AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Gaston X... est décédé le 8 novembre 1982, en laissant pour lui succéder, d'une part, Mme Albertine Y..., son épouse séparée de biens et instituée, par testament olographe du 4 mars 1973, légataire de la pleine propriété d'une maison située à Juan-les-Pins et des meubles la garnissant, ainsi que de l'usufruit de l'universalité de tous les autres biens composant sa succession, sous réserve de legs particuliers consentis à Mme Charlotte Z..., sa première épouse, d'autre part, Mme Marthe A..., Mme Jacqueline B..., Mme Geneviève C... et Mme Annie-France D..., ses quatre filles issues de son premier mariage ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à 120 000 francs avec intérêts au taux légal une indemnité annuelle due par elle au titre de produits financiers, alors, selon le moyen, que, faute de s'être expliquée plus avant sur l'origine des prétendus produits financiers et sur le mode de calcul de l'indemnité à laquelle elle la condamnait, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, ayant retenu à la charge de Mme Y... un recel successoral portant sur des valeurs mobilières, la cour d'appel a décidé qu'outre la privation de tous droits sur l'objet du recel, la seule sanction légale consistait en l'intérêt au taux légal à compter de l'appropriation injustifiée ; qu'elle a en conséquence infirmé le jugement de première instance qui avait fixé à 120 000 francs l'indemnité annuelle due par Mme Y... au titre des revenus des valeurs mobilières, de sorte que le moyen manque en fait ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 724 et 815-9 du Code civil ;
Attendu que le conjoint survivant, investi de la saisine sur l'universalité de l'hérédité, a, dès le jour du décès et quelle que soit l'étendue de la vocation conférée par le legs qui lui a été consenti, la jouissance de tous les biens composant la succession, laquelle est exclusive de toute indemnité d'occupation ;
Attendu que, pour mettre à la charge de Mme Y... une indemnité pour l'occupation de la maison de Juan-les-Pins, l'arrêt attaqué énonce que, si celle-ci avait le droit de prétendre à la jouissance du bien légué à compter du jour du décès, c'est à la condition qu'elle effectue sa déclaration d'option dans les conditions de l'article 1005 du Code civil et que, en l'absence de délivrance volontairement consentie par tous les coïndivisaires, elle ne saurait être dispensée du paiement d'une indemnité d'occupation dont elle ne discute ni du montant ni de l'étendue ;
Qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il mis à la charge de Mme Y... une indemnité pour l'occupation de la maison de Juan-les-Pins, l'arrêt rendu le 8 octobre 2002, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour faire droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille cinq.