AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Simone X..., veuve Y..., est décédée le 15 octobre 1984, sans laisser d'héritier réservataire ; que, par testament olographe du 19 octobre 1982, elle avait institué l'Association pour la recherche sur le cancer (l'association) légataire universelle, à charge pour elle de verser à M. et Mme Z... la somme de 600 000 francs à titre de legs particulier ; que, par testament olographe du 24 mars 1983, révoquant toute disposition antérieure, elle avait institué M. de La A... légataire universel, à charge pour lui de verser à l'association la somme de 1 000 000 francs à titre de legs particulier ; que, par testament olographe du 10 juillet 1983, révoquant toute disposition antérieure et précisant vouloir ne rien léguer à l'association ou à son frère, M. X..., elle avait institué M. de La A... légataire universel, à charge pour lui de verser à M. et Mme Z... la somme de 500 000 francs à titre de legs particulier ;
qu'un jugement du 10 juillet 1987 a dit que le testament du 10 juillet 1983 était valable en la forme au regard de l'article 970 du Code civil et a ordonné deux expertises, la seconde à l'effet de déterminer si Simone Y... était ou non saine d'esprit, les 19 octobre 1982, 24 mars 1983 et 10 juillet 1983 ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que M. de La A... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 5 septembre 2000) d'avoir déclaré nuls pour insanité d'esprit les testaments des 24 mars 1983 et 10 juillet 1983 et, partant, seul valable celui du 19 octobre 1982, alors, selon le moyen :
1 / qu'en retenant pour dénier le caractère non contradictoire de l'expertise que, les documents médicaux ne pouvant être communiqués aux parties, il aurait appartenu à M. de La A... de faire désigner un médecin, lequel, au cours des opérations d'expertise, aurait pris connaissance des dossiers médicaux, sans constater que M. de La A... ou son conseil avait été convoqué ou, à tout le moins, informé de la date des différentes réunions d'expertise qui ont eu lieu, ainsi qu'il résulte du rapport des experts, postérieurement à celle du 27 janvier 1988, afin qu'il puisse désigner un expert pour examiner les documents médicaux qui n'ont été communiqués aux experts, toujours selon leur rapport et selon également les propres énonciations de l'arrêt attaqué relatives à la communication du certificat du docteur B... le 25 mai 1988, que postérieurement au 27 janvier 1988, ni davantage, en tout état de cause, constater que les experts avaient communiqué aux parties les résultats de leur examen des documents médicaux afin qu'elles puissent en débattre contradictoirement avant le dépôt du rapport d'expertise, la cour d'appel a violé les articles 16 et 160 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'en retenant, pour déclarer justifiées les demandes des experts, que le dossier d'hospitalisation comportait le résumé d'une conversation téléphonique et que le tribunal leur avait donné mission de se faire remettre tous documents nécessaires, la cour d'appel a violé les articles 378 du Code pénal et 11 du Code de déontologie médicale issu du décret du 28 juin 1979, applicables en la cause ;
3 / qu'en retenant pour dénier que, comme M. de La A... le soutenait dans ses conclusions du 6 juin 2000 (p. 6), la remise aux experts par le docteur B..., médecin traitant de Simone Y..., d'un certificat médical constituait une violation du secret médical qu'un certificat médical apporté à un expert désigné constitue l'un des moyens de rapporter la preuve exigée par la loi, la cour d'appel a de nouveau violé ces textes ;
4 / qu'en relevant que, dans le cas contraire, un héritier ou un légataire universel serait empêché de faire valoir ses droits, sans constater qu'il s'agissait en l'espèce d'un héritier ou d'un légataire universel, la cour d'appel a violé de plus fort ces textes ;
Mais attendu, sur la première branche, que la cour d'appel a décidé à bon droit que les experts ne devaient pas communiquer directement aux parties les documents médicaux qui leur avaient été transmis en cours d'expertise et qu'il aurait appartenu à M. de La A... de désigner un médecin qui en aurait pris connaissance, ce dont il s'était abstenu ; qu'elle n'avait donc pas à procéder aux constatations qu'il lui est reproché d'avoir omises ;
Attendu, sur les autres branches, que, par l'effet de l'article 901 du Code civil qui vaut autorisation au sens de l'ancien article 378 du Code pénal alors applicable, le docteur B... a été déchargé de son obligation au secret relativement aux faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de sa profession et, la finalité du secret professionnel étant la protection du non-professionnel qui les a confiés, leur révélation a pu être faite aux experts et aux personnes ayant un intérêt légitime à faire valoir cette protection ; que c'est par conséquent à bon droit que la cour d'appel a décidé que la remise du certificat du docteur B... aux experts n'était pas irrégulière, dès lors que ce témoignage constituait l'un des moyens de rapporter la preuve de l'insanité d'esprit de Simone Y... lors de la rédaction des deux testaments litigieux et que, dans le cas contraire, l'héritier ou les légataires auraient été empêchés de faire valoir leurs droits ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen, pris en ses quatre branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt :
Attendu que M. de La A... fait encore le même grief à l'arrêt attaqué ;
Attendu que la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre au simple argument figurant dans les conclusions de M. de La A... et qui n'avait pas à procéder à une recherche non demandée, a estimé souverainement que l'insanité d'esprit de Simone Y... lors de la rédaction des testaments des 24 mars et 10 juillet 1983 résultait d'un examen neuro-psychiatrique pratiqué le 9 août 1983 par les docteurs C... et D... au centre hospitalier de Saint-Nazaire, d'un certificat établi par le docteur B... à la demande des experts et de deux lettres rédigées par le docteur E..., dans le service duquel Simone Y... avait été transférée le 11 juillet 1983 ; que, sans être tenue d'examiner un précédent avis du docteur F..., elle a estimé souverainement, hors toute dénaturation, que l'avis émis le 15 février 1991 par ce médecin consulté par M. de La A... n'apportait aucun élément sérieux en sens contraire ;
Que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. de La A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. de La A... à payer à l'association pour la recherche sur le cancer (ARC) la somme de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille quatre.