'il n'avait été porté atteinte ni aux droits de la défense de l'intéressé, ni à son droit à faire entendre sa cause équitablement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le deuxième moyen et sur la seconde branche du troisième moyen réunis, tel qu'énoncés au mémoire en demande et reproduit en annexe :
Attendu que la cour d'appel, qui a retenu que les termes de "soustraction" et de "malversation" utilisés dans la lettre litigieuse étaient outranciers et désobligeants en ce qu'ils supposaient un acte frauduleux, intentionnellement commis et manifestaient l'intention de leur auteur de porter atteinte à la considération du destinataire, a pu décider, sans avoir à procéder à la recherche invoquée dès lors qu'il incombait à M. X... de rapporter la preuve du caractère intentionnel du retrait des pièces, qu'en les employant, celui-ci avait attenté à l'honneur de la profession ; qu'elle a ainsi écarté à bon droit le bénéfice de l'article 5 de la loi d'amnistie du 6 août 2002 ; que les griefs ne peuvent être accueillis ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille cinq.