Vu 1°) la requête, enregistrée le 18 décembre 2000 sous le n° 00DA01413 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour l'Etat (centre national des ponts de secours), 62, rue de la Gare, BP 8 à Verneuil l'Etang (77390), par la S.C.P. Leclerc et associés, avocats ; le centre national des ponts de secours demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 98-446 du 30 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Rouen a partiellement fait droit à la requête de la société Baudin Chateauneuf et rejeté les conclusions reconventionnelles du centre national des ponts de secours ;
2°) de dire mal fondée la demande de ladite société et bien fondé le centre national des ponts de secours en sa demande reconventionnelle ; en conséquence, dire que la société Baudin Chateauneuf devra verser à l' Etat la totalité des sommes mises à la charge de l'administration par le jugement attaqué ainsi que le montant des préjudices subis par le centre national des ponts de secours à hauteur de 1 648 423,50 francs avec intérêts à compter du 27 avril 1998 ;
Code C Classement CNIJ : 60-03-02-01
60-04-02-05
3°) à titre subsidiaire, de dire que la clause contractuelle figurant dans la convention liant la société Baudin Chateauneuf qui s'était engagée en connaissance de cause à dégager la responsabilité de l'Etat par suite d'une défaillance des matériels mis à sa disposition trouve à s'appliquer en l'espèce ;
4°) à titre encore plus subsidiaire, dire que la société Baudin Chateauneuf ne démontre pas son préjudice ;
Il soutient, après avoir rappelé les faits et la procédure, qu'il y a lieu d'écarter des débats l'expertise de M. X pour défaut de caractère contradictoire ; qu'en effet, dès l'origine l'expert a fait preuve d'une approche préconçue du dossier et que toute l'expertise n'a tendu que vers la démonstration de la pertinence de cette idée préconçue concernant une attache arrachée ; qu'ainsi, alors que sa mission lui imposait de vérifier tous les matériels impliqués, l'expert ne s'est quasiment et exclusivement intéressé qu'aux attaches des caissons comportant le ponton révélant dès l'origine un a priori négatif à l'endroit du centre national des ponts de secours ; qu'il est cependant constant que c'est bien l'opération de vérinage engagée par Baudin Chateauneuf dans des conditions inexpliquées, obscures, en totale improvisation qui a déclenché la chute de la passerelle ; que les demandes répétées du centre national des ponts de secours de rééquilibrer l'expertise dans un sens lui permettant de bénéficier du principe de l'égalité des armes n'ont pas été entendues par l'expert ; qu'il n'a fait preuve d'aucun recul vis à vis des indications fournies par une partie au procès, en l'espèce Baudin Chateauneuf ; que l'expert tourne les dires du centre national des ponts de secours et ainsi s'affranchit d'y répondre tout en donnant l'illusion du respect du contradictoire ; que, s'agissant de l'abaissement de la passerelle, l'expert a retenu pour établies et s'en est contenté, les indications fausses de Baudin Chateauneuf malgré les demandes du centre national des ponts de secours de procéder aux vérifications nécessaires ; que des informations fausses ont été communiquées à la procédure par Baudin Chateauneuf, trompant la religion de l'expert contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal administratif ; qu'elle a conservé secrètes des informations spécifiquement demandées par l'expert ; qu'il sera en conséquence demandé de ce seul chef de tromperie résultant des manoeuvres et omissions dolosives d'une partie à la procédure d'écarter les prétentions de Baudin Chateauneuf ; que, de surcroît, la responsabilité de Baudin Chateauneuf dans la réalisation de l'accident est entière et exclusive de toute autre responsabilité ; que le tribunal a jugé un partage de responsabilité ; que, cependant, les fautes commises par la société Baudin Chateauneuf sont la clause exclusive de l'effondrement de la passerelle ; que les manquements imputés au centre national des ponts de secours ne résistent pas à un examen sérieux et qu'un rapport versé à la procédure démontre clairement que la rupture de l'attache J5 considérée par l'expert comme une des causes de l'effondrement de la passerelle n'en est pas la cause ; que l'attache sur laquelle l'expert a fondé toute sa théorie a été rompue du fait du poids de chute de la passerelle et que cette dernière a chuté du fait du vérinage ; qu'il est demandé au tribunal de rejeter purement et simplement les conclusions de l'expert eu égard aux nombreuses lacunes de l'expertise ; que la thèse de M. X se révèle totalement erronée en ce qu'il a imputé au centre national des ponts de secours la responsabilité du sinistre du fait de la rupture de l'attache J5 ; que la cause du sinistre réside dans l'extrême instabilité dans laquelle la passerelle avait été placée du fait des initiatives
de la société Baudin Chateauneuf, ainsi qu'il résulte du rapport de M. Y ; que, s'agissant du contrat liant le centre national des ponts de secours à Baudin Chateauneuf, il s'agit d'un contrat de mise à disposition ; que Baudin Chateauneuf a pris les matériels du centre national des ponts de secours dans l'état où ils étaient, n'a fait aucune observation, les a transportés à Rouen et mis à la disposition de Sarteco qui a commencé le montage ; que le centre national des ponts de secours a amené pour sa part la motorisation et a procédé à son installation une fois le ponton constitué ; que Baudin Chateauneuf a délibérément dérogé aux dispositions techniques retenues pour la passation de la convention et a mis le centre national des ponts de secours devant le fait accompli ; que la responsabilité de la société Baudin Chateauneuf est exclusive ; qu'en tout état de cause, il est demandé à la Cour de déclarer opposable à Baudin Chateauneuf la clause d'exclusion de responsabilité prévue à l'article 6 de la convention ; que le fait qu'elle ait été défaillante dans l'obligation de se couvrir par une assurance spéciale comme stipulé par la convention est inopposable à l'Etat ; que le centre national des ponts de secours maintient sa critique du préjudice présenté par la société Baudin Chateauneuf ; que les préjudices subis par le centre national des ponts de secours s'élèvent à la somme de 1 648 423,50 francs et devraient, le cas échéant, être déduits des sommes éventuellement dues à Baudin Chateauneuf ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 juillet 2001, présenté pour la société anonyme Baudin Chateauneuf par Me Anne Raphaël-Leyques de Yturbe, avocat ; elle conclut au rejet de la requête, à ce que soit reconnue la responsabilité totale du centre national des ponts de secours, à la condamnation de l'Etat à payer à la société Baudin Chateauneuf une somme de 6 493 432,50 francs hors taxes avec intérêts de droit à compter du 16 mars 1998 au 2 mars 2000 sur la somme totale et intérêts de droit du 27 octobre 2000 au jour du paiement sur la somme de 3 246 716 francs hors taxes, à la confirmation du jugement attaqué sur le surplus, à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 200 000 francs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que le prétendu rappel des faits auquel se livre le centre national des ponts de secours, pages 2 à 5 de sa requête, est gravement inexact et doit être rectifié sur certains points ; qu'il est demandé à la Cour d'auditionner M. Jacques X, expert, et Mme Z du laboratoire national d'essais de Trappes ; que s'agissant de la critique du caractère contradictoire de l'expertise, le centre national des ponts de secours reprend le grief articulé en première instance et écarté à juste titre par une motivation complète et précise qu'il est demandé à la Cour d'adopter ; que s'agissant de l'objectivité de M. X, il est faux d'affirmer qu'il ait eu dès l'origine une approche préconçue du dossier et qu'il ne se soit intéressé qu'aux attaches des caissons ; que la lecture du rapport démontre son absence d'a priori ; qu'il a examiné toutes les hypothèses et finalement retenu la responsabilité du centre national des ponts de secours, ce que celui-ci ne supporte pas ; que la rupture de l'attache J5, qui est une attache supérieure, est la cause et non la conséquence de la chute de la passerelle ; qu'il y a de nombreuses contre-vérités dans la requête du centre national des ponts de secours, notamment en ce qui concerne le prétendu abaissement de la passerelle ; que Baudin Chateauneuf n'a commis aucune rétention dolosive d'information ; qu'en ce qui concerne la responsabilité, le tribunal a partagé à tort la responsabilité entre Baudin Chateauneuf et le centre
national des ponts de secours ; que ce dernier doit être déclaré entièrement responsable ainsi qu'il ressort clairement du rapport d'expertise ; que c'est à cause de la surcharge causée par le mauvais état des attaches basses I2 et J2 qui se sont ouvertes que l'attache supérieure J5 a cassé ; que l'expert a retenu trois erreurs graves à la charge du centre national des ponts de secours ; que c'est tardivement, et alors que l'expertise technique est terminée, que le centre national des ponts de secours fait état de prétendus motifs techniques de contestation qu'il n'a pas fait valoir devant l'expert, sachant qu'ils étaient sans valeur et auraient donc été rejetés par un technicien ; que sur le prétendu rapport de M. Y, Baudin Chateauneuf critique très fermement cette façon de procéder du centre national des ponts de secours qui est inadmissible ; que la prétendue démonstration d'Ingerop est en outre sans aucune valeur scientifique et totalement fantaisiste ; qu'il est attiré l'attention de la Cour sur deux erreurs flagrantes et une aberration ; que sur le contrat liant Baudin Chateauneuf au centre national des ponts de secours, il y a lieu de rétablir la vérité telle qu'elle résulte des faits du dossier ; que s'agissant de l'absence de responsabilité de Baudin Chateauneuf, celui-ci renvoie sur ce point à sa requête d'appel et ne répondra qu'aux points soulignés par le centre national des ponts de secours notamment en ce qui concerne le vérinage ; qu'à propos de l'argument tiré de l'article 6 de la convention signée entre Baudin Chateauneuf et le centre national des ponts de secours, il y a lieu de rappeler les deux raisons pour lesquelles il n'est pas opposable à Baudin Chateauneuf : l'interprétation restrictive des clauses de responsabilité, non jeu de ces clauses en cas de faute lourde ; que Baudin Chateauneuf maintient que le préjudice dont elle a demandé réparation dans sa requête introductive d'instance est établi ; que la demande de compensation présentée par le centre national des ponts de secours doit être rejetée, le préjudice prétendument subi étant dû à ses propres fautes et, à titre subsidiaire, n'étant nullement établi ; qu'en tout état de cause, il n'a pas fait l'objet de la moindre vérification par l'expert ;
