AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que suite à leur divorce prononcé à leurs torts partagés par jugement rendu le 15 décembre 1997, M. X... et Mme Y... ont fait établir un procès-verbal de difficultés en vue de parvenir à la liquidation de leur régime matrimonial ; que selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 janvier 2003), faute d'accord entre eux sur les termes de cet acte, Mme Y... a saisi le tribunal de grande instance de Versailles lequel, par jugement du 24 avril 2001, a principalement fixé à la somme de 300 000 francs le montant de la récompense due par la communauté à Mme Y... suite à l'aliénation d'un appartement lui appartenant en propre ; que sur appel interjeté par M. X..., la cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement déféré, sauf sur deux points : d'une part en fixant à 2 439,18 euros le montant de la récompense due par la communauté à Mme Y..., d'autre part, en disant que cette dernière était redevable envers l'indivision d'une indemnité mensuelle de 12,20 euros au titre des meubles et objets communs conservés par elle, à partir du 1er août 1996, jusqu'au jour de la jouissance divise ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la communauté était redevable d'une récompense d'un montant de 2 439,18 euros au profit de Mme Y..., au titre de la vente d'un appartement lui ayant appartenu en propre, cette somme ayant été portée au crédit d'un compte joint ouvert au nom des deux époux à la Société générale ; alors, selon le moyen, que la communauté ne doit récompense à l'époux propriétaire que lorsqu'elle a tiré profit de ses biens propres ;
qu'en se bornant à retenir que la somme de 2 439,18 euros avait été portée au crédit d'un compte joint ouvert au nom des deux époux, sans préciser en quoi la communauté avait tiré profit de ce versement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1433 du Code civil ;
Mais attendu que c'est par une exacte application de l'article 1433, alinéa 2, du Code civil que la cour d'appel, qui a relevé que des deniers propres à l'épouse avaient été encaissés sur un compte joint ouvert au nom des époux, en a déduit, à défaut de preuve par le mari que la communauté n'en a pas tiré profit, que la femme a droit à récompense ;
Sur le second moyen du même pourvoi :
Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à la condamnation de Mme Y... à lui verser une indemnité de 26 512,82 euros correspondant à la somme divertie par cette dernière au préjudice de la communauté par le biais de prélèvements sur les comptes bancaires alors qu'il ressortait des débats que l'assignation en divorce remontait au 10 janvier 1996 ; qu' en retenant, pour apprécier la consistance de l'actif commun, la date du 10 juin 1996, qu'elle pensait à tort correspondre à la date de l'assignation en divorce, laquelle était en réalité le 10 janvier 1996, la cour d'appel a statué par un motif erroné donc inopérant et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civil ;
Mais attendu que la cour d'appel constate que l'assignation en divorce remonte bien au 10 janvier 1996 puis que, dans les rapports entre époux, quant à leurs biens, le divorce prend effet à la date de l'assignation et que c'est à cette date qu'il convient de se placer pour déterminer la consistance de l'actif commun ; que c'est par suite d'une simple erreur matérielle qu'elle a indiqué, qu'en l'espèce, cette date était le 10 juin 1996 ; que la contradiction ainsi dénoncée résulte d'une erreur matérielle que les autres écritures de la cause démontrent et qui peut, selon l'article 462 du nouveau Code de procédure civile être réparée par la Cour de Cassation à laquelle est déféré cet arrêt dont la rectification sera ci-après ordonnée ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident :
Attendu que, de son côté, Mme Y... critique l'arrêt déféré en ce qu'il a limité à 2 439,18 euros le montant de la récompense à elle due par la communauté au titre de la vente de l'appartement lui ayant appartenu en propre ; alors que la communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit des biens propres ;
qu'en limitant le montant de la récompense à la seule partie du prix de vente encaissée sur le compte commun des époux au motif inopérant que Mme Y... n'établissait pas que le solde du prix de vente de l'immeuble ait également été encaissé sur un compte commun, sans rechercher si, comme le soutenait l'épouse, ce solde du prix de vente l'immeuble n'avait pas été employé au paiement des charges de la communauté et, en particulier, à des dépenses de nature fiscale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1433 du Code civil ;
Mais attendu qu'en application de l'article 1433, alinéa 3, du Code civil, il incombe à celui qui demande récompense à la communauté d'établir par tous moyens laissés à l'apprécision des juges du fond, que les deniers provenant du patrimoine propre de l'un des époux autres que ceux encaissés par la communauté, ont profité à celle-ci ; que le moyen qui ne tend qu'à inverser la charge de cette preuve ne peut qu'être rejeté ;
Sur le second moyen du même pourvoi tel qu'exposé au pourvoi incident et reproduit en annexe :
Attendu que, de son côté, Mme Y... critique l'arrêt déféré en ce qu'il a fixé à 12,20 euros par mois l'indemnité due par elle à l'indivision à partir du 1er août 1996 jusqu'au jour de la jouissance divise au titre de la jouissance des meubles et objets communs conservés par elle ;
Mais attendu que, c'est dans le cadre de l'ordonnance de non-conciliation que M. X... s'est vu attribuer la jouissance gratuite du domicile conjugal et donc, nécessairement, celle du mobilier qui y était entreposé ; que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a condamné Mme Y... à payer l'indemnité ci-dessus ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
Dit que le motif de l'arrêt attaqué est rectifié par la substitution, à la page 8, lignes 8, 11 et 17, du mot "janvier" au mot "juin" ;
Dit que le motif de l'arrêt du 16 janvier 2003 sera modifié en conséquence ;
Rejette tant le pourvoi formé à titre principal par M. X... que le pourvoi incident de Mme Y... ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de M. X... et de Mme Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille cinq.