AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, après avertissement donné aux parties dans les conditions de l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que la Caisse de Crédit mutuel océan (la caisse) s'est portée garante des engagements de la société Garage des Jaulnières à première demande de la société Opel France (la société) ;
que, pour garantir la Caisse, M. X..., époux commun en biens, s'est porté caution solidaire envers elle et, en garantie de son propre engagement, il a, d'une part, nanti un contrat d'assurance-vie mixte souscrit par lui, d'autre part, délégué à la Caisse son droit au rachat total ou partiel du contrat en cas de défaillance de la société Garage des Jaulnières ; que la société a mis en oeuvre sa garantie à l'encontre de la Caisse, qui a exercé un recours contre M. X... et s'est fait remettre les fonds provenant du contrat ; que, sur le fondement de l'article 1415 du Code civil, M. X... a assigné la Caisse en restitution des fonds ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Poitiers, 13 novembre 2001) d'avoir constaté la validité du nantissement et de l'avoir en conséquence débouté de ses demandes, alors, selon le moyen :
1 / qu'il résulte des articles L. 132-9, L. 132-12 et L. 132-14 du Code des assurances que le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie a un droit exclusivement attaché à sa personne de racheter ce contrat et de percevoir ainsi un capital qui ne fait pas partie de son patrimoine ; que ce droit qui lui est réservé ne peut être exercé par ses créanciers qui ne peuvent se faire attribuer ce que le souscripteur ne peut recevoir ; que ce dernier ne peut en aucun cas déléguer à un créancier ce droit de rachat du contrat d'assurance pour garantir un cautionnement puisqu'en agissant ainsi il transformerait un droit de rachat qui lui est propre, en une obligation dont la mise en oeuvre appartiendrait à son créancier qui ne peut s'arroger l'attribution d'un capital sur lequel le souscripteur ne dispose que d'un droit personnel de rachat et non d'une obligation ; que, dès lors, en énonçant que M. X... pouvait disposer de son contrat d'assurance-vie qui constituait un bien propre et ainsi déléguer au Crédit mutuel un droit de rachat de ce contrat pour garantir son cautionnement, la cour d'appel a violé les articles L. 132-9, L. 132-12 et L. 132-14 du Code des assurances ;
2 / que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement contracté sans le consentement exprès de l'autre ; que le capital de l'assurance-vie était constitué par des primes provenant de fonds de la communauté ; que M. X... faisait valoir qu'il n'avait pu valablement engager le capital de l'assurance-vie qui provenait de fonds communs ; qu'en rejetant ce moyen par un motif inopérant, sans rechercher si M. X... avait pu engager valablement par un cautionnement le capital de l'assurance-vie constitué avec des primes provenant de fonds communs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1415 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que, l'acte de nantissement stipulant au profit du créancier gagiste une délégation de la faculté de rachat attachée au contrat d'assurance-vie, la cour d'appel en a déduit à bon droit la validité du nantissement, le souscripteur du contrat étant libre de disposer de la faculté de rachat en considération de ses intérêts, notamment pour faire de son contrat un instrument de crédit, et la mise en oeuvre de cette faculté n'étant constitutive ni d'appropriation ni de disposition du gage au sens de l'article 2078 du Code civil ;
Attendu, d'autre part, qu'une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'implique aucun engagement personnel à satisfaire l'obligation d'autrui et n'est pas dès lors un cautionnement, lequel ne se présume pas ; que, la cour d'appel ayant relevé que M. X... avait nanti le contrat d'assurance-vie, il en résulte que l'article 1415 du Code civil n'était pas applicable ; que, par ce motif de pur droit, substitué à celui critiqué, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille six.