Vu les mémoires, enregistrés le 30 juillet 2001, présentés pour l'Etat (Centre national des ponts de secours) ; il conclut aux mêmes fins que sa requête et, en outre, à ce que la Cour demande communication de l'expertise de M. Jean-Paul A et de M. B versée au dossier d'instruction, à ce que la société Baudin Chateauneuf soit condamnée à lui payer une somme complémentaire de 300 000 francs au titre des frais engagés par l'Etat dans l'expertise et les frais de conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient, en outre, que le présent mémoire a pour objet d'attirer expressément l'attention de la Cour sur le fait qu'un rapport vient d'être versé dans la procédure pénale pendante devant le juge d'instruction près le tribunal de grande instance de Rouen et qu'il met à néant les conclusions de M. X, expert ; qu'il indique clairement que l'accident n'est pas dû à la rupture de l'attache J5, mettant ainsi hors de cause le centre national des ponts de secours, et que la cause directe de la chute est due à des initiatives prises le matin même du 9 août 1995 par Baudin Chateauneuf ; que les experts déterminent la cause directe de la chute qui est imputée à Baudin Chateauneuf ainsi que la cause initiatrice de l'accident due également à des initiatives de Baudin Chateauneuf ; que leur raisonnement est proche de M. Y, de la société Ingerop, mais qu'ils vont encore plus dans son sens, imputant plus encore la responsabilité à la charge exclusive de la société Baudin Chateauneuf ; que M. X s'est engouffré dans des hypothèses totalement fausses qui ont influencé le juge administratif ; que sa comparution personnelle n'a pas lieu d'être ; qu'au surplus, s'ajoute une difficulté concernant la personne même de M. X, dénotant une attitude incompatible avec les qualités que doit rassembler un expert ; qu'il est donc demandé à la Cour de bien vouloir exercer son droit de communication de ce dossier ; que le centre national des ponts de secours démontre de plus fort que le préjudice qu'il a subi s'élève à la somme de 1 648 423,50 francs ;
Vu le mémoire, enregistré le 13 septembre 2001, produit pour la société anonyme Baudin Chateauneuf ; elle conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire ; elle soutient, en outre, qu'elle n'entend pas s'opposer à la demande de communication du dossier pénal mais qu'il doit s'agir de son intégralité ; que les faits dénoncés en ce qui concerne la personne de M. X n'affectent en rien l'intégrité, l'indépendance et l'impartialité de cet expert ; qu'il n'y a là aucune cause de récusation ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 17 novembre 2003, présenté pour la société anonyme Baudin Chateauneuf, qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires et, en outre, à la capitalisation des intérêts dus sur la base de 454 958,66 euros ; elle soutient, en outre, que le rapport de l'expert judiciaire va dans le même sens que celui de l'expert commis par le juge administratif, s'agissant des causes de l'accident ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 21 novembre 2003, présenté pour l'Etat (Centre national des ponts de secours) qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires ; il soutient, en outre, qu'il résulte de la procédure judiciaire que l'accident est dû à l'imprudence de la société anonyme Baudin Chateauneuf ou de l'un de ses sous-traitants ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 25 novembre 2003, présenté pour la société anonyme Baudin Chateauneuf, qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires ; elle soutient, en outre, que l'expertise de MM. A et B, à laquelle se réfère le centre national des ponts de secours, a été écartée comme irrégulière par le juge judiciaire ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 26 novembre 2003, présenté pour l'Etat (Centre national des ponts de secours) qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens ;
Vu 2°) la requête, enregistrée le 18 décembre 2000 sous le n° 00DA 01414 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société anonyme Baudin Chateauneuf dont le siège social est 60, rue de la Brosse à Chateauneuf-sur-Loire (45110), en la personne de son président-directeur général, par Me Anne Raphaël-Leygues de Yturbe, avocat ; la société anonyme Baudin Chateauneuf demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 98-446 du 30 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Rouen n'a que partiellement fait droit à sa demande dirigée contre le centre national des ponts de secours ;
2°) de déclarer le centre national des ponts de secours entièrement responsable du sinistre en cause et de condamner l'Etat à lui payer la somme en principal de 6 493 432,50 francs hors taxes avec intérêts de droit à compter du 16 mars 1998 au 2 mars 2000 sur la somme totale et intérêts de droit du 27 octobre 2000 au jour du paiement sur 3 246 716 francs hors taxes ;
3°) de confirmer ledit jugement en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts au 29 mars 1999, condamné l'Etat à verser à la société Baudin Chateauneuf la somme de 342 343 francs au titre des frais d'expertise assortie des intérêts ;
4°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 200 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Elle soutient, après avoir rappelé les faits et la procédure, que s'agissant des responsabilités, il faut signaler un certain nombre d'inexactitudes de fait, d'approximations techniques ou d'incompréhensions contenus dans les pages 3, 4, 5 et 6 du jugement attaqué qui ont amené le tribunal à pratiquer un partage de responsabilité entre Baudin Chateauneuf et le centre national des ponts de secours alors que Baudin Chateauneuf n'a commis aucune faute ; que le tribunal a, en effet, repris à son compte des affirmations du centre national des ponts de secours dont le caractère erroné résulte du rapport d'expertise de M. X ; qu'il est démontré que les manoeuvres menées par la société Baudin Chateauneuf n'étaient ni intempestives ni improvisées ; qu'elles n'ont donc pu contribuer à déstabiliser la passerelle qui serait tombée de toute façon, une fois l'attache J5 rompue, en désolidarisant les caissons constituant le ponton, ponton sur lequel la