Vu le recours, enregistré le 30 mai 1988 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté au nom de l'Etat par le SECRETAIRE D'ETAT CHARGE DES VOIES NAVIGABLES ET DES TRANSPORTS ROUTIERS ;
Le secrétaire d'Etat demande au Conseil d'Etat :
1°/ d'annuler le jugement du 29 mars 1988 par lequel le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser à M. X... la somme de 205 614,96 F majorée des intérêts de droit calculés à compter de la date du jugement à raison des désordres affectant son immeuble suite à l'exécution de travaux publics et mis à la charge de l'Etat les frais d'expertise ;
2°/ de rejeter la demande de M. X... devant le tribunal administratif de Lille ;
3°/ subsidiairement, de condamner les entreprises Lesagne et Beugnet à garantir l'Etat des condamnations qui pourraient être mises à sa charge ;
Vu la décision en date du 24 janvier 1989, enregistrée le 26 janvier 1989 au greffe de la Cour, par laquelle le président de la 5ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, le recours présenté au nom de l'Etat par le SECRETAIRE D'ETAT CHARGE DES VOIES NAVIGABLES ET DES TRANSPORTS ROUTIERS ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 avril 1989, présenté pour M. X... ;
Monsieur X... demande à la Cour, par voie d'appel incident, de condamner l'Etat au paiement d'une somme complémentaire de 250 000 F ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 20 décembre 1989 par laquelle le Président de la Cour a ordonné une expertise sur requête de M. X... ;
Vu l'ordonnance du 4 février 1991 du Président de la Cour, taxant les frais de l'expertise précitée à la somme de 31 451 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 1992 :
- le rapport de M. VINCENT, Conseiller ,
- et les conclusions de M. PIETRI, Commissaire du Gouvernement désigné en application du 2ème alinéa de l'article 18 de la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986 ajouté par l'article 5 de la loi n° 90-511 du 25 juin 1990 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que les premiers juges ont estimé qu'il résultait de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que les désordres ayant affecté l'immeuble appartenant à M. X... sont entièrement imputables aux travaux de construction d'un ouvrage public réalisés pour le compte de l'Etat ; qu'en précisant ainsi, même succinctement, les éléments de fait sur lesquels il a fondé sa décision ainsi les raisons pour lesquelles il a considéré que les dommages dont il s'agit sont de nature à entraîner la responsabilité de l'Etat, le tribunal administratif a suffisamment motivé son jugement ;
Sur la responsabilité :
Considérant que le service des voies navigables a entrepris en 1976 la construction à Lille d'un pont sur la Deûle, desservi par une voie posée sur remblai surplombant d'environ 4,40 mètres l'entrée de l'immeuble d'habitation de M. X..., disposé à 9 mètres de la base du talus de raccordement de cette voie ; que dès 1978 des fissures sont apparues sur la façade, qui se sont aggravées depuis 1981 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est plus contesté par M. X... dans le dernier état de ses écritures que ces désordres ne sont pas imputables à la nature du sol d'assise du remblai routier ; qu'en revanche, il ressort du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif et de deux études techniques produites par M. X..., dont les conclusions sur ce point ne sont pas démenties par l'expert désigné par ordonnance du président de la Cour en date du 20 décembre 1989, que les travaux de compactage du remblai effectués à l'aide d'engins de chantier à proximité immédiate de la maison de l'intéressé ont contribué à l'apparition des dommages et ont pu concourir à leur aggravation ; que malgré les divergences d'appréciation entre les différents rapports techniques versés au dossier et notamment les contradictions entre, d'une part, le rapport de l'expert nommé par le président de la Cour et, d'autre part, ceux des trois autres experts ou techniciens ayant examiné les désordres subis par l'immeuble de M. X..., il résulte de l'ensemble des données techniques ainsi versées au dossier que ces désordres sont directement liés à l'exécution de l'ouvrage public ; que l'intéressé, qui a la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage, est fondé à rechercher la responsabilité de l'Etat pour le compte duquel il a été réalisé ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'ancienneté de l'immeuble et notamment de ses fondations soit également à l'origine des dommages ; qu'eu égard au caractère progressif de l'apparition des désordres, M. X..., qui a effectué toutes diligences utiles en vue d'obtenir la réparation de son préjudice lorsque ceux-ci se sont révélés dans toute leur ampleur, ne peut être regardé comme ayant contribué par son inaction à l'aggravation de leurs conséquences ; que par suite, il n'y a pas lieu en l'espèce de retenir des éléments d'atténuation de la responsabilité de l'Etat ;
Sur l'appel en garantie dirigé contre les entreprises Lesagne et Beugnet :
Considérant que le SECRETAIRE D'ETAT CHARGE DES VOIES NAVIGABLES ET DES TRANSPORTS ROUTIERS entend rechercher la garantie des entreprises Lesagne et Beugnet, lesquelles ont effectué les travaux de compression du remblai que comporte la réalisation des rampes d'accès au pont ; que ces conclusions sont présentées pour la première fois en appel ; que par suite, elles ne sont pas recevables ; Sur le préjudice :
Considérant, d'une part, que le SECRETAIRE D'ETAT CHARGE DES VOIES NAVIGABLES ET DES TRANSPORTS ROUTIERS ne conteste ni la réalité ni le montant du préjudice subi par M. X..., estimé par les premiers juges à une somme de 205 614,96 F ; qu'il n'est ainsi pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Considérant, d'autre part, que M. X... soutient que les travaux de renforcement du sol recommandés par l'expert désigné par le tribunal administratif se sont révélés insuffisants pour mettre un terme à la propagation des désordres ; que s'il est constant que les désordres se sont aggravés dans l'intervalle séparant ladite expertise de celle ordonnée par le président de la Cour, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux de réfection nécessités par ces dégradations excèdent ceux au titre desquels les premiers juges ont accordé l'indemnité susrappelée ; qu'ainsi M. X... n'est fondé par voie de recours incident ni à demander la condamnation de l'Etat au paiement d'une provision complémentaire de 250 000 F, ni à solliciter la nomination d'un nouvel expert afin de déterminer et évaluer les remèdes permettant de mettre fin aux désordres, cette même mission ayant été confiée, sur sa demande, à l'expert désigné par l'ordonnance susmentionnée ;
Sur les frais d'expertise exposés devant la Cour :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre ces frais, taxés à une somme de 31 451 F par ordonnance du président de la Cour en date du 4 février 1991, à la charge exclusive de l'Etat ;
Article 1 : Le recours du SECRETAIRE D'ETAT CHARGE DES VOIES NAVIGABLES ET DES TRANSPORTS ROUTIERS est rejeté.
Article 2 : Les frais d'expertise exposés en appel sont mis à la charge de l'Etat.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours incident de M. X... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT ET DES TRANSPORTS et à M. X....