AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Nationale Suisse assurances et à Mme X... de ce qu'elles se sont désistées de leur pourvoi en tant que dirigé contre le Fonds de garantie, les consorts Y... et M. Z... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 29 octobre 2002), qu'au cours d'un accident de la circulation impliquant quatre motocyclettes conduites respectivement par M. A..., M. Y..., M. B... et M. C..., M. Y..., dont le véhicule n'était pas assuré, a été tué, et M. B... et sa passagère, Mlle D..., blessés ; que M. B..., son assureur la société Nationale Suisse assurances (la NSA) et Mme X..., propriétaire du véhicule conduit par M. B..., ont assigné les ayants droit d'Anthony Y..., M. A... et son assureur la compagnie Generali Belgium et le Fonds de garantie des accidents de circulation et de chasse (FGA), en présence de la Caisse primaire d'assurance maladie du Calvados (la CPAM), en réparation et en remboursement des indemnités versées à Mlle D... et à la CPAM ;
Attendu que M. A... et la compagnie Generali Belgium font grief à l'arrêt infirmatif de ce chef de les avoir condamnés in solidum à rembourser à la NSA une somme correspondant à 25 % des indemnités versées à Mlle D... et à la CPAM, alors, selon le moyen :
1 / que l'assureur du conducteur non responsable qui a spontanément indemnisé les victimes d'un accident de la circulation en vertu de son obligation légale et en dehors même de toute condamnation in solidum avec d'autres conducteurs impliqués dans l'accident, peut valablement exercer un recours, en qualité de subrogé dans les droits des victimes qu'il a indemnisées, contre l'un des conducteurs fautifs à qui il peut demander le remboursement intégral des indemnités qu'il a été amené à verser ; qu'en décidant que la compagnie Nationale Suisse, agissant en qualité d'assureur d'un conducteur non responsable subrogé dans les droits des victimes, ne pouvait exercer un recours que dans la seule limite de 25 % à l'encontre de la compagnie Generali Belgium, assureur d'un conducteur fautif, lui laissant en définitive supporter la charge de 75 % des conséquences dommageables de l'accident, la cour d'appel a violé les articles 1202, 1203, 1214, 1251 et 1382 du Code civil ;
2 / que si l'un des codébiteurs se trouve insolvable, la perte qu'occasionne son insolvabilité se répartit, par contribution, entre tous les codébiteurs solvables et celui qui a fait le paiement ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que M. Y... n'était pas assuré et que ses héritiers avaient renoncé à sa succession ou n'étaient pas solvables ; qu'en laissant à la charge de la compagnie Nationale Suisse, assureur du conducteur non fautif, l'intégralité de la part de responsabilité de M. Y... représentant 75 % des conséquences dommageables de l'accident et en ne faisant peser sur la compagnie Generali Belgium, assureur du conducteur fautif, que 25 %, cependant qu'il lui appartenait de procéder à une répartition par contribution de la part de responsabilité de M. Y..., la cour d'appel a violé les articles 1214 et 1382 du Code civil ;
3 / que les limites du litige étant fixées par les prétentions respectives des parties, le juge ne peut accorder à une partie moins que ne lui offrait la partie adverse ; qu'en l'espèce, la compagnie Generali Belgium, qui ne contestait plus l'implication de la motocyclette conduite par son assuré, demandait à la cour d'appel de "répartir la charge de l'indemnisation de Mlle Virginie D... par parts viriles selon le sort réservé à la responsabilité", ce dont il résultait que cet assureur acceptait de répartir par moitié avec les ayants droit de M. Y..., coauteur responsable, des conséquences dommageables de l'accident qui avaient été réparées par la compagnie Nationale Suisse ; qu'en se bornant à octroyer à cette dernière seulement 25 % des indemnités qu'elle avait été amenée à verser aux victimes, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation et son assureur qui a indemnisé les dommages causés à un tiers ne peuvent exercer un recours contre un autre conducteur impliqué que sur le fondement des articles 1382, 1214 et 1251 du Code civil ; que la contribution à la dette a lieu en proportion des fautes respectives ; qu'en l'absence de faute prouvée à la charge des conducteurs impliqués, la contribution se fait entre eux par parts égales ; que le codébiteur tenu in solidum, qui a executé l'entière obligation, ne peut, comme le codébiteur solidaire, même s'il agit par subrogation, répéter contre les autres débiteurs que les part et portion de chacun d'eux ;
Et attendu que l'arrêt retient que la NSA, assureur de l'un des véhicules impliqués, ayant indemnisé la passagère dudit véhicule, ne peut exercer son recours à l'encontre du conducteur d'un autre véhicule impliqué que sur le fondement des articles 1382 et 1251 du Code civil ;
que trois véhicules étant impliqués, il appartient à la NSA, pour bénéficier d'un recours pour le tout à l'égard de M. A..., d'établir que celui-ci a commis une faute qui est la cause exclusive de l'accident ; qu'il est certain que M. Y..., qui a percuté l'engin conduit par M. B..., a commis une faute qui est la cause principale de l'accident ; qu'il circulait en effet dans le même sens de circulation que M. B... et l'a percuté alors que celui-ci se trouvait sur la voie centrale où il achevait, à vitesse modérée, une manoeuvre de dépassement, observation faite que le défaut de maîtrise de M. Y... est consécutif à une vitesse excessive ;
qu'il n'est pas établi en revanche que M. B..., conducteur de l'engin percuté, ait lui-même commis une faute ; que M. A..., qui se borne à solliciter une limitation de la charge de l'indemnisation, ne conteste pas avoir commis une faute ayant concouru à la réalisation du dommage ;
qu'en effet selon ses propres déclarations, il circulait à une vitesse de l'ordre de 130 km/h et n'a nullement ralenti son allure à l'approche du véhicule de M. B..., préférant passer entre les deux motocyclettes qui le précédaient, de sorte que M. Y... qui le suivait s'est rendu compte tardivement de la présence de l'engin de M. B... qu'il a percuté ; que cette faute n'étant toutefois que mineure face au comportement de M. Y... qui circulait à une vitesse excessive sans se préoccuper des obstacles éventuels, l'indemnisation mise à la charge de M. A... doit être limitée à un quart du préjudice subi par Mlle D..., la contribution à la dette ne pouvant avoir lieu qu'en proportion des fautes respectives, peu important que le recours soit exercé contre un seul des conducteurs impliqués ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu l'objet du litige, a fait l'exacte application des textes précités ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Nationale Suisse assurances et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société Nationale Suisse assurances, d'une part, de la compagnie Generali Belgium et de M. A..., d'autre part ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille quatre.