AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que l'arrêté ministériel du 16 mars 1978, qui fixait à Z 90 la cotation provisoire des actes de scanographie, a été abrogé par un arrêté du 11 juillet 1991 et qu'une circulaire ministérielle du même jour a fixé à Z 19 la nouvelle cotation provisoire ; que les deux actes administratifs du 11 juillet 1991 ont été annulés par deux arrêts rendus par le Conseil d'Etat le 4 mars 1996, le premier, en raison de l'incompétence de son auteur et le second, au motif que la banalisation des actes de scanographie n'autorisait plus à leur égard le recours à la cotation provisoire ; que l'article 27 de la loi n° 97-1164 du 19 décembre 1997 a validé les actes pris sur le fondement de l'arrêté et de la circulaire du 11 juillet 1991, ainsi que sur le fondement des arrêtés des 1er février 1993, 14 février 1994, 22 février 1995 et 9 avril 1996 qui avaient renouvelé, chaque année, la cotation provisoire à Z 19, en tant que la légalité de ces règlements serait contestée pour un motif tiré de l'incompétence de leur auteur ;
Attendu que la société civile de moyens Scanner de l'ouest lyonnais (la SCM) a demandé, pour des actes de scanographie pratiqués entre le 23 septembre 1991 et le 28 février 1997, l'application de la cotation Z 90 et le paiement de la différence avec les sommes qui lui avaient été réglées par la Caisse de mutualité sociale agricole de l'Isère sur le fondement de la cotation Z 19 ; que la décision de rejet de la commission de recours amiable a été déférée au tribunal des affaires de sécurité sociale par lettre recommandée du 2 mars 1998 ; que par un jugement du 27 avril 1999, le tribunal a dit que la question préjudicielle de la légalité des arrêtés ministériels fixant la cotation provisoire des actes de scanographie postérieurement à 1991 devait être soumise au Conseil d'Etat ; que ces arrêtés ont été déclarés illégaux par un arrêt du 20 novembre 2000 ; que par un jugement du 18 décembre 2001, le tribunal des affaires de sécurité sociale a décidé que l'abrogation de la cotation Z 90 ayant été validée par l'article 27 de la loi du 19 décembre 1997, les demandes de la SCM étaient mal fondées ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief au jugement du 18 décembre 2001 d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, qu'il ressortait des motifs du jugement du 27 avril 1999, qui a déclaré écarter l'application de l'article 27 de la loi de validation du 19 décembre 1997 comme contraire aux exigences de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, et retenu que la cotation Z 90 devait s'appliquer aux actes effectués jusqu'au 1er février 1993, date d'entrée en vigueur du premier arrêté ministériel non annulé qui ait fixé une cotation inférieure, qu'en renvoyant au Conseil d'Etat, dans son dispositif, l'appréciation de la légalité des arrêtés ministériels dont la loi du 19 décembre 1997 avait pourtant eu pour objet de valider les effets, le tribunal avait implicitement mais nécessairement jugé que ce texte législatif devait rester sans application en l'espèce ; qu'en décidant que la chose jugée par ce jugement portait seulement sur le renvoi d'une question préjudicielle au Conseil d'Etat, le tribunal a violé l'article 480 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et a été tranché dans son dispositif ; que le jugement du 27 avril 1999 ayant seulement, dans son dispositif, posé une question préjudicielle et réservé les demandes des parties, ses motifs relatifs à la non-conformité de la loi de validation à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme étaient dépourvus de l'autorité de la chose jugée ;
D'où il suit que le moyen est mal fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la SCM fait grief au jugement attaqué d'avoir déclaré que les vices affectant les actes pris sur le fondement de l'arrêté annulé du 11 juillet 1991 avaient été purgés par l'intervention de la loi du 19 décembre 1997, alors, selon le moyen, que le tribunal avait antérieurement constaté que le pouvoir législatif s'était ingéré dans l'administration de la justice dans le but d'influer sur le dénouement du litige, ce dont il ressortait que les actions en remboursement avaient été engagées à la date de la loi, de sorte que le tribunal, en s'abstenant de préciser à quelle date la SCM avait saisi de son recours en remboursement la commission de recours amiable dont l'intervention constitue, suivant l'article R.142-1 du Code de la sécurité sociale, le préalable à toute action portée devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, n'avait pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
Mais attendu que si l'exigence de prééminence du droit ainsi que la notion de procès équitable s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire des litiges, ces principes ne s'appliquent qu'aux instances judiciaires pendantes et non aux recours gracieux introduits devant une commission dépourvue de tout caractère juridictionnel, de sorte que le tribunal, qui n'était pas tenu de se livrer à une recherche inopérante, a légalement justifié sa décision en faisant ressortir que sa saisine était postérieure à l'adoption de la loi de validation ;
Que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCM Scanner de l'ouest lyonnais aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer à la Caisse de mutualité sociale agricole (CMSA) de l'Isère la somme de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille quatre.