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10/01/1990 | FRANCE | N°87-10359

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 janvier 1990, 87-10359


Sur le premier moyen :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, le 28 juillet 1981, Richard X... a accidentellement provoqué l'incendie d'une pinède appartenant à un tiers ; que Richard X... étant mineur au moment de ces faits, le service départemental d'incendie des Bouches-du-Rhône a, par acte du 10 septembre 1982, assigné M. Maurice X..., père de l'intéressé, en remboursement des frais exposés pour lutter contre cet incendie ;

Attendu que M. Maurice X... fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 novembre 1986) d'avoir rejeté l'exception d

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Sur le premier moyen :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, le 28 juillet 1981, Richard X... a accidentellement provoqué l'incendie d'une pinède appartenant à un tiers ; que Richard X... étant mineur au moment de ces faits, le service départemental d'incendie des Bouches-du-Rhône a, par acte du 10 septembre 1982, assigné M. Maurice X..., père de l'intéressé, en remboursement des frais exposés pour lutter contre cet incendie ;

Attendu que M. Maurice X... fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 novembre 1986) d'avoir rejeté l'exception d'incompétence à l'appui de laquelle il faisait valoir qu'un tel litige ressortissait aux juridictions de l'ordre administratif alors, selon le moyen, que les réclamations pécuniaires contre une personne privée sont de la compétence du juge administratif dès lors que le litige est compris dans le contentieux général des actes et opérations de puissance publique et que la créance alléguée présente un caractère administratif, qu'en l'espèce la réclamation du service départemental d'incendie tendait à faire prendre en charge par M. Maurice X... le coût de fonctionnement du service public de lutte contre l'incendie ; que la créance invoquée revêtait donc un caractère administratif bien que l'intéressé fût une personne privée et que sa responsabilité fût recherchée sur le fondement de la faute qu'aurait commise son fils mineur, qu'en rejetant, néanmoins, l'exception d'incompétence, la cour d'appel aurait violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Mais attendu qu'en l'absence d'une disposition législative spéciale, il n'appartient pas à la juridiction administrative de statuer sur la responsabilité qu'une personne privée peut avoir encourue à l'égard d'un établissement public ;

Attendu que l'arrêt relève que la demande en remboursement de frais formée par le service départemental d'incendie des Bouches-du-Rhône à l'encontre de M. Maurice X..., est fondée sur les règles qui gouvernent la responsabilité civile délictuelle ;

Attendu qu'aucun texte n'attribue la connaissance d'un tel litige à la juridiction administrative ; que, dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel s'est déclarée compétente pour trancher celui-ci ; qu'il s'ensuit que le premier moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Vu les articles L. 131-2, L. 221-1, L. 221-2-7° du Code des communes, 1382 et suivants du Code civil et le décret n° 82-694 du 4 août 1982 ;

Attendu que pour condamner M. Maurice X... à payer au service départemental d'incendie des Bouches-du-Rhône une somme représentant le montant des frais exposés par ce service pour lutter contre l'incendie que Richard X... avait occasionné, l'arrêt retient que si ledit service assure une mission d'intérêt général et si les frais de fonctionnement qu'il expose pour l'exercice de cette mission sont effectivement pris en charge par les communes et le département, en revanche aucune disposition légale ou réglementaire ne lui interdit d'ester en justice pour préserver ses droits et en particulier pour réclamer à des tiers responsables les frais d'intervention occasionnés par leur fait volontaire ou par leur imprudence, qu'en effet le fait fautif d'un tiers peut entraîner pour ce service public des servitudes supplémentaires pouvant mettre en péril l'équilibre de son budget, que d'ailleurs le décret du 4 août 1982 prévoit en son article 6 que ses recettes comprennent les " remboursements " tandis que l'article 7 du même texte dispose que ses dépenses comprennent le " remboursement aux centres de secours de l'ensemble des dépenses occasionnées par leurs interventions ainsi que les remboursements éventuels à d'autres corps de sapeurs-pompiers ", qu'ainsi la gratuité du service public et le fait que les frais de fonctionnement soient supportés par les communes et le département ne font nullement obstacle à ce que le service départemental d'incendie intervienne pour réclamer paiement des dépenses en matériel et en personnel afférentes à une mission provoquée par le fait fautif d'un tiers, qu'en l'espèce la faute d'imprudence commise par le jeune Richard X... a nécessité l'intervention du service départemental d'incendie des Bouches-du-Rhône, lequel est donc fondé à réclamer à M. Maurice X..., civilement responsable de l'intéressé, le remboursement du coût de cette intervention ;

Attendu qu'en statuant comme ils ont fait alors que ladite intervention, qui a eu lieu avant l'entrée en vigueur du décret n° 82-694 du 4 août 1982, relevait de la mission de service public telle que définie par les articles L. 131-2, L. 221-1 et L. 221-2-7° du Code des communes et devait, dès lors, être assurée gratuitement par la collectivité, en sorte que les frais y afférents ne pouvaient, fût-ce sur le fondement des règles qui gouvernent la responsabilité civile délictuelle, être mis à la charge d'une personne privée, les juges du second degré ont violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Maurice X... à verser au service départemental d'incendie des Bouches-du-Rhône la somme de 17 066,88 francs, l'arrêt rendu le 3 novembre 1986, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 87-10359
Date de la décision : 10/01/1990
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° SEPARATION DES POUVOIRS - Etablissement public - Action en responsabilité - Dommages causés par une personne privée - Absence de dispositions législatives particulières - Compétence judiciaire.

1° En l'absence d'une disposition législative spéciale, il n'appartient pas à la juridiction administrative de statuer sur la responsabilité qu'une personne privée peut avoir encourue à l'égard d'un établissement public.

2° INCENDIE - Service public de lutte contre l'incendie - Intervention - Frais - Prise en charge - Personne privée responsable (non).

2° DEPARTEMENT - Service départemental d'incendie - Intervention - Frais - Prise en charge - Personne privée responsable (non).

2° La lutte contre l'incendie relève de la mission de service public telle que définie par les articles L. 131-2, L. 221-1 et L. 221-2-7° du Code des communes et doit, dès lors, être assurée gratuitement par la collectivité, en sorte que les frais y afférents, exposés par un service départemental d'incendie, ne peuvent, fût-ce sur le fondement des règles qui gouvernent la responsabilité civile délictuelle, être mis à la charge d'une personne privée.


Références :

Code des communes L131-2, L221-1, L221-2-7
Décret 82-694 du 04 août 1982

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 03 novembre 1986


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 jan. 1990, pourvoi n°87-10359, Bull. civ. 1990 I N° 12 p. 9
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1990 I N° 12 p. 9

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Jouhaud
Avocat général : Avocat général :M. Dontenwille
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Charruault
Avocat(s) : Avocats :la SCP Le Prado, la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, la SCP Nicolay.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:87.10359
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