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18/07/1989 | FRANCE | N°88-83333

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 juillet 1989, 88-83333


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le dix-huit juillet mil neuf cent quatre vingt neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BONNEAU, les observations de la société civile professionnelle BORE et XAVIER et de la société civile professionnelle COUTARD et MAYER, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général PRADAIN ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Tahar,
- LA SOCIETE ANONYME HOLLANDER,
civilement responsable,
- LA MUTUELLE GENERALE FRANCAISE ACCI

DENTS,
partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le dix-huit juillet mil neuf cent quatre vingt neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BONNEAU, les observations de la société civile professionnelle BORE et XAVIER et de la société civile professionnelle COUTARD et MAYER, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général PRADAIN ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Tahar,
- LA SOCIETE ANONYME HOLLANDER,
civilement responsable,
- LA MUTUELLE GENERALE FRANCAISE ACCIDENTS,
partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, 4ème chambre, en date du 26 avril 1988 qui a condamné Tahar X... à 3 mois d'emprisonnement avec sursis pour homicides et blessures involontaires ainsi qu'à deux amendes de 1 500 francs et 2 000 francs pour contraventions au Code de la route, a ordonné la suspension de son permis de conduire pour une durée d'un an et s'est prononcé sur les réparations civiles ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense ;
Attendu que les contraventions objet des poursuites sont amnistiées par application de l'article 1er de la loi du 20 juillet 1988 et que l'action publique est éteinte en ce qui les concerne ; que toutefois, l'amnistie ne préjudiciant pas aux droits des tiers, il convient d'examiner le pourvoi quant aux intérêts civils ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 319 du Code pénal, 1, 2 et 5 de l'arrêté du 2 janvier 1973, R. 43-6 du Code de la route et 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris ayant déclaré X... coupable des faits à lui reprochés ;
" aux motifs qu'il résulte de l'ensemble de (s) éléments, d'une part que X...... a freiné énergiquement après l'éclatement de son pneumatique, sans actionner ses feux de détresse pour signaler l'avarie et sans se ranger, fût-ce partiellement, sur la bande d'arrêt d'urgence ; en sorte que sa vitesse était nulle ou presque nulle au moment du choc et que sa manoeuvre était de nature à surprendre, au moins dans une certaine mesure, les usagers qui suivaient ; mais que Y... pour sa part, conduisait à plus de 100 km / h et que compte tenu d'une visibilité de plusieurs centaines de mètres, il aurait pu, s'il eût été suffisamment attentif, s'il eût commencé à freiner une seconde après avoir vu s'allumer les feux " stop " de l'ensemble routier, s'arrêter à près de 20 mètres de celui-ci et éviter le choc ; " qu'au surplus, il n'a jamais invoqué la présence sur la voie de gauche, d'un autre véhicule qui l'aurait empêché de déboiter, et qu'il avait donc aussi la possibilité de dépasser l'ensemble routier ;
" 1°) alors d'une part, qu'en vertu de l'article 5 de l'arrêté du 2 janvier 1973, les véhicules à moteur de poids total autorisé supérieur à 3 500 kg assurent leur présignalisation au moyen d'un triangle de présignalisation et n'ont donc aucune obligation d'être munis des " feux de détresse " qui sont utilisés par les véhicules à moteur d'un poids total inférieur à 3 500 kg, d'où il suit qu'en reprochant en l'espèce au conducteur de l'ensemble routier de ne pas avoir actionné ses " feux de détresse " au moment de l'accident, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
" 2°) alors d'autre part, et subsidiairement que l'utilisation des feux de détresse n'est imposée que dans l'hypothèse de l'arrêt ou du stationnement du véhicule sur la chaussée (art. 1er de l'arrêté du 2 janvier 1973), d'où il suit qu'en reprochant à X... de ne pas avoir actionné ses " feux de détresse " lors de l'éclatement de son pneumatique, à un moment où il se trouvait en état de marche et non pas à l'arrêt, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;
" 3°) alors ensuite, qu'il n'existe aucune obligation pour un conducteur de freiner dans les voies d'urgence ; que ce conducteur doit seulement s'efforcer de faire tout son possible pour immobiliser son véhicule dans ces voies ; qu'en reprochant en l'espèce à X... de ne pas s'être arrêté sur la bande d'arrêt d'urgence, sans avoir constaté au préalable que celui-ci avait la possibilité d'effectuer une telle manoeuvre, en l'état d'un véhicule déstabilisé par l'éclatement d'un pneumatique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles susvisés ;
