Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué (Douai, 7 mars 1985) que la société Le Crédit Général Industriel (C.G.I.), au vu d'une facture pro-forma établie par la société Sologat, a accepté de financer l'acquisition d'une grue de bâtiment par la société Perrier, qu'un avis de livraison et une demande de règlement ont été adressés par la société Sologat au C.G.I., ainsi que la facture définitive, que le C.G.I. a alors envoyé à la société Sologat une lettre-chèque, du montant du crédit accordé, mentionnant les conditions expresses d'utilisation à défaut desquelles le chèque devait lui être renvoyé pour annulation, qu'au nombre de ces conditions figuraient l'acceptation de la connaissance de tout litige éventuel par les juridictions lilloises et l'indication de la partie du prix qui devait être payée comptant, que la société Sologat a encaissé le chèque sans qu'elle ait reçu la totalité de cette fraction, que, la société Perrier ayant été mise en règlement judiciaire sans avoir effectué le remboursement des mensualités à sa charge, le C.G.I. a assigné devant le tribunal de commerce de Lille la société Sologat en paiement de ce qui lui était dû en vertu du contrat de prêt, et que la défenderesse a soulevé l'incompétence territoriale de la juridiction saisie ;
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu que la société Sologat fait grief à la Cour d'appel d'avoir admis la validité de la clause attributive de compétence, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, s'agissant d'une clause insérée unilatéralement, en l'absence de toute négociation préalable entre les parties, dans une lettre-chèque adressée par un organisme de crédit au vendeur du matériel, les juges doivent s'assurer de l'acceptation expresse de cette clause par ce dernier ; que, dès lors, une telle acceptation ne pouvant se déduire du simple silence du bénéficiaire de la lettre-chèque, la Cour d'appel, en donnant effet à la clause dérogeant aux règles de compétence territoriale, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 48 du Nouveau Code de procédure civile, et alors, d'autre part, que pour reconnaître une valeur contractuelle aux stipulations contenues dans la lettre accompagnant le chèque adressée par un organisme de crédit au vendeur du matériel, il convient au préalable de s'assurer de la réalité de l'engagement du bénéficiaire ; que la seule présentation à l'encaissement du chèque ne peut valoir acceptation de conditions stipulées unilatéralement, aucune clause ne pouvant par ailleurs faire obstacle au paiement à vue du chèque ; qu'en l'absence de relations contractuelles préalablement établies entre les parties, l'engagement du vendeur ne peut résulter que d'une acceptation non dénuée d'équivoque ; qu'en déduisant cependant l'acceptation de la société S.O.L.O.G.A.T. de la seule présentation à l'encaissement du chèque, opération pleinement valable en soi, la Cour d'appel a, à tort, fait produire à celle-ci des effets juridiques erronés et n'a pas, par là-même, constaté la réalité de l'engagement de la société Sologat, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que, si l'émission d'un chèque réalise le dessaisissement irrévocable du tireur au profit du bénéficiaire, qui acquiert immédiatement la propriété de la provision et est tenu de présenter l'effet au paiement dans un délai de huit jours, et qu'il résulte de ces règles, qui ont un caractère d'ordre public, que le bénéficiaire d'un chèque remis par le tireur ne peut commettre de faute en s'y conformant, le tireur conserve le droit de demander le remboursement des sommes ainsi perçues lorsque le bénéficiaire a méconnu les obligations contractuelles qui étaient la contrepartie du paiement ; qu'en l'espèce, l'arrêt a fait ressortir que la société Sologat avait accepté les clauses stipulées de façon claire et lisible dans la lettre du C.G.I. en recevant, sans émettre aucune réserve, le paiement qui en était la contrepartie, et a ainsi, abstraction faite de tout autre motif surabondant, légalement justifié sa décision sur les chefs critiqués par le premier moyen et la première branche du second moyen, qui ne peuvent donc être accueillis ;
Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que la société Sologat reproche en outre à l'arrêt déféré de l'avoir condamnée à payer au C.G.I., à titre indemnitaire et sauf à être subrogée dans ses droits, la totalité de ce qui était dû à celui-ci par la société Perrier, alors, selon le pourvoi, que, d'une part, quand bien même l'engagement de la société Sologat serait établi, la Cour d'appel ne pouvait retenir la responsabilité de celle-ci à l'égard du C.G.I., faute d'avoir établi l'existence d'un lien de causalité entre le manquement reproché à la société Sologat et le préjudice subi par le C.G.I. à qui il incombait de s'assurer personnellement de la solvabilité de l'emprunteur et de prendre éventuellement des garanties nécessaires à cette fin ; qu'en s'abstenant d'une telle recherche, à laquelle elle était pourtant invitée par les conclusions des parties, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil et alors que, d'autre part, en raison du principe de l'effet relatif du contrat, une clause prévoyant une indemnisation forfaitaire en cas de manquement, par l'une des parties, à ses obligations contractuelles, ne peut nuire aux tiers ; qu'ainsi, en supposant sa faute établie, la société Sologat, en sa qualité de tiers au contrat conclu entre le C.G.I. et l'acheteur, ne pouvait être tenue de réparer que le préjudice réellement subi par le créancier et qu'il appartient au juge d'évaluer ; qu'en s'abstenant de le faire et en condamnant néanmoins la société Sologat au paiement de la peine convenue entre le C.G.I. et l'acheteur, la Cour d'appel a violé l'article 1165 du Code civil ;
Mais attendu qu'en énonçant que les intérêts de l'organisme de financement ont été lésés par la faute du vendeur, faute sans laquelle le C.G.I. n'aurait pas donné suite à son engagement, l'arrêt a fait ressortir la relation de cause à effet existant entre ce manquement et le dommage dont il a accordé réparation en fixant souverainement le montant de celle-ci, compte tenu des éléments soumis à son appréciation ; qu'en l'état de ces énonciations, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision sur les chefs critiqués ; que les deuxième et troisième branches du second moyen ne sont donc pas fondées ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi