AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'à la suite d'un contrôle portant sur la période du 1er décembre 1995 au 30 novembre 1997, l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations sociales les sommes versées par la société Adecco aux salariés intérimaires à titre de remboursement de frais professionnels en ayant recours, compte tenu de la taille de l'entreprise et du nombre de salariés, à une méthode de vérification par échantillonnage de 1 200 salariés en 1996 et de 1201 salariés en 1997 provenant de 200 agences, puis, par extrapolation, à tous les salariés des 640 agences au nombre de 193 565 en 1996 et de 234 673 en 1997 ; qu'elle a également réintégré la partie excédant 5 % du cours de l'action acquise par les salariés permanents au moment de la levée de l'option ; que, sur recours de la société, la cour d'appel, par arrêt confirmatif, a annulé le redressement relatif aux frais professionnels des salariés intérimaires, mais a confirmé le redressement relatif aux "stocks options" ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (cour d'appel d'Orléans, 28 mars 2001) d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / qu'une évaluation des frais professionnels fondée sur des bases réelles ne constitue pas une taxation forfaitaire et peut donc intervenir, même sans l'accord de l'entreprise, en dehors de l'hypothèse où la comptabilité de l'employeur ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations servant de base aux cotisations ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la méthode de vérification par échantillonnage puis extrapolation était basée sur un chiffrage réel : qu'en affirmant, pour annuler le redressement, qu'elle s'apparentait à une évaluation forfaitaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé par fausse application l'article R.242-5 du Code de la sécurité sociale ;
2 / que le recours à une méthode d'évaluation par sondages et extrapolation sur la base de la comptabilité réelle de l'entreprise est régulière ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L.242-1 et L.243-7 du Code de la sécurité sociale ;
3 / que le juge ne peut refuser de juger sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi ; qu'en affirmant qu'il appartenait au législateur de prendre en considération les caractères singuliers de certaines situations et d'imposer une solution et que le juge ne pouvait apprécier lui-même une vérification comptable reposant sur une méthode de sondage, d'échantillonnage et de statistique car il sortirait du cadre strict de ses compétences, la cour d'appel a commis un déni de justice et violé les articles 4 du Code civil et 12 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la société n'avait jamais accepté préalablement les modalités du contrôle et qu'elle avait formulé des réserves quant à la validité du mécanisme de l'extrapolation, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche, ayant constaté que l'URSSAF avait à sa disposition les éléments de comptabilité permettant d'établir le redressement sur des bases réelles, de sorte que la méthode du contrôle effectué par échantillonnage de 1 200 salariés provenant de 200 agences et extrapolation à l'ensemble des salariés des 640 agences ne permettait pas de débattre contradictoirement du bien-fondé du redressement, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société Adecco fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à l'annulation du redressement relatif aux "stock options", alors, selon le moyen, que la fraction du rabais défini à l'article 80 bis II du Code général des impôts qui est de 10 % pour les options attribuées avant la date d'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative du 22 juin 1993, soit le 1er juillet suivant, et de 5 % pour celles consenties postérieurement, est considérée, au moment de la levée de l'option, comme une rémunération assujettie à cotisations ; qu'en faisant application d'un pourcentage de 5 % à des options attribuées antérieurement au 1er juillet 1993, au prétexte que l'avantage procuré par la cession d'actions à un prix préférentiel s'appréciait au moment de la levée de l'option, et ce, quel que fût le régime fiscal en vigueur à la date à laquelle ces options avaient été offertes, ajoutant ainsi à la loi une disposition qu'elle ne comporte pas, la cour d'appel a violé l'article L.242-1, alinéa 2, du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L.242-1 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 49-1 de la loi n° 95-116 du 4 février 1995, que lorsque le bénéficiaire d'une option accordée dans les conditions prévues aux articles 208-1 à 208-8-2 de la loi n 66-537 du 24 juillet 1966, devenus les articles L. 225-177 à L. 225-186 du Code de commerce, lève cette option, est considéré comme une rémunération l'avantage correspondant à la différence définie au II de l'article 80 bis du Code général des impôts ; que, selon ce dernier texte dans sa rédaction issue de la loi de finances rectificative n 93-859 du 22 juin 1993, l'avantage visé est la partie du rabais excédant 5 % du cours de l'action au moment où l'option est proposée ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel, qui a constaté que la société n'avait soumis à charges sociales qu'une fraction de 10 % du rabais consenti alors que celui-ci s'élevait à 20 % du prix de l'action, a réintégré dans l'assiette des cotisations la fraction du rabais dépassant 5 %, peu important la date d'attribution des options ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille deux.