Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 novembre 1985), le docteur X... a administré à M. Y..., pendant cinq semaines, des doses croissantes de lithium sans avoir commis de faute dans l'établissement du diagnostic de l'affection dont il souffrait ni dans le choix de la thérapeutique ainsi instituée pour soigner cette affection ; qu'en revanche, le traitement ayant gravement intoxiqué le malade, la cour d'appel a estimé que le préjudice subi par celui-ci était dû, à la fois, à une erreur du Laboratoire du Grand Vallat, chargé par le docteur X... de procéder à la mesure hebdomadaire du taux de lithiémie, et à l'imprudence du médecin, qui a continué à augmenter les doses en se fiant aux résultats erronés de ces mesures malgré l'apparition de signes cliniques d'intoxication dès la troisième semaine ; qu'elle a donc déclaré le laboratoire, son assureur et le docteur X... solidairement responsables ; .
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, du pourvoi principal du docteur X... :
Attendu que le docteur X... reproche d'abord aux juges du second degré de s'être abstenus de répondre à ses conclusions soutenant que l'aggravation des symptômes neurologiques n'était devenue significative que le jour où il a précisément décidé d'arrêter le traitement et de faire contrôler par un autre laboratoire les résultats obtenus par le Laboratoire du Grand Vallat ; qu'il prétend ensuite que la cour d'appel n'a pas caractérisé une faute de sa part, puisqu'en utilisant la mention alternative " la cinquième ou la sixième semaine ", elle n'a déterminé avec certitude ni la date à laquelle l'intoxication s'était médicalement révélée, ni celle à laquelle le traitement a été effectivement arrêté, et qu'en outre, loin d'impliquer l'existence d'une faute comme l'admet à tort l'arrêt attaqué, la constatation d'une discordance entre les résultats du laboratoire et l'état clinique du malade conduisait normalement le médecin à se fier à ces résultats jusqu'à la révélation certaine de l'intoxication ;
Mais attendu que l'arrêt attaqué n'impute pas seulement à faute au docteur X... de ne pas avoir prêté attention assez tôt à la discordance entre les résultats des analyses de contrôle et les signes d'intoxication ; qu'il retient également contre lui le fait d'avoir négligé l'autre discordance, devenue très vite évidente, qui s'est installée " entre l'importance croissante du lithium absorbé et la constance du lithium analysé par le laboratoire " ; qu'en l'état de cette double discordance, apparue selon l'arrêt attaqué, dès la troisième semaine et qui pouvait être de nature " à contrarier le diagnostic du médecin ", la cour d'appel a pu retenir qu'en poursuivant le traitement, le docteur X... avait commis un manquement à son obligation de moyen engageant sa responsabilité personnelle ; qu'en aucune de ses deux branches le moyen n'est donc fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident du Laboratoire du Grand Vallat :
Attendu que le Laboratoire du Grand Vallat fait grief à la cour d'appel d'avoir privé sa décision de base légale faute d'avoir expliqué en quoi la discordance entre la symptomatologie clinique et les résultats des analyses impliquait que ces résultats étaient erronés et en quoi l'absence d'analyse de contrôle permettait de caractériser une telle erreur, et faute enfin d'avoir établi que le délai de cinq jours s'étant écoulé entre la dernière analyse par lui faite et celle qui, confiée à un autre laboratoire, a fait apparaître un taux de lithium beaucoup plus élevé ne devait pas entrer en ligne de compte dans la recherche de ladite erreur ;
Mais attendu que l'arrêt attaqué constate que, les doses de lithium prescrites étant passées semaine après semaine de un à six comprimés, les taux de lithiémie tels que mesurés hebdomadairement par le Laboratoire du Grand Vallat sont restés pratiquement constants, le taux mesuré par ledit laboratoire juste avant la fin du traitement ne dépassant pas 0,48 meq-litre, tandis que, bien que mesuré cinq jours après l'arrêt du traitement, le taux révélé par l'analyse de contrôle enfin confiée à un autre laboratoire était en réalité de 3,8 meq-litre ; que la cour d'appel, qui a pu en déduire que les erreurs grossières de dosage ainsi commises par le Laboratoire du Grand Vallat revêtaient un caractère fautif, a légalement justifié sa décision et que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois