AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré, et les productions, que, par acte du 18 novembre 1991, la Banque française commerciale Antilles-Guyane (la banque) s'est portée caution solidaire de la société Sogec au profit de la société Semag à concurrence d'un certain montant ;
que MM. X... et Y... se sont portés cautions solidaires envers la banque des engagements de la société Sogec, par acte du 7 octobre 1991 ; que la société Sogec ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque s'est acquittée de ses engagements envers la société Semag puis s'est retournée contre MM. X... et Y... en leur demandant paiement de la somme qu'elle avait versée à la société Semag ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt de l'avoir condamné solidairement avec M. Y... à payer à la banque la somme de 255 681,59 francs avec intérêts au taux légal à compter du 28 mars 1996, alors, selon le moyen, qu'une offre de se porter caution sans limitation de temps faite au créancier qui n'a pas été acceptée n'a aucune valeur ; qu'en se déterminant par des motifs d'où il résulte que l'acte n'a pas été signé par le créancier, sans relever que la banque avait accepté l'offre de cautionnement faite par M. X..., la cour d'appel a privé de base légale sa décision au regard des articles 2014 et 2015 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la banque avait engagé une action en paiement contre M. X..., la cour d'appel, qui a fait ressortir l'acceptation par le créancier de l'engagement de la caution, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu que M. X... fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'en se contentant de viser la déclaration du créancier du 6 juin 1996 faite par la banque auprès du mandataire désigné à la procédure collective du débiteur pour condamner M. X... en sa qualité de caution à lui rembourser les sommes versées, sans constater que la créance avait été admise par les organes de la procédure collective, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 2037 du Code civil et 53 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu que si la décision du juge de la procédure collective rendue dans les rapports entre le créancier et le débiteur principal s'impose à la caution, il n'en demeure pas moins que le créancier peut poursuivre et obtenir la condamnation de la caution devant le juge du cautionnement avant toute déclaration de créance ou, si la déclaration a été faite, avant toute admission, en établissant l'existence et le montant de sa créance selon les règles du droit commun ; qu'ainsi, en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur la deuxième branche du moyen :
Vu les articles 2036 du Code civil et L. 621-46, alinéa 3, du Code de commerce ;
Attendu que pour condamner M. X..., l'arrêt retient que celui-ci n'a aucune qualité pour exiger de la banque une justification de la "production" de créance par la société Semag ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, sauf en cas d'admission de la créance de la caution au passif du débiteur principal, la sous-caution est fondée à contester, à l'égard de la caution, la réalité et le montant de la créance de celle-ci contre le débiteur principal, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 janvier 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France ;
Condamne la Banque française commerciale Antilles-Guyane aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Banque française commerciale Antilles-Guyane ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille deux.