AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis :
Vu l'article L. 142-6 du code rural ;
Attendu que tout propriétaire peut, par convention, mettre à la disposition d'une Société d'aménagement foncier et d'établissement rural, en vue de leur aménagement parcellaire ou de leur mise en valeur agricole, pour autant que cette dernière soit effectuée par des agriculteurs, conformément au but fixé par les articles L. 141-1 à L. 141-5, des immeubles ruraux libres de location ; que ces conventions sont dérogatoires aux dispositions de l'article L. 411-1 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 24 juin 2002), que Mme de X... a donné en location à M. Le Y..., par acte du 1er décembre 1996, divers bâtiments, puis par lettre du 12 janvier 1997, l'a autorisé à occuper un hangar agricole limitrophe des bâtiments loués ;
que par ailleurs, elle a mis à la disposition de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural d'Ile-de-France (la SAFER) des terres dont elle est propriétaire ; que la SAFER les a données pour trois ans en location à M. Le Y... ; que le 29 mai 1999, Mme de X... a donné congé à M. Le Y..., la SAFER informant de son côté celui-ci, par courrier du 7 septembre 1999 que la location des terres ne serait pas renouvelée ;
que M. Le Y... a assigné Mme de X... et la SAFER pour être reconnu titulaire d'un bail rural portant sur l'ensemble des bâtiments et des terres ;
Attendu que pour soumettre ces biens au statut du fermage, l'arrêt retient que l'examen des textes de loi ne fait pas apparaître que la SAFER et Mme de X... n'auraient pas respecté le but fixé par les articles L. 141-1 à L. 141-5 du Code rural et notamment celui défini par l'article L. 141, alinéa 2, puisque cette convention a permis à M. Le Y... de s'installer, mais que la fraude réside dans cette volonté exprimée d'ailleurs clairement par Mme de X..., de faire obstacle au statut du fermage en dissociant les bâtiments des terres et en recourant à une convention de mise à disposition avec l'aide de la SAFER qui cherchait de son côté à donner satisfaction à M. Le Y... ;
Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que la SAFER avait respecté l'un des buts qui lui sont assignés par la loi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 juin 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne M. Le Y... aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Le Y... à payer à Mme de X... la somme de 1 900 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Le Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille quatre.