AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., client du Crédit industriel de l'Ouest (la banque) depuis 1985 et courtier en assurance depuis 1990, a obtenu, pour son financement professionnel, des concours successifs de la banque auxquels celle-ci a mis fin en juin 1995 ; que M. X... a été mis en redressement puis liquidation judiciaires en janvier et février 1997 ; que faisant valoir que la banque, par l'octroi de crédits abusifs, avait artificiellement concouru à l'aggravation du déficit de M. X... et maintenu une fausse apparence de solvabilité de nature à induire en erreur d'autres créanciers, Mme Y..., liquidateur judiciaire de M. X..., a assigné la banque en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour retenir la responsabilité de la banque, l'arrêt relève que dès 1991, lorsqu'elle a accordé les concours litigieux, elle avait connaissance des difficultés de l'entreprise, que le fonctionnement des comptes avait entraîné des agios de plus en plus importants, que les échéances de prêts n'ont plus été payées à partir de mars 1994 ; qu'il relève encore que la banque a cumulé les garanties, ce qui confirmait la connaissance par elle de la situation compromise de son client et qu'elle a enfin rompu ses crédits lorsqu'elle a pris conscience de la ruine de son client en juin 1995 ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à faire apparaître que la banque avait ou bien pratiqué une politique de crédit ruineux pour l'entreprise devant nécessairement provoquer une croissance continue et insurmontable de ses charges financières, ou bien apporté un soutien artificiel à une entreprise dont elle connaissait ou aurait dû connaître, si elle s'était informée, la situation irrémédiablement compromise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour condamner la banque à payer la totalité de l'insuffisance d'actif de son client, sans exclure du préjudice mis à sa charge les créances nées antérieurement à 1993, l'arrêt retient que la banque aurait dû cesser ses concours après 1993 au motif, à supposer la faute caractérisée, qu'elle avait soutenu artificiellement l'activité de M. X... et, en concourant à l'aggravation de son déficit, maintenu ainsi une fausse apparence de solvabilité de nature à induire en erreur d'autres créanciers ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'établissement de crédit qui a fautivement retardé l'ouverture de la procédure collective de son client n'est tenu de réparer que l'aggravation de l'insuffisance d'actif qu'il a ainsi contribué à créer, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 janvier 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne Mme Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande du Crédit industriel de l'Ouest et celle de Mme Y..., ès qualités ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille cinq.