AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X..., engagé en qualité de marin par la société Roy Loubens, a été licencié pour faute grave par lettre du 23 janvier 1997 ; que par jugement du 18 septembre 1997, le tribunal d'instance a jugé le licenciement justifié par une faute grave et a débouté le salarié de toutes ses demandes ; que ce jugement n'a pas été notifié ;
que l'appel interjeté par le salarié le 19 janvier 1998 a été déclaré irrecevable ; que par un second arrêt du 15 janvier 2002, la cour d'appel a jugé irrecevable comme ayant été formé au delà d'un délai de deux ans, un second appel formé par le salarié le 20 juin 2001 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué (Poitiers, 15 janvier 2002) d'avoir ainsi jugé alors, selon le moyen :
1 / que l'appel formé dans le délai prévu à l'article 528-1 du nouveau Code de procédure civile interrompt ce délai, même si l'appel est irrégulier ; qu'en jugeant au contraire que l'appel irrégulier formé peu après le prononcé du jugement aurait été "sans incidence", et n'aurait pas permis de rendre recevable le second appel formé et plus de deux années après le prononcé du même jugement, la cour d'appel a violé l'article 528-1 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que subsidiairement, toute personne a le droit d'accéder au juge ; qu'il est constant et résulte des pièces de la procédure que M. X... a interjeté appel du jugement rendu le 18 décembre 1997 dès le 19 janvier 1998 ; que ce n'est que le 11 mai 2001 que la partie adverse a conclu à l'irrecevabilité de l'appel, après avoir conclu au fond ; que M. X... a formé un nouvel appel dès le 20 juin 2001 ; que l'audience des débats dans la première procédure d'appel n'a eu lieu que le 26 juin 2001 (trois ans et demi après l'appel), et le premier appel a été déclaré irrecevable par arrêt du 18 septembre 2001 ; que dans de telles circonstances indépendantes de sa volonté, M. X... a été empêché de former le second appel dans le délai de l'article 528-1 du nouveau Code de procédure civile ;
qu'en déclarant néanmoins irrecevable ce second appel, au prétexte qu'il n'avait pas été formé dans les deux ans du prononcé du jugement, la cour d'appel a privé M. X... de son droit d'accès à la justice, violant ainsi l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Mais attendu que les dispositions de l'article 528-1 du nouveau Code de procédure civile ne fixent pas le point de départ d'un délai de recours, mais le terme au-delà duquel aucun recours ne peut plus être exercé par la partie qui a comparu ;
Qu'il s'ensuit que l'arrêt qui relève que plus de deux ans se sont écoulés entre la date du jugement déféré pour la seconde fois à la cour d'appel, et la date de l'appel, est, par cette seule constatation légalement justifié ;
Et attendu que les principes de sécurité juridique et de bonne administration de la justice qui fondent les dispositions de l'article 528-1 du nouveau Code de procédure civile constituent des impératifs qui ne sont pas contraires aux dispositions de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Roy Loubens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille cinq.