AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 18 septembre 2001), que la Direction générale des Douanes (l'Administration), invoquant des infractions douanières, a obtenu d'un juge de l'exécution l'autorisation de pratiquer des mesures conservatoires à l'encontre de M. X... ; que le juge de l'exécution a été saisi d'une demande de la mainlevée de ces mesures ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen :
1 / qu'en application des dispositions de l'article 210 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, le juge de l'exécution ne peut autoriser un créancier à pratiquer une mesure conservatoire que si sa créance paraît fondée en son principe et si les circonstances sont susceptibles d'en menacer le recouvrement ; qu'en outre, les pénalités fiscales prévues par l'article 1791 du Code général des impôts en matière d'infraction aux contributions indirectes revêtent le caractère de sanctions pénales au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne revêtent donc pas uniquement le caractère de réparation civile ; que le juge de l'exécution ne peut donc autoriser une personne à pratiquer une mesure conservatoire visant à garantir non pas une créance civile mais une créance susceptible de résulter d'une condamnation pénale ultérieure, sans que soient satisfaites les exigences du procès pénal équitable et les garanties dont doivent être assorties les mesures provisoires en matière pénale, en particulier, le respect du principe de la présomption d'innocence ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que les mesures provisoires sollicitées par l'Administration concernent les pénalités susceptibles d'être prononcées par le juge pénal en application de l'article 1791 du Code général des impôts ; que dès lors, en considérant que la créance de l'Administration paraissait fondée en son principe, les juges d'appel ont nécessairement préjugé de la culpabilité de M. X... dans la commission des infractions poursuivies devant la juridiction pénale et ont méconnu le principe de présomption d'innocence tel qu'il est énoncé par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article 210 du décret du 31 juillet 1992 précité ;
2 / qu'en application des dispositions de l'article 210 du décret du 31 juillet 1992, le juge de l'exécution ne peut autoriser un créancier à pratiquer une mesure conservatoire que si la créance de ce dernier paraît fondée en son principe et si les circonstances sont susceptibles d'en menacer le recouvrement; que le juge de l'exécution ne peut, sans excéder ses pouvoirs, rechercher et apprécier l'éventuelle infraction commise par le débiteur et de laquelle pourrait résulter un principe de créance ; que, dans ces conditions, en considérant qu'en l'état du procès-verbal établi par l'Administration, il n'était pas exclu que la législation française s'applique de préférence à la législation communautaire, et qu'en sa qualité de dirigeant, M. X... avait nécessairement participé aux actes de la société, les juges d'appel ont recherché et apprécié l'existence d'une éventuelle infraction et ont dès lors méconnu l'étendue de leurs pouvoirs ainsi que les dispositions de l'article 210 précité ;
3 / qu'en application des dispositions de l'article 210 du décret du 31 juillet 1992, le juge de l'exécution ne peut autoriser un créancier à pratiquer une mesure conservatoire que si non seulement sa créance paraît fondée en son principe mais aussi les circonstances sont susceptibles d'en menacer le recouvrement ; qu'en considérant que le recouvrement de la supposée créance de l'Administration était menacé sous le seul prétexte que son montant était très important, sans avoir constaté le péril dans lequel se trouvait le recouvrement de la créance éventuelle de l'Administration, les juges d'appel n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard des exigences de l'article 210 précité ;
Mais attendu que l'arrêt retient à juste titre que l'instance n'a pas pour objet de déterminer si M. X... est coupable des infractions à lui reprochées, ni même si l'Administration dispose d'une créance fondée en son principe, mais seulement de rechercher si des mesures conservatoires peuvent être ordonnées au vu de l'apparence d'une telle créance, et que la décision du juge de l'exécution n'a qu'un effet provisoire, ne tend pas à la fixation d'une créance et ne s'impose pas au juge pénal, de sorte que, conforme aux dispositions de l'article 210 du décret du 31 juillet 1992, elle ne heurte pas le principe du respect de la présomption d'innocence ;
Et attendu que, sous le couvert d'excès de pouvoir et de manque de base légale, le moyen, ne tend, qu'à remettre en cause le pouvoir souverain conféré par la loi au juge qui autorise une mesure conservatoire d'apprécier si la créance invoquée paraît fondée en son principe et s'il existe des circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. X... à payer au Trésor public la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille trois.