passerelle était appuyée par l'intermédiaire des échafaudages ou palées, ne leur permettant plus d'assurer leur rôle d'écarteurs-supports ; que la société Baudin Chateauneuf , conformément aux conclusions de l'expert, est convaincue de n'avoir commis aucune faute lors des manoeuvres auxquelles elle a procédé avant le sinistre ; que ce sinistre est exclusivement dû au centre national des ponts de secours en raison de l'Etat de quasi ruine de son matériel consécutif au défaut de contrôle, d'entretien et de suivi ; que s'agissant de la responsabilité en droit, la société conteste fermement le raisonnement des premiers juges concluant à des fautes de sa part justifiant un partage de responsabilité ; qu'à plusieurs reprises, l'expert a affirmé que la chute de la passerelle n'était en aucun cas due ni à l'inadéquation des échafaudages ni aux manoeuvres entreprises ; que la société n'a donc commis aucune faute ; qu'en outre, les fautes alléguées ne peuvent être cause du sinistre puisque les manoeuvres d'abaissement de la passerelle n'avaient pas commencé lorsque le sinistre s'est produit ; qu'en conclusion, elle a démontré que les échafaudages ne sont pas cause du sinistre, qu'elle n'a réalisé aucune manoeuvre intempestive ou improvisée qui soit cause du sinistre ; que la seule manoeuvre vraiment reprochée par le centre national des ponts de secours n'a pas eu lieu ; que la responsabilité du sinistre incombe donc entièrement au centre national des ponts de secours ; qu'elle s'en rapporte sur l'analyse de son préjudice au rapport de M. X ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 juillet 2001, présenté pour l'Etat (centre national des ponts de secours), par la S.C.P. Leclerc et associés, avocats ; il conclut au rejet de la requête et à la réformation du jugement du tribunal administratif de Rouen du 30 juin 2000 en ce qu'il a partiellement fait droit à la requête de la société Baudin Chateauneuf et rejeté les conclusions reconventionnelles du centre national des ponts de secours, en conséquence, à la condamnation de la société Baudin Chateauneuf à verser à l'Etat la totalité des sommes mises à sa charge du chef du jugement en cause ainsi que le montant des préjudices subis par le centre national des ponts de secours à hauteur de 1 648 423,50 francs avec intérêts à compter du 27 avril 1998, à titre subsidiaire, à ce que la clause contractuelle figurant dans la convention liant la société Baudin Chateauneuf qui s'était engagée en connaissance de cause à dégager la responsabilité de l'Etat par suite d'une défaillance des matériels mis à sa disposition trouve à s'appliquer en l'espèce, à titre encore plus subsidiaire, à ce qu'il soit jugé que la société Baudin Chateauneuf ne démontre pas son préjudice ; il soutient que la requête de la société Baudin Chateauneuf est irrecevable pour non respect des dispositions de l'article L. 411-1 du code de justice administrative (droit de timbre) et, au fond, les mêmes arguments que ceux développés à l'appui de la requête enregistrée sous le n° 00DA01413 ;
Vu les mémoires complémentaires, enregistrés les 30 juillet 2001 et 26 avril 2002, présentés pour l'Etat (Centre national des ponts de secours) ; il conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire et, en outre, à ce que la Cour demande communication de l'expertise de M. Jean-Paul A et de M. B versée au dossier d'instruction, à ce que la société Baudin Chateauneuf soit condamnée à lui payer une somme complémentaire de 300 000 francs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce que lui soit accordé la capitalisation des intérêts dus sur les sommes perçues par la société Baudin Chateauneuf ; il soutient, en outre, que ledit mémoire a pour objet d'attirer expressément l'attention de la Cour sur le fait qu'un rapport vient d'être versé dans la procédure pénale pendant devant le juge d'instruction près le tribunal de grande instance de Rouen et qu'il met à néant les conclusions de M. X, expert ; qu'il indique clairement que l'accident n'est pas dû à la rupture de l'attache J5, mettant ainsi hors de cause le centre national des ponts de secours, et que la cause directe de la chute est due à des initiatives prises le matin même du 9 août 1995 par Baudin Chateauneuf ; que les experts déterminent la cause directe de la chute qui est imputée à Baudin Chateauneuf ainsi que la cause initiatrice de l'accident due également à des initiatives de Baudin Chateauneuf ; que leur raisonnement est proche de celui de M. Y, de la société Ingerop, mais vont encore plus dans son sens ; qu'il est donc demandé à la Cour de bien vouloir exercer son droit de communication de ce dossier ; que le centre national des ponts de secours démontre de plus fort que le préjudice qu'il a subi s'élève à la somme de 1 648 423,50 francs ; qu'au surplus, s'ajoute une difficulté concernant la personne même de M. X, dénotant une attitude incompatible avec les qualités que doit rassembler un expert ;
Vu les nouveaux mémoires, enregistrés les 19 avril 2002 et 17 novembre 2003, présenté par la société anonyme Baudin Chateauneuf, qui concluent aux mêmes fins que ses précédents mémoires et, en outre, à la capitalisation des intérêts dus sur la base de 454 958,66 euros ; elle soutient, en outre, que le rapport de l'expert judiciaire va dans le même sens que celui de l'expert commis par le juge administratif, s'agissant des causes de l'accident ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 21 novembre 2003, présenté pour l'Etat (Centre national des ponts de secours) qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires ; il soutient, en outre, qu'il résulte de la procédure judiciaire que l'accident est dû à l'imprudence de la société anonyme Baudin Chateauneuf ou de l'un de ses sous-traitants ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 25 novembre 2003, présenté pour la société anonyme Baudin Chateauneuf, qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires ; elle soutient, en outre, que l'expertise de MM. A et B, à laquelle se réfère le centre national des ponts de secours, a été écartée comme irrégulière par le juge judiciaire ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 26 novembre 2003, présenté pour l'Etat (Centre national des ponts de secours), qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens ;
