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22/07/1986 | FRANCE | N°84-15177

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 juillet 1986, 84-15177


Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. Y..., qui avait acquis, le 30 janvier 1975, des parts de la société civile immobilière Gillon-République de M. X..., gérant de la S.C.I., s'est vu garantir par celui-ci, aux termes d'un acte sous seing privé du même jour, la répartition d'un bénéfice de 55.000 F sur son apport en capital et compte courant, sous la condition qu'il réalise le projet d'acquérir un appartement dans l'immeuble en construction pour le prix forfaitaire de 187.000 F, dont le paiement devait

s'effectuer par compensation avec les fonds provenant du rembourse...

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. Y..., qui avait acquis, le 30 janvier 1975, des parts de la société civile immobilière Gillon-République de M. X..., gérant de la S.C.I., s'est vu garantir par celui-ci, aux termes d'un acte sous seing privé du même jour, la répartition d'un bénéfice de 55.000 F sur son apport en capital et compte courant, sous la condition qu'il réalise le projet d'acquérir un appartement dans l'immeuble en construction pour le prix forfaitaire de 187.000 F, dont le paiement devait s'effectuer par compensation avec les fonds provenant du remboursement tant du compte courant que de l'apport en capital et du règlement des bénéfices, le surplus devant être acquitté au moyen de fonds propres ; que M. Le Goff, nommé administrateur judiciaire provisoire de la S.C.I. par ordonnance de référé du 18 novembre 1978, s'étant opposé à la régularisation par acte authentique de la cession en toute propriété de l'appartement, M. Y..., l'a assigné pour voir constater l'accord portant sur cette cession, ordonner la régularisation de l'acte d'acquisition et dire qu'au besoin le jugement vaudrait vente ; que la S.C.I., représentée par son administrateur judiciaire, a soutenu que la convention litigieuse était nulle comme garantissant à M. Y... un bénéfice et l'exonérant de toute contribution aux pertes ; qu'elle a demandé, à titre reconventionnel, l'expulsion de M. Y..., qui disposait déjà de l'appartement, et sa condamnation à des dommages-intérêts ;

Attendu que M. Y..., reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir estimé recevables les demandes de l'administrateur judiciaire, alors, selon le moyen, d'une part, que le moyen par lequel un défendeur, en réponse à une action tendant à l'exécution d'une convention, soulève la nullité de celle-ci, n'est pas une exception, comme l'a énoncé la Cour d'appel, mais une demande reconventionnelle, de sorte qu'en s'abstenant de rechercher si, au regard de son acte de nomination, M. Le Goff avait le pouvoir de présenter une telle demande, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 117 du nouveau Code de Procédure civile ; et alors, d'autre part, qu'en s'abstenant également de rechercher si M. Le Goff avait le pouvoir de présenter des demandes en expulsion et en dommages-intérêts, la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale ;

Mais attendu que la Cour d'appel, qui avait invité les parties à s'expliquer sur la recevabilité de la demande de M. Le Goff en sa qualité d'administrateur provisoire, énonce que celui-ci avait été chargé des pouvoirs les plus étendus pour gérer et administrer la S.C.I., que c'est, dès lors, à bon droit qu'elle en a déduit qu'il était de son devoir d'assurer la sauvegarde du patrimoine social et que, la S.C.I. ayant été assignée en exécution forcée de la convention litigieuse, il pouvait " user de tous moyens de droit tendant à cette fin " ; que par ces motifs la Cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ; d'où il suit qu'en aucune de ses branches le moyen n'est fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu qu'il est encore fait grief à la Cour d'appel d'avoir déclaré nulle la convention intervenue entre M. Y... et M. X..., alors, selon le moyen, d'une part, qu'en énonçant que la garantie d'un bénéfice de 55.000 F avait été donnée par M. X... " au nom de la société " quand elle l'était par lui " personnellement ", la Cour d'appel a dénaturé l'acte litigieux ; alors, d'autre part, que, s'il existait une incertitude sur la qualité en laquelle M. X... s'était engagé, il appartenait aux juges du fond de rechercher quelle avait été la commune intention des parties ; alors, de troisième part, qu'il ressortait de l'arrêt attaqué que M. Y... n'était dispensé des pertes et assuré d'un bénéfice qu'en cas d'acquisition d'un appartement de sorte qu'en estimant léonine la clause de garantie qui n'excluait pas tout risque de perte, la Cour d'appel a violé les articles 1855 ancien et 1844-1 nouveau du Code civil ; alors, enfin, qu'en estimant que la clause, prévoyant que M. Y... payerait par compensation avec son apport social et son bénéfice le prix de l'appartement qu'il envisageait d'acquérir, compromettrait l'indisponibilité des fonds versés à la société jusqu'à sa liquidation sans rechercher si cette compensation ne devait pas intervenir postérieurement à la liquidation de la société, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Mais attendu, d'abord, que la Cour d'appel, qui relève, par motifs adoptés des premiers juges, que M. X... a signé la convention litigieuse " en qualité de gérant de la société civile immobilière " et énonce souverainement que cette garantie a donc été donnée au nom de la S.C.I., n'a pas dénaturé cette convention ;

