VU, enregistrée le 30 août 1994 sous le n 94PA01275, la requête présentée pour la société anonyme ETABLISSEMENTS de la HOGUE et GUEZE, dont le siège social est ... de la Réunion, par Me X..., avocat ; la requérante demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, en date du 22 juin 1994, qui l'a déclarée conjointement et solidairement responsable des désordres qui ont affecté la piscine municipale du Moufia à Saint-Denis ;
2 ) de rejeter l'action de la commune dirigée contre elle ;
3 ) subsidiairement de limiter sa part des responsabilités ;
4 ) de condamner la commune à lui payer 10.000 F au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 5 novembre 1996 :
- le rapport de M. BROTONS, conseiller,
- les observations de la SCP LESOURD et BAUDIN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la commune de Saint-Denis de la Réunion,
- et les conclusions de M. SPITZ, commissaire du Gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces jointes au dossier que la commune de Saint-Denis de la Réunion avait utilement invoqué, en première instance, "la responsabilité contractuelle de tous les intervenants à la construction de l'ouvrage litigieux" ; que, dès lors, en retenant la responsabilité contractuelle des constructeurs pour les désordres affectant la piscine du Moufia, les premiers juges n'ont pas statué au-delà des conclusions dont ils étaient saisis ;
Au fond :
En ce qui concerne la responsabilité de la société anonyme ETABLISSEMENTS de la HOGUE et GUEZE :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des termes du rapport de l'expert commis par ordonnance de référé en date du 24 mai 1991, que les désordres constatés lors de la construction de la piscine du Moufia à Saint-Denis de la Réunion ont consisté en un décollement généralisé du carrelage du radier en totalité, des bajoyers nord et sud en totalité, du bajoyer ouest en partie et en des défauts d'étanchéité du grand bajoyer nord du côté des vestiaires ;
Considérant que ces dommages, qui ont fait l'objet de réserves lors de la réception prononcée avec effet du 7 décembre 1990, ont été causés par une mauvaise application du produit d'imperméabilisation "Sikatop" et par la présence d'antisol blanc sur les surfaces à enduire ; qu'en outre, l'expert a mis en évidence l'absence de joints de carrelage et de retrait ; que ces malfaçons sont la conséquence notamment d'une exécution fautive de ses obligations contractuelles, par la société anonyme ETABLISSEMENTS de la HOGUE et GUEZE à qui avait été confié le lot carrelage ; qu'elles sont, dès lors, de nature, en l'absence de réception définitive prononcée sans réserve pour les travaux concernés, à mettre en jeu la responsabilité contractuelle de cette société, quelle qu'ait été, par ailleurs, la date de prise de possession de l'ouvrage ;
Considérant que, pour dégager sa responsabilité vis-à-vis du maître de l'ouvrage, la société anonyme ETABLISSEMENTS de la HOGUE et GUEZE ne saurait se prévaloir de prétendues fautes de l'architecte, M. Y..., et de la société Socotec, contrôleur technique, qui n'ont commis aucun manquement dans l'exécution de leurs obligations contractuelles ; qu'étant seule titulaire du lot carrelage, elle ne peut se prévaloir utilement des fautes qui auraient été éventuellement commises par son sous-traitant, l'entreprise Techer ; que, ses fautes étant à l'origine de la totalité du dommage, elle ne saurait non plus se prévaloir utilement des fautes de la société Oulédy, alors même qu'elles ont également concouru à la réalisation des dommages ; qu'enfin aucune faute de nature à atténuer la responsabilité de la société requérante n'est établie à la charge de la commune de Saint-Denis de la Réunion, maître de l'ouvrage ;
En ce qui concerne l'évaluation du préjudice indemnisable :
Considérant, en premier lieu, que l'expert a évalué à 1.037.271,59 F le coût des travaux de réfection nécessaires ; que la société requérante n'établit pas que cette somme serait exagérée, ni qu'elle procurerait un enrichissement sans cause à la commune, maître de l'ouvrage ;
Considérant, en deuxième lieu, que les travaux de réfection en cause ont nécessité le concours d'un maître d'oeuvre pour un montant évalué par l'expert à 50.870,40 F; que la circonstance que la société anonyme ETABLISSEMENTS de la HOGUE et GUEZE n'ait pas été chargée de la maîtrise d'oeuvre des travaux d'origine ne faisait pas obstacle à ce que cette somme fût incluse dans le préjudice qu'elle a été condamnée à réparer ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les dommage relevés ont retardé l'ouverture au public de la piscine du Moufia pendant plus d'un an ; que la commune était donc fondée à demande la réparation des troubles de jouissance qu'elle a subis, imputables audit retard ; qu'en fixant à 10.000 F ce chef de préjudice, le tribunal administratif n'a pas fait une appréciation exagérée des faits de l'espèce ;
En ce qui concerne la solidarité :
Considérant que la société anonyme ETABLISSEMENTS de la HOGUE et GUEZE et l'entreprise Oulédy s'étaient engagées conjointement envers la commune de Saint-Denis de la Réunion, maître de l'ouvrage, par une lettre d'accord du 18 octobre 1988 ; qu'en tout état de cause, alors même qu'elles auraient été liées à la commune par des contrats distincts et indépendants l'un de l'autre, cette circonstance n'aurait pas fait obstacle à leur condamnation conjointe et solidaire à indemniser le maître de l'ouvrage, dès lors que leurs fautes respectives ont concouru à la réalisation de la totalité des dommages ; qu'ainsi c'est à bon droit qu'ayant été saisis par la commune de conclusions aux fins de condamnation solidaire, les premiers juges ont retenu la responsabilité solidaire des deux entreprises et n'ont pas prononcé de condamnations divises à l'encontre de chacune d'entre elles ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société anonyme ETABLISSEMENTS de la HOGUE et GUEZE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion l'a condamnée, conjointement et solidairement avec l'entreprise Oulédy, à verser à la commune de Saint-Denis une indemnité globale en principal de 1.098.141,99 F en réparation des différents chefs de préjudices retenus ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation de sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que la société anonyme ETABLISSEMENTS de la HOGUE et GUEZE succombe en la présente instance ; que sa demande tendant à ce que la commune de Saint-Denis soit condamnée à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés, non compris dans les dépens, ne peut qu'être rejetée ;
Considérant qu'il y a lieu, en revanche, de condamner la société anonyme ETABLISSEMENTS de la HOGUE et GUEZE à verser à la commune de Saint-Denis une somme de 6.000 F en application des disposions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Considérant, enfin, que la société anonyme ETABLISSEMENTS de la HOGUE et GUEZE n'a pas dirigé de conclusions contre la société Socotec ; qu'il n'y a pas lieu, dès lors, de la condamner à payer à cette dernière société la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la société anonyme ETABLISSEMENTS de la HOGUE et GUEZE est rejetée.
Article 2 : La société anonyme ETABLISSEMENTS de la HOGUE et GUEZE est condamnée à verser une somme de 6.000 F à la commune de Saint-Denis en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Les conclusions de la société Socotec tendant à la condamnation de la société anonyme ETABLISSEMENTS de la HOGUE et GUEZE sur le fondement de l'arti-cle L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.