Vu 3°), l'ordonnance en date du 31 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nantes a, en application du décret n° 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour le centre national des ponts de secours (C.N.P.S.) représentant l'Etat, ministre de l'équipement, des transports et du logement, direction des routes, 62, rue de la Gare, B.P. 8 à Verneuil l'Etang (77390), par la S.C.P. Leclerc et associés, avocats ;
Vu la requête, enregistrée le 4 juin 1999 sous le n° 99NT11085 au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes, par laquelle l'Etat (Centre national des ponts de secours) demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 98-467 en date du 4 février 1999 par laquelle le vice-président délégué par le président du tribunal administratif de Rouen l'a condamné à payer à la société Baudin Chateauneuf à titre provisionnel la somme de 6 493 432,50 francs et de surseoir à son exécution ;
2°) de rejeter la demande de provision de la société Baudin Chateauneuf ;
3°) subsidiairement, de confirmer l'article 2 de l'ordonnance attaquée ;
Il soutient qu'en application de l'article R. 129 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, l'octroi d'une provision est subordonné à l'existence d'une obligation non sérieusement contestable ; que tel n'est pas le cas ; qu'en effet, il n'y a pas de lien de causalité entre l'état des attaches des bacs Uniflotte fournis par le centre national des ponts de secours et le sinistre dont l'origine réside en réalité dans les opérations effectuées par Baudin Chateauneuf peu avant l'accident ; que l'expert s'est affranchi de l'étude du lien de causalité entre l'état des attaches et le dommage alors qu'il relève que la chute de la passerelle a été déclenchée par les opérations d'essai de vérinage sur pilettes ; que le rapport d'expertise révèle de multiples carences et un examen partiel et sélectif de l'objet de la mission ; que l'expert n'a pas disposé de tous les éléments ; que la passerelle avait été abaissée ; que les haubans avaient été démontés ; que les opérations de vérinage sur pilettes sont la vraie cause du sinistre ; que ce n'est pas la palée qui a perdu soudain la faculté de supporter sa quote-part, mais la pilette ; qu'aucune incompatibilité n'existe entre les bacs Uniflotte de diverses générations ; que le rapport MEXE utilisé par l'expert n'est pas un manuel d'utilisation et n'implique pas une épreuve périodique des caissons Uniflotte ; que le contrat entre le centre national des ponts de secours et la société Baudin Chateauneuf est un contrat de mise à disposition ; que Baudin Chateauneuf connaît bien les caissons Uniflotte et disposait de la documentation technique les concernant ; qu'elle a choisi le type de caisson et avait seule connaissance du marché avec le port autonome de Rouen ; qu'elle avait connaissance de la génération des caissons, a établi le calepinage de la constitution du ponton et confié le montage à la société Sarteco ; qu'elle s'est passée du conseil du centre national des ponts de secours prévu à la convention d'assistance ; que le centre national des ponts de secours n'est intervenu sur site qu'après démarrage de l'opération par Sarteco et a amené et installé la motorisation ; que Baudin Chateauneuf a mis en place avec Sarteco l'ensemble des dispositifs d'appui de la travée à prendre en charge, a fourni au centre national des ponts de secours des indications erronées quant au poids de la passerelle, a anticipé sur des opérations, a réduit la hauteur des échafaudages en soulevant le pont à l'aide de vérins ; que tout ceci a été ignoré par l'expertise ; que la clause d'exonération de responsabilité prévue au contrat entre Baudin Chateauneuf et l'Etat est opposable ; que le préjudice a été surestimé ; qu'ainsi les moyens sont sérieux ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 juin 1999, présenté pour la société Baudin Chateauneuf ; la société conclut au rejet de la demande de sursis à exécution, subsidiairement, à ce que l'exécution soit subordonnée à la production d'une caution bancaire de sa part pour garantir le remboursement de la provision en cas d'infirmation de l'ordonnance attaquée ou de rejet de la requête au fond ; elle soutient, en ce qui concerne la demande de sursis à exécution, qu'aucune des deux conditions cumulatives posées par l'article R. 134 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel pour l'octroi du sursis n'est remplie ; que l'ordonnance sera confirmée ; que le centre national des ponts de secours ne peut se substituer à l'expert ; que l'état des bacs Uniflotte est la cause du sinistre ; que l'expert n'a pas commis les manquements qui lui sont imputés notamment sur la situation exacte de la passerelle, sur le prétendu démontage des haubans, sur le test de vérinage ; que la cause du sinistre n'est pas celle imaginée par le centre national des ponts de secours ; que la société Baudin Chateauneuf n'a aucune responsabilité ; que le centre national des ponts de secours a commis une faute lourde qui rend inapplicable la clause d'exonération de responsabilité ; que le montant du préjudice est justifié ; que l'exécution de l'ordonnance n'est pas de nature à porter atteinte à la présomption d'innocence ; que l'expert n'a mis en cause nominativement aucun personnel du centre national des ponts de secours ; qu'une ordonnance de référé n'est qu'une décision provisoire ; que la situation de Baudin Chateauneuf est saine et son bilan équilibré en dépit d'un résultat d'exploitation négatif ; qu'avec 217 millions de francs de fonds propres, la société serait aisément à même de rembourser la provision ; qu'à titre infiniment subsidiaire, la société offre de produire une caution ;
Vu le dépôt de pièces pour l'Etat (Centre national des ponts de secours), enregistré le 28 juin 1999 ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 2 août 1999, présenté pour l'Etat (Centre national des ponts de secours) ; le centre conclut aux mêmes fins que sa requête ; il demande, en outre, à la Cour de se faire communiquer la procédure pénale ; il soutient que la société a sciemment caché à l'expert des éléments qu'elle reconnaît désormais ; qu'elle n'a tenu informé ni le juge administratif ni le centre national des ponts de secours de l'état des procédures engagées pour obtenir de ses assureurs les mêmes sommes que celles demandées au juge administratif ; que l'ordonnance qui évoque les erreurs graves du centre national des ponts de secours est une atteinte à la présomption d'innocence ; que la société en ne communiquant pas de données actualisées confirme implicitement qu'elle continuerait de dégager des pertes d'exploitation très importantes ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 9 septembre 1999, présenté pour la société Baudin Chateauneuf ; la société réitère ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et ajoute qu'elle n'a rien caché à l'expert ; qu'elle n'a rien reconnu de nouveau ; que les procédures pénales et commerciales sont étrangères au débat ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 décembre 1999, présenté pour l'Etat (Centre national des ponts de secours) ; il conclut aux mêmes fins que précédemment et, en outre, subsidiairement, à ce que l'exécution de l'ordonnance en cause soit assortie d'une caution bancaire ; il soutient, en outre, que le rapport établi par M. Philippe Y, ingénieur en chef au sein de la société Ingerop, met clairement en évidence la très lourde et exclusive responsabilité de la société Baudin Chateauneuf ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 mars 2000, présenté pour la société Baudin Chateauneuf ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment et, en outre, à la condamnation du centre national des ponts de secours à lui payer une somme de 50 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 mai 2000, présenté pour l'Etat (Centre national des ponts de secours) ; il conclut aux mêmes fins que précédemment ; il soutient, en outre, qu'il répond à trois prétendues erreurs invoquées dans le précédent mémoire de la société Baudin Chateauneuf ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 juin 2000, présenté pour la société Baudin Chateauneuf ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment et soutient, en outre, que le document versé aux débats par le centre national des ponts de secours doit être rejeté, n'ayant aucun caractère contradictoire ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 juillet 2000, présenté pour l'Etat (Centre national des ponts de secours) ; il conclut aux mêmes fins que précédemment et, en outre, à la condamnation de la société Baudin Chateauneuf à lui payer une somme de 50 000 francs au titre de l'article
L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 novembre 2000, présenté pour la société Baudin Chateauneuf ; elle conclut à ce que du fait du jugement du 30 juin 2000 rendu par le tribunal administratif de Rouen, l'appel interjeté par le centre national des ponts de secours contre l'ordonnance de référé est devenu sans objet ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 décembre 2000, présenté pour l'Etat (Centre national des ponts de secours) ; il conclut au maintien de sa demande et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit constaté que le nouveau mémoire en réponse de la société Baudin Chateauneuf vaut renonciation au bénéfice de l'ordonnance de référé du 4 février 1999 ;
Vu l'ordonnance n° 99DA11085, en date du 7 décembre 1999, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Douai rejette les conclusions du centre national des ponts de secours représentant l'Etat tendant au sursis à l'exécution de l'ordonnance du 4 février 1999 du vice-président délégué par le président du tribunal administratif de Rouen le condamnant à verser une provision à la société Baudin Chateauneuf ;
Vu l'arrêt n° 99DA20332, en date du 8 mars 2000, par lequel la deuxième chambre de la cour administrative d'appel de Douai condamne sous astreinte l'Etat (ministre de l'équipement, des transports et du logement) à exécuter l'ordonnance du 4 février 1999 du vice-président délégué par le président du tribunal administratif de Rouen condamnant le centre national des ponts de secours à verser une provision à la société Baudin Chateauneuf ;
Vu l'arrêt n° 99DA20332, en date du 11 juillet 2000, par lequel la deuxième chambre de la cour administrative d'appel de Douai constate qu'il n'y a pas lieu de liquider l'astreinte prononcée à l'encontre de l'Etat ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2003 où siégeaient M. Daël, président de la Cour, Mme De Segonzac, président de chambre, M. Berthoud, président-assesseur, Mme Brenne et M. Nowak, premiers conseillers :
- le rapport de M. Berthoud, président-assesseur,
