AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze décembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, de la société civile professionnelle GHESTIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-en-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 14 janvier 2004, qui, pour malversation, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et 2 ans d'interdiction d'exercer la profession d'expert-comptable et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article L. 626-12 du Code de commerce, des articles 111-2, 111-4, 314-2 du Code pénal et de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a déclaré Pierre X... coupable du délit d'acquisition de biens du débiteur par un participant au redressement ou à la liquidation judiciaire ;
"aux motifs que "le tribunal a relaxé Pierre X... de ce chef en estimant que les personnes visées par l'article L. 626-12 du Code de commerce étaient nécessairement les professionnels concernés par la procédure ; que, toutefois, la Cour ne retiendra pas cette analyse ; qu'en effet, ce texte vise "toute autre personne ayant participé à un titre quelconque à la procédure" et prend soin d'exclure "les contrôleurs ou les représentants des salariés" ; qu'il en résulte que seuls ces derniers ne sont pas concernés par cette infraction ; que Pierre X..., expert-comptable de la société, a participé activement à la procédure ; que, dès lors, il entrait dans le champ d'application de ce texte ; qu'il en avait tellement conscience qu'il a pris soin de tenter de cacher le véritable acquéreur des actifs d'Inogyne, la société Biogyne dans laquelle il avait des intérêts familiaux ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'entrer en voie de condamnation de ce chef ;
"1 / alors que ne participent à la procédure collective au sens de l'article L. 626-12 du Code de commerce que les organes de celle-ci ainsi que les magistrats qui y ont rendu des décisions ; que, par définition, lorsqu'une cession intervient au cours de la procédure, elle est toujours réalisée au bénéfice d'un tiers qui est intervenu dans celle-ci, à tout le moins, pour présenter une offre de rachat ; qu'un tiers à la procédure collective ne saurait être pénalement incriminé au titre du délit de malversation sans rendre impossible toute cession et sans violer les textes susvisés ;
"2 / alors qu'en tout état de cause, en entrant en voie de condamnation à l'égard de Pierre X... au seul motif que celui-ci aurait "participé activement à la procédure" sans préciser la nature et les conditions de cette prétendue participation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision en violation des textes susvisés" ;
Vu l'article L. 626-12, II, du Code de commerce ;
Attendu qu'au sens de ce texte, participent à la procédure collective les organes de celle-ci et toutes personnes mandatées pour y intervenir, à l'exception des contrôleurs et des représentants des salariés ;
Attendu que, pour déclarer Pierre X... coupable de malversation, les juges énoncent, notamment, qu'il résulte de ce texte que les contrôleurs et représentants des salariés sont les seules personnes ayant participé à la procédure qui ne peuvent être poursuivies pour cette infraction et que le prévenu, expert-comptable de la société Inogyne en liquidation judiciaire, ayant participé activement à la procédure, entre dans le champ d'application de ce texte ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le prévenu, expert-comptable de la société en liquidation judiciaire, n'était ni un organe de la procédure ni une personne mandatée pour y intervenir, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe susénoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 14 janvier 2004 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme de la Lance conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Roger, Dulin, Mmes Thin, Desgrange, MM. Rognon, Chanut, Mme Nocquet conseillers de la chambre, M. Soulard, Mmes Salmeron, Degorce conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Finielz ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;