" 4°) alors enfin, qu'il n'y a pas de responsabilité pénale lorsque les faits dommageables trouvent leur source dans un cas de force majeure ; qu'en l'espèce il ressortait des propres constatations de l'arrêt attaqué que Y... roulait à vive allure sans porter une attention suffisante à la conduite de son véhicule et qu'il aurait pu éviter le choc, soit en freinant suffisamment tôt, soit en effectuant le dépassement de l'ensemble routier victime de l'éclatement d'un pneumatique ; que cette attitude imprévisible et irrésistible pour X... constituait pour lui un cas de force majeure, cause unique de l'accident ; d'où il suit qu'en retenant X... dans les liens de la prévention, la cour d'appel s'est contredite " ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que Tahar X..., conduisant sur une autoroute un véhicule articulé, a freiné énergiquement à la suite de l'éclatement d'un pneumatique du tracteur, sans se ranger sur la bande d'arrêt d'urgence ; qu'un autocar qui le suivait, conduit par Georges Y..., est entré en collision avec la remorque ; que plusieurs occupants de l'autocar, parmi lesquels Emmanuel Z..., ont été tués ;
Attendu qu'abstraction faite de motifs surabondants voire erronés, pour retenir la responsabilité de Tahar X..., les juges ont, à bon droit, relevé contre lui la contravention à l'article R. 43-6 du Code de la route prescrivant à tout conducteur qui se trouve dans la nécessité absolue d'immobiliser son véhicule sur une autoroute de s'efforcer de le faire en dehors des voies réservées à la circulation ;
D'où il suit que le moyen, qui reproche vainement à la cour d'appel de n'avoir pas recherché s'il était possible à Tahar X... d'arrêter son véhicule sur la bande d'arrêt d'urgence, l'impossibilité de cette manoeuvre n'ayant pas été alléguée, et qui, en outre, invoque à tort les fautes commises par Georges Y... à titre de fait justificatif, ne peut être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 454-1 du Code de la sécurité sociale, 55 du Code pénal et 591 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X..., la société Hollander et la MGFA à indemniser l'intégralité du préjudice des victimes ;
" aux motifs qu'en ce qui concerne le préjudice résultant de la mort d'Emmanuel Z..., copréposé de Georges Y..., les demandes des ayants droit de cette victime sont irrecevables en ce qu'elles sont dirigées contre son copréposé prévenu, et contre son employeur, civilement responsable, et ce par application des articles L. 451-1 et L. 454-1 du Code de la sécurité sociale, l'accident s'étant produit pendant la durée du travail... " qu'en vertu du principe de la solidarité résultant des dispositions de l'article 55 du Code pénal, ces ayants droit peuvent réclamer la réparation de la totalité de leur préjudice à l'autre prévenu X..., en l'absence de lien de droit entre celui-ci et la victime ;
" alors qu'en cas de partage de responsabilité entre un tiers et l'employeur de la victime d'un accident du travail, le tiers ne peut être tenu que pour sa part de responsabilité ; qu'en l'espèce la cour d'appel a partagé par moitié la responsabilité de l'accident entre X... et Y..., copréposé de la victime, Z... ; qu'en déclarant X..., son civilement responsable et son assureur tenus pour le tout d'indemniser le préjudice de Z..., la cour d'appel a violé les articles susvisés " ;
Attendu que, pour condamner Tahar X..., la société Hollander et la MGFA à réparer l'entier préjudice subi par les ayants droit d'Emmanuel Z... du fait du décès de ce dernier, copréposé de Georges Y... et à l'égard de qui l'accident revêtait un caractère professionnel, la juridiction du second degré, après avoir déclaré chacun des deux conducteurs responsable de l'accident pour moitié, retient qu'en vertu du principe de solidarité énoncé par l'article 55 du Code pénal lesdits ayants droit peuvent réclamer leur indemnisation intégrale à Tahar X..., en l'absence de lien de droit entre celui-ci et la victime ;
Attendu qu'en statuant ainsi la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, la victime d'un accident du travail, en cas de partage de la responsabilité de cet accident entre l'employeur ou son préposé et un tiers étranger à l'entreprise, est en droit d'obtenir de ce tiers, dans les conditions du droit commun, la réparation de son entier dommage dans la mesure où celui-ci n'est pas indemnisé par les prestations de sécurité sociale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
DECLARE l'action publique ETEINTE en ce qui concerne les contraventions ;
REJETTE le pourvoi pour le surplus.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 88-83333
Date de la décision : 18/07/1989
Sens de l'arrêt : Action publique éteinte et rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le 2e moyen) ACTION PUBLIQUE - Préjudice - Réparation - Victime assuré social - Accident du travail - Partage de responsabilité - Action contre le tiers auteur - Réparation de son entier dommage.


Références :

Code de la sécurité sociale L454-1
Code pénal 55

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 26 avril 1988


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 18 jui. 1989, pourvoi n°88-83333


Composition du Tribunal
Président : M. Le GUNEHEC
Avocat général : Mme PRADAIN
Rapporteur ?: M. BONNEAU
Avocat(s) : société civile professionnelle BORE et XAVIER ; société civile professionnelle COUTARD et MAYER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1989:88.83333
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