- les observations de Me Weber, avocat, pour l'Etat (Centre national des ponts de secours) et de Me Raphaël Leygues de Yturbe, avocat, pour la société Baudin Chateauneuf,
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées de l'Etat (Centre national des ponts de secours) et de la société Baudin Chateauneuf sont relatives aux conséquences d'un même accident ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur les requêtes nos 00DA01413 et 00DA01414 :
Considérant que tant l'Etat (Centre national des ponts de secours) que la société Baudin Chateauneuf forment appel du jugement en date du 30 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Rouen a condamné l'Etat (Centre national des ponts de secours) à payer à la société Baudin Chateauneuf une indemnité de 3 246 716 francs représentant la moitié des conséquences dommageables de l'accident survenu le 9 août 1995 dans le port de Rouen du fait de l'effondrement d'une passerelle sur le ponton qui la supportait ;
En ce qui concerne la recevabilité de la requête n° 00DA01414 de la société Baudin Chateauneuf :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Baudin Chateauneuf s'est acquittée du droit de timbre dans les conditions prévues par les dispositions des articles 1089 B et 1090 A du code général des impôts conformément aux exigences de l'article L. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le centre national des ponts de secours, à la requête d'appel de la société Baudin Chateauneuf doit être écartée ;
En ce qui concerne l'expertise :
Considérant que l'Etat (Centre national des ponts de secours) persiste en appel à demander que soit écarté des débats le rapport de M. X, expert désigné par ordonnance de référé du président du tribunal administratif de Rouen du 6 février 1996 ; que, toutefois, il n'apporte pas plus qu'en première instance, d'élément permettant de fonder les critiques qu'il formule à l'encontre de l'expert tant dans la conduite des opérations que dans son comportement personnel ; qu'en particulier, la circonstance qu'il ait conclu en un sens opposé à la thèse développée par l'Etat (Centre national des ponts de secours) pour expliquer l'accident survenu le 9 août 1995 n'est pas, alors qu'il ressort du rapport et des documents joints que l'expert a procédé à l'étude des diverses hypothèses de déclenchement de la chute de la passerelle, révélatrice d'un manque d'impartialité ou d'une appréciation a priori de la responsabilité des parties ; que, dans ces conditions, sa demande ne peut être accueillie ;
En ce qui concerne la responsabilité :
Considérant que l'expert commis par le tribunal administratif, après avoir examiné les différentes hypothèses formulées par les parties sur l'origine de la chute de la passerelle, retient comme rendant compte de l'ensemble des faits observés, la perte de rigidité locale du ponton composite dans la zone tribord, en raison de l'ouverture anormale des attaches basses dans la rangée 2 et de la rupture brutale de l'attache supérieure J5, qu'il impute à la vétusté des paires d'attaches des bacs Uniflote sur lesquels reposait la passerelle et qui avaient été mis à la disposition de la société Baudin Chateauneuf par l'Etat (Centre national des ponts de secours) ; que l'Etat (Centre national des ponts de secours), qui ne conteste pas sérieusement les observations de l'expert relatives aux conditions défectueuses d'entretien, de surveillance et d'immobilisation de ce matériel, se borne à soutenir que l'accident résulterait essentiellement des manoeuvres inadéquates improvisées par le préposé de la société Baudin Chateauneuf et en particulier d'une opération de vérinage ayant immédiatement précédé la chute de la passerelle ;
Considérant cependant, en premier lieu, qu'il ne saurait être reproché à la société de ne pas s'être conformée au mode opératoire initialement envisagé, dès lors qu'il apparaissait nécessaire, pour adapter le positionnement du ponton, de procéder à un vérinage en vue de sortir du poste de départ à un moment où la navigation était possible, ainsi que le relève l'expert ; qu'en deuxième lieu, l'hypothèse selon laquelle la cause de l'accident résiderait aussi dans cette tentative de vérinage a été écartée par l'expert commis par les premiers juges comme incompatible avec les faits relatés ou observés et les données techniques ; qu'à cet égard, l'Etat (Centre national des ponts de secours) ne peut utilement se référer à un avis d'expert qu'il a produit au dossier, dès lors que ce rapport, au demeurant non contradictoire, se borne à affirmer, sans aucune justification sérieuse, que la rupture de l'attache J5 constitue vraisemblablement la conséquence et non la cause de la chute de la passerelle ; que l'Etat (Centre national des ponts de secours) ne saurait davantage se référer aux résultats d'une expertise ordonnée dans le cadre de la procédure pénale engagée contre la société anonyme Baudin Chateauneuf, qui a été annulée par la cour d'appel de Rouen le 17 octobre 2002, et qui, par ce motif, n'a pas été produite au dossier ; que, dans ces conditions, la chute de la passerelle est imputable exclusivement à l'état défectueux des bacs Uniflote mis à la disposition de la société Baudin Chateauneuf par l'Etat (Centre national des ponts de secours) ;
Considérant qu'il suit de là que l'Etat (Centre nationale des ponts de secours), qui ne saurait, en raison de la faute lourde ainsi commise vis à vis de son cocontractant, lui opposer l'article 6 de la convention du 28 juillet 1995 aux termes duquel le locataire s'engage expressément à dégager la responsabilité de l'Etat par suite d'un défaillance du matériel pour se dégager de sa responsabilité, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a admis sa responsabilité à raison des dommages résultant de l'accident dont s'agit ; que, pour les mêmes raisons, la société Baudin Chateauneuf est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif de Rouen a laissé à sa charge à raison des fautes commises par elle la moitié des conséquences dommageables de l'accident ;
En ce qui concerne le préjudice :
Considérant que la société Baudin Chateauneuf a fixé son préjudice à la somme de 6 493 432,50 francs hors taxes (989 917,40 euros) correspondant aux dépenses engagées par elle du fait de l'accident du 9 août 1995 telles qu'arrêtées par l'expert au vu de l'ensemble des justificatifs comptables correspondants ; que si l'Etat (Centre national des ponts de secours), qui, au demeurant, n'a formulé aucune réserve ou objection dans le cadre des opérations d'expertise, critique certaines de ces évaluations, cette contestation n'est assortie d'aucun élément précis permettant de remettre en cause l'appréciation susrappelée ; que, par suite, il y a lieu de porter à 6 493 432 50 francs (989 917,40 euros) la somme que l'Etat (Centre national des ponts de secours) a été condamné à payer à la société Baudin Chateauneuf et de réformer en ce sens le jugement attaqué du 30 juin 2000 ;
Considérant que, par suite, et en tout état de cause, les demandes de l'Etat (Centre national des ponts de secours) tendant à ce que la Cour condamne la société Baudin Chateauneuf à rembourser les sommes mises à sa charge par ledit jugement sont sans objet ;
En ce qui concerne les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que le jugement attaqué a assorti les sommes que l'Etat a été condamné à payer à la société Baudin Chateauneuf des intérêts au taux légal du 16 mars 1998 au 2 mars 2000 ; que ladite société a droit, conformément à ses conclusions présentées devant la Cour, à des intérêts complémentaires à compter du 27 octobre 2000 sur la somme de 3 246 716,25 francs hors taxes (494 958,70 euros) ;
Considérant que la capitalisation desdits intérêts a été demandée par la société anonyme Baudin Chateauneuf à la date du 17 novembre 2003 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
En ce qui concerne la demande de l'Etat (Centre national des ponts de secours) :
Considérant qu'aux termes de l'article 6, premier alinéa, de la convention du 28 juillet 1995 : le locataire s'engage à supporter tous les frais de réparation ou de remplacement des matériels du centre national des ponts de secours dégradés ou disparus à la suite d'incidents ou d'accidents dus à l'activité du locataire... ; que de ce qui a été dit ci-dessus, il résulte que les dégâts subis par le matériel mis à la disposition de la société Baudin Chateauneuf par l'Etat (Centre national des ponts de secours) ne peuvent être considérés comme étant le fait de ladite société ; que, par suite, et en tout état de cause, le centre national des ponts de secours n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, a été écartée sa demande tendant à ce que la société Baudin Chateauneuf soit condamnée à lui verser une somme de 1 648 423,50 francs (251 300,54 euros) correspondant au préjudice subi par lui du fait de la détérioration de son matériel ;
Sur la requête n° 99DA11085 :
Considérant que par le présent arrêt, rendu en dernier ressort, la Cour se prononce sur la demande au fond présentée par la société Baudin Chateauneuf et tendant à la condamnation de l'Etat (Centre national des ponts de secours) à l'indemniser des préjudices subis du fait de l'accident du 9 août 1995 ; que, dès lors, les conclusions de l'Etat (Centre national des ponts de secours) tendant à l'annulation de l'ordonnance du 4 février 1999 par laquelle le vice-président délégué par le président du tribunal administratif de Rouen l'a condamné à payer à la société Baudin Chateauneuf une provision de 6 493 432,50 francs (989 917,40 euros) sont devenues sans objet ; qu'il n'y a plus lieu de statuer ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Baudin Chateauneuf qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à l'Etat (Centre national des ponts de secours) la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat (Centre national des ponts de secours) à payer à la société Baudin Chateauneuf une somme de 7 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 99DA11085.
Article 2 : La somme de 494 958,70 euros que l'Etat (centre national des ponts de secours) a été condamné à verser à la société Baudin Chateauneuf par le jugement du tribunal administratif de Rouen du 30 juin 2000 est portée à la somme de 989 917,40 euros.
Article 3 : L'Etat (centre national des ponts de secours) versera à la société Baudin Chateauneuf les intérêts au taux légal sur une base de 454 958,70 euros à compter du 27 octobre 2000. Les intérêts échus au 17 novembre 2003 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 30 juin 2000 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'Etat (centre national des ponts de secours) versera à la société Baudin Chateauneuf une somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La requête n° 00DA01413 de l'Etat (Centre national des ponts de secours) et le surplus des conclusions de la requête n° 00DA01414 de la société Baudin Chateauneuf sont rejetés.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, à l'Etat (Centre national des ponts de secours) et à la société Baudin Chateauneuf.
Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 2 décembre 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 18 décembre 2003.
Le rapporteur
Signé : J. Berthoud
Le président de la Cour
Signé : S. Daël
Le greffier
Signé : P. Lequien
La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier
Philippe Lequien
18
N°00DA01413
N°00DA01414
N°99DA11085