AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Mme X..., associée de la société civile professionnelle Berlioz (la SCP) depuis le 1er janvier 1991, a, le 6 décembre 1993, notifié à cette SCP sa décision de se retirer ; qu'aucun accord n'ayant pu intervenir sur la valeur des parts, et, plus généralement sur les comptes entre les parties, un compromis d'arbitrage du 22 septembre 1994 a désigné M. Y..., expert-comptable, avec mission d'évaluer les parts à la date du 6 décembre 1993 en tenant compte du bilan arrêté au 31 décembre 1993, et, d'autre part, de donner tous renseignements au tribunal arbitral pour déterminer le compte-courant d'associée de Mme X... dans les livres de la SCP à la même date ; que, après dépôt du rapport de M. Y..., une sentence arbitrale a été rendue le 17 juillet 1997 ; que, sur appel de cette sentence, le premier arrêt attaqué a, infirmant celle-ci, statué à nouveau, écarté la détermination de la valeur des parts faite par M. Y..., et, avant dire droit sur les prétentions des parties, nommé M. Z... en qualité d'expert avec mission de se faire communiquer tous documents utiles, et de fournir à la cour tous les éléments lui permettant de fixer la valeur des parts de la SCP détenues par Mme X... ainsi que son compte courant; qu'à la suite du rapport de M. Z..., le second arrêt attaqué a condamné Mme X... à payer à la SCP la somme principale de 80 369,83 francs ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, qui est recevable :
Attendu que, invoquant une violation de l'article 1843-4 du Code civil, Mme X... fait grief au premier arrêt, du 5 mai 1998, d'avoir, sans annuler le rapport de M. Y..., écarté la détermination de la valeur des parts sociales de la SCP faite par cet expert, et, avant dire droit, commis M. Z..., alors selon le moyen :
1 / que M. Y... n'a commis aucune erreur grossière en établissant le bilan au 31 décembre 1993, qui ne l'avait pas été, avant de fixer la valeur des parts de la SCP ;
2 / que ne constitue pas non plus une erreur grossière le fait pour l'expert d'établir une comptabilité d'engagements seule susceptible de permettre d'établir le bilan à l'effet de répondre à sa mission ;
3 / et que la mission de l'expert ne comportait pas celle de statuer sur les point litigieux de la comptabilité de la SCP, de sorte qu'il n'a commis aucune erreur grossière en réservant au tribunal arbitral le soin de prendre position sur la possibilité de faire apparaître un emprunt au passif social ;
Mais attendu que la cour d'appel a pu retenir qu'en modifiant le sens de la mission qui lui était confiée, et en sortant du cadre juridique qui en était le fondement, l'expert avait commis une erreur grossière ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais, sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, qui est recevable comme étant né de la décision attaquée :
Vu l'article 1843-4 du Code civil ;
Attendu que, dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du Tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible ;
Attendu qu'en désignant elle-même un expert après avoir écarté la détermination de la valeur des parts sociales de la SCP faite par M. Y..., la cour d'appel a violé le texte d'ordre public susvisé ;
Et sur le troisième moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1843-4 du Code civil ;
Attendu qu'il appartient au seul expert désigné en application de cet article de déterminer la valeur des droits sociaux ;
D'où il suit qu'en procédant elle-même à cette évaluation, la cour d'appel a encore violé le même texte ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation est en mesure de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première et troisième branches du deuxième moyen, ni sur les autres branches du troisième moyen, ni sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE les deux arrêts rendus, entre les parties, par la cour d'appel de Paris les 5 mai 1998 et 23 octobre 2000, ce dernier sauf en ce qu'il a sursis à statuer sur les droits de Mme X... à l'égard de la créance de la SCP Berlioz sur la société UGGC jusqu'à ce que celle-ci soit définitivement fixée ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Et statuant à nouveau ;
Renvoie les parties à désigner un expert conformément aux statuts de la SCP aux fins d'évaluer les parts litigieuses et, à défaut, de saisir le président du tribunal de grande instance aux fins de désignation de cet expert ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille trois.