Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme L... I..., Mme J... I..., Mme M... I... et Mme K... I... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision par laquelle le maire de la commune de Périssac a implicitement refusé d'annuler la concession trentenaire qu'il a accordée le 19 juin 2002 à M. et Mme C... sur la parcelle n° 230 du cimetière communal, ainsi que cette concession.
Par un jugement n° 1800987 du 23 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 23 décembre 2019, le 10 février 2021 et le 30 novembre 2021, Mme L... I..., Mme J... I..., Mme M... I... et Mme K... I..., représentées par Me Merlet-Bonnan, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 octobre 2019 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler la décision par laquelle le maire de la commune de Périssac a implicitement refusé d'annuler la concession trentenaire qu'il a accordée le 19 juin 2002 à M. et Mme C... sur la parcelle n° 230 du cimetière communal, ainsi que cette concession ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Périssac de procéder au retrait de la concession trentenaire accordée et de l'acte de concession du 19 juin 2002 ainsi qu'à une " régularisation " tenant compte de l'indivision perpétuelle existant sur la parcelle n° 230 entre elles et les ayants-droits de M. A... C... ;
4°) d'enjoindre au maire de la commune de Périssac de leur attribuer ainsi qu'aux ayants-droits de M. A... C... une concession sur la parcelle n° 230, conformément à l'indivision perpétuelle existante ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Périssac une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, elles peuvent obtenir l'annulation du contrat de concession du 19 juin 2002, et pas seulement des actes détachables de ce contrat, dès lors qu'il a été obtenu par fraude ;
- l'attribution de la concession aux époux C... méconnaît les dispositions de l'article L.2223-15 du code général des collectivités territoriales ;
- la concession a été obtenue par fraude par les époux C... qui ont dissimulé au maire l'existence d'une indivision familiale ;
- la concession n'ayant pas été abandonnée, la reprise de concession a été effectuée en méconnaissance des dispositions de l'article L.2223-17 du code général des collectivités territoriales.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 février 2020, Mme B... E... veuve C..., représentée par Me Doléac, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Périssac d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les appelantes n'est fondé.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 mars 2020, la commune de Périssac, représentée par Me Chudziak-Bioulou, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des appelantes d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les appelantes n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F... D...,
- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,
- et les observations de Me Lagarde se substituant à Me Merlet-Bonnan représentant les consorts I....
Considérant ce qui suit :
1. Le 19 juin 2002, une concession de terre dans le cimetière communal, portant le n° 230, a été accordée par le maire de Périssac à M. A... C... et Mme B... E... épouse C.... Estimant que l'acte du 19 juin 2002 réserve la propriété de la concession à la famille C... sans tenir compte des droits de la famille I... issus d'une indivision, Mme L... I... a demandé au maire, par une lettre en date du 13 décembre 2017, reçue le 20 décembre suivant, de procéder à l'annulation de cet acte. Le maire de la commune de Périssac a implicitement rejeté cette demande. Mme L... I..., Mme J... I..., Mme M... I... et Mme K... I... relèvent appel du jugement du 23 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande d'annulation de la décision implicite de rejet du maire et d'annulation de la concession.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d'une demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution du contrat. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini.
3. La décision n° 358994 du 4 avril 2014 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a jugé que le recours défini ci-dessus ne trouve à s'appliquer, selon les modalités précitées et quelle que soit la qualité dont se prévaut le tiers, qu'à l'encontre des contrats signés à compter de la lecture de cette même décision.
4. Il résulte des termes de la requête introductive d'instance présentée par Mmes I... devant le tribunal administratif de Bordeaux que leur demande tendait notamment à l'annulation du contrat de concession signé le 19 juin 2002. En application des principes ci-dessus rappelés, et alors même que sa signature serait frauduleuse, les conclusions tendant à l'annulation de ce contrat de concession étaient irrecevables ainsi que l'a à bon droit jugé le tribunal administratif.
Sur la légalité de la décision implicite de rejet du maire :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2223-13 du code général des collectivités territoriales : " Lorsque l'étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs. Les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux ". L'article L. 2223-14 du même code dispose que : " Les communes peuvent, sans toutefois être tenues d'instituer l'ensemble des catégories ci-après énumérées, accorder dans leurs cimetières :1° Des concessions temporaires pour quinze ans au plus ; 2° Des concessions trentenaires ; 3° Des concessions cinquantenaires ; 4° Des concessions perpétuelles. ". Selon l'article L.2223-15 de ce code : " Les concessions sont accordées moyennant le versement d'un capital dont le montant est fixé par le conseil municipal. / Les concessions temporaires, les concessions trentenaires et les concessions cinquantenaires sont renouvelables au prix du tarif en vigueur au moment du renouvellement. / A défaut du paiement de cette nouvelle redevance, le terrain concédé fait retour à la commune. Il ne peut cependant être repris par elle que deux années révolues après l'expiration de la période pour laquelle le terrain a été concédé. / Dans l'intervalle de ces deux années, les concessionnaires ou leurs ayants cause peuvent user de leur droit de renouvellement ".
6. Il est constant que la concession n° 230 située dans le cimetière communal de Périssac, dont la durée n'est pas établie par les pièces du dossier, a été acquise en 1919 par M. et Mme H... qui n'ont pas eu de descendants. Ni la circonstance que plusieurs membres de la famille C... y ont été inhumés ni, à le supposer établi, l'existence d'un lien de parenté entre les familles H... et C... ne suffit à conférer à M. G... C... et Mme N... C... la qualité d'héritiers des époux H.... Par ailleurs, ainsi que l'a à juste titre relevé le tribunal, aucune des mentions de l'acte de vente conclu le 28 mai 1949 entre, d'une part, M. et Mme H... et, d'autre part, M. G... C... et Mme N... C... ne permet de considérer que les premiers ont cédé aux seconds leurs droits sur cette concession. Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, l'existence d'une telle cession ne ressort pas davantage de l'acte notarié du 21 décembre 1936, produit devant la cour, qui indique seulement, sans faire mention d'une quelconque concession funéraire, que l'ensemble des biens meubles et immeubles des époux H... y étant listés ont fait l'objet d'une donation à M. G... C... et Mme N... C.... Dans ces conditions, et eu égard notamment au fait qu'une concession funéraire ne peut être acquise tacitement, il ressort clairement de ces circonstances que la concession n° 230 n'a pu entrer dans le patrimoine de M. G... C... et de Mme N... C..., grands-parents des appelantes.
7. Il suit de là que le moyen tiré de ce que l'acte de concession conclu en 2002 par M. A... C... et Mme B... C... a été pris en méconnaissance des dispositions citées au point 5, dont il résulte que la concession doit rester indivise entre les héritiers, ne peut qu'être écarté.
8. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, ni Mmes I... ni M. A... C... et Mme B... C... n'ont pu avoir la qualité de co-indivisaires de la concession n° 230. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'acte de concession a été obtenu par fraude par M. A... C... et Mme B... C... qui auraient dissimulé au maire de Périssac les droits indivis de Mmes I... ne peut qu'être écarté.
9. En troisième lieu, il résulte des dispositions des 3ème et 4ème alinéas de l'article L.2223-15 citées au point 5 qu'après l'expiration d'une concession, et si les concessionnaires ou leurs ayants-droits n'ont pas usé de leur droit à renouvellement dans les deux ans suivant son expiration, le terrain objet de cette concession funéraire, qui appartient au domaine public de la commune, fait retour à cette dernière. Par ailleurs, les monuments et emblèmes funéraires qui ont pu être édifiés ou apposés sur le terrain par les titulaires de cette concession, et qui n'ont pas été repris par ces derniers, sont intégrés au domaine privé de la commune à l'expiration de ce délai de deux ans. Enfin, il appartient au maire de rechercher par tout moyen utile d'informer les titulaires d'une concession ou leurs ayants-droits de l'extinction de la concession et de leur droit à en demander le renouvellement dans les deux ans qui suivent.
10. Ainsi que l'a pertinemment jugé le tribunal, il ressort des pièces du dossier que le maire de Périssac a procédé à la reprise de la concession funéraire n° 230 en application de l'article L 2223-15 du code général des collectivités territoriales et non en raison de son état d'abandon sur le fondement des dispositions de l'article L 2223-17 du même code. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette reprise aurait été effectuée en méconnaissance des exigences de ce dernier article est inopérant.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme L... I..., Mme J... I..., Mme M... I... et Mme K... I... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes d'annulation. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Ces dispositions font par ailleurs obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Périssac, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée, au même titre, par Mme E... veuve C.... Il y a lieu, en revanche, au titre de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de Mme L... I..., Mme J... I..., Mme M... I... et Mme K... I... la somme à verser ensemble de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Périssac et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par Mme L... I..., Mme J... I..., Mme M... I... et Mme K... I... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B... E... veuve C... au titre des dispositions de 1'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Mme L... I..., Mme J... I..., Mme M... I... et Mme K... I... verseront ensemble à la commune de Périssac la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme L... I..., Mme J... I..., Mme M... I... et Mme K... I..., à la commune de Périssac et à Mme B... E... veuve C....
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
Mme Sylvie Cherrier, première conseillère,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2021.
L'assesseure la plus ancienne
dans l'ordre du tableau,
Sylvie Cherrier
La présidente-rapporteure,
Karine D...
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX04989