Attendu, ensuite, qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que la réalisation du projet d'acquisition d'un appartement constituait la condition de validité de l'engagement litigieux, c'est à bon droit que la Cour d'appel, saisie d'une demande de M. Y... tendant précisément à voir constater la cession immédiate de cet appartement, a estimé que les stipulations de la convention du 30 janvier 1975 étaient nulles comme exonérant M. Y... de toute participation aux pertes éventuelles, la compensation envisagée intervenant nécessairement avant la liquidation de la société ; d'où il suit qu'en aucune de ses quatre branches le moyen n'est fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il est enfin reproché à l'arrêt attaqué d'avoir statué ainsi qu'il a été dit, en retenant qu'était applicable en la cause l'article 1855 ancien du Code civil sous l'empire duquel la convention a été conclue et, surabondamment, que l'application de l'article 1844-1 du même code conduirait également à la nullité des conventions et que cette nullité ne serait-elle pas encourue, la convention devait être déclarée inopposable à la S.C.I. pour violation de l'article 18 de ses statuts ; alors, selon le moyen, d'une part, que la loi du 4 janvier 1978 abrogeant l'article 1855 ancien du Code civil et le remplaçant par l'article 1844-1 nouveau, qui prévoit que les " clauses léonines " sont réputées non écrites, est en vigueur -selon son article 4- depuis le 1er juillet 1980 pour toutes les sociétés constituées avant cette date, de sorte qu'en appliquant l'article 1855 ancien à un litige sur lequel les tribunaux ont statué postérieurement au 1er juillet 1980, la Cour d'appel a

violé l'article 4 de la loi précitée ; alors, d'autre part, qu'en étendant l'annulation de la seule " clause léonine ", prévue par l'article 1844-1 du Code civil, à l'ensemble de l'acte qui la renferme, la Cour d'appel a violé cet article ; et alors, enfin, qu'en appliquant à la convention l'article 18 des statuts de la S.C.I., qui n'exige l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires que pour la passation des contrats d'entreprise, des ordres de service et des contrats de vente, la Cour d'appel a dénaturé cet article ;

Mais attendu que s'agissant, en l'espèce, d'apprécier la validité au regard du droit des sociétés d'un contrat conclu le 30 janvier 1975 c'est à bon droit que la Cour d'appel, adoptant les motifs des premiers juges, qui avaient souverainement estimé que les stipulations litigieuses " constituent l'élément essentiel et même le seul objet de la convention ", a décidé que l'article 1855 ancien du Code civil était applicable et qu'était nulle ladite convention ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision, abstraction faite des motifs critiqués par les deuxième et troisième branches du moyen qui sont surabondants ; d'où il suit que le moyen n'est pas mieux fondé que les précédents ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 84-15177
Date de la décision : 22/07/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SOCIETE (règles générales) - Eléments - Participation aux bénéfices et aux pertes - Stipulation affranchissant un associé de toute contribution aux pertes - Stipulation inscrite dans une convention antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 4 janvier 1978 - Article 1855 ancien du Code civil - Application.

* SOCIETE (règles générales) - Eléments - Participation aux bénéfices et aux pertes - Stipulation affranchissant un associé de toute contribution aux pertes - Stipulation constituant l'élément essentiel de la convention - Appréciation souveraine.

* LOIS ET REGLEMENTS - Application - Société en général - Loi du 4 janvier 1978

S'agissant d'apprécier la validité, au regard du droit des sociétés, d'un contrat conclu le 30 janvier 1975, selon lequel un acquéreur de parts s'était vu garantir un bénéfice et exonérer de toute contribution aux pertes par le gérant de la société, c'est à bon droit que les juges du fond, qui ont souverainement estimé que les stipulations litigieuses constituaient l'élément essentiel de la convention, ont décidé que l'article 1855 ancien du Code civil était applicable et qu'était nulle ladite convention.


Références :

Code civil 1855 ancien

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 20 avril 1984


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 22 jui. 1986, pourvoi n°84-15177, Bull. civ. 1986 I N° 224 p. 213
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 I N° 224 p. 213

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Ponsard, Conseiller doyen faisant fonctions
Avocat général : Avocat général :M. Rocca
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Viennois
Avocat(s) : Avocats :la Société civile professionnelle Desaché et Gatineau et la Société civile professionnelle Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:84.15177
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