La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2023 | FRANCE | N°21VE02500

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 30 juin 2023, 21VE02500


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 6 décembre 2018 par laquelle le maire de la commune de Montrouge a décidé d'exercer son droit de préemption sur une maison individuelle implantée sur une parcelle cadastrée A 33, située 29 rue Maurice Arnoux à Montrouge, et de mettre à la charge de cette commune une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901424 du 28 jui

n 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du mair...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 6 décembre 2018 par laquelle le maire de la commune de Montrouge a décidé d'exercer son droit de préemption sur une maison individuelle implantée sur une parcelle cadastrée A 33, située 29 rue Maurice Arnoux à Montrouge, et de mettre à la charge de cette commune une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901424 du 28 juin 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du maire de la commune de Montrouge du 6 décembre 2018, a mis à la charge de cette commune une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions présentées par la commune sur ce fondement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 août 2021, la commune de Montrouge, représentée par Me Lonqueue, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par M. A... et Mme D... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

3°) de mettre à la charge de M. A... et de Mme D... une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Montrouge soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que la minute du jugement n'est pas signée ;

- il est entaché d'une contradiction de motifs, dès lors que les premiers juges ont estimé qu'il n'y avait pas d'antériorité du projet tout en reconnaissant que la commune de Montrouge justifiait d'un projet préexistant de requalification d'un équipement public ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en imposant à la commune qu'elle démontre être dans l'impossibilité de ne pas pouvoir réaliser son projet sans préempter la parcelle en litige ;

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en jugeant que la commune de Montrouge ne justifiait pas de la réalité et de l'antériorité de de son projet ;

- elle justifie d'un projet d'aménagement répondant aux objets énumérés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

- au titre de l'évocation ou de l'effet dévolutif, les autres moyens de la demande de première instance doivent être écartés ;

- la décision attaquée n'est pas entachée d'incompétence ;

- elle n'est pas insuffisamment motivée ;

- elle ne méconnaît pas l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle a été régulièrement notifiée à l'acquéreur évincé ;

- elle a été régulièrement transmise au contrôle de légalité ;

- la déclaration d'intention d'aliéner n'est pas irrégulière ;

- le projet poursuivi par la commune répond aux exigences de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

- le projet poursuivi est réel et d'intérêt général ;

- les demandeurs de première instance ne sont pas recevables à exciper de l'illégalité des délibérations du 30 juin 2010 et du 29 septembre 2010 instituant le droit de préemption renforcé sur le territoire de la commune de Montrouge ;

- les moyens tirés de l'illégalité de ces délibérations ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2022, M. A... et Mme D..., représentés par Me Poilvet, avocate, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Montrouge une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... et Mme D... soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 janvier 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Houllier,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Ortega, substituant Me Lonqueue, pour la commune de Montrouge, et de Me Poilvet pour M. A... et Mme D....

Une note en délibéré a été présentée le 16 juin 2023 pour la commune de Montrouge.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... et Mme D... ont conclu, le 17 septembre 2018, une promesse de vente en vue de l'acquisition d'un pavillon d'habitation sur une parcelle cadastrée A 33, située 29 rue Maurice Arnoux à Montrouge. Une déclaration d'intention d'aliéner a été reçue à la mairie de Montrouge le 20 septembre 2018. Par une décision du 6 décembre 2018, le maire de cette commune a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur cette parcelle. La commune de Montrouge demande à la cour d'annuler le jugement n° 1901424 du 28 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision du 6 décembre 2018.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

3. Il ressort de la minute du jugement attaqué que celui-ci a été signé par la présidente de la formation de jugement, la rapporteure et le greffier d'audience conformément aux exigences de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré du défaut de signature du jugement manque en fait.

4. En second lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La requérante ne peut donc utilement se prévaloir de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

5. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'une opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

7. Pour annuler la décision attaquée, les premiers juges ont estimé qu'elle méconnaissait l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme dès lors que la commune ne justifiait pas de la réalité du projet d'aménagement envisagé sur la parcelle cadastrée A 33, objet de la décision de préempter.

8. D'une part, il ressort des pièces du dossier, notamment de deux études de faisabilité réalisées en septembre 2017 et en mai 2018, que la commune de Montrouge a engagé un cabinet d'architecte afin d'examiner la faisabilité d'un projet de création d'une salle de spectacle et de logements sociaux sur les parcelles cadastrées A 34 et A 35, respectivement situées 27 et 25 rue Maurice Arnoux. S'il ressort d'un avant-projet du 21 juillet 2017 que la commune avait alors envisagé étendre le périmètre de la réflexion à certaines parcelles adjacentes, notamment la parcelle litigieuse cadastrée A 33, il ressort des deux études de faisabilité postérieures que cette option n'a pas été retenue dès lors que la parcelle cadastrée A 33 n'y est jamais mentionnée. Cette parcelle ne saurait donc être regardée comme ayant été incluse dans le périmètre du projet d'aménagement, alors que les études de faisabilité ne font aucunement état de possibilités d'extension du périmètre à cette parcelle. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé, sans se contredire, que si la commune disposait d'un projet d'aménagement réel, ce dernier n'intégrait pas, dans son périmètre, la parcelle litigieuse A 33 et que, dès lors, la décision attaquée méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme.

9. En vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'une décision d'urbanisme en retenant un ou plusieurs moyens, de se prononcer expressément sur le bien-fondé des différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui, afin d'apprécier si ce moyen ou l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance.

10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Montrouge n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à la demande de M. A... et de Mme D....

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A... et de Mme D..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Montrouge demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Montrouge une somme de 1 500 euros à verser à M. A... et à Mme D... sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Montrouge est rejetée.

Article 2 : La commune de Montrouge versera à M. A... et à Mme D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montrouge, à M. B... A... et à Mme C... D....

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

M. Lerooy, premier conseiller,

Mme Houllier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2023.

La rapporteure,

S. HOULLIER

Le président,

B. EVEN

La greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE02500


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02500
Date de la décision : 30/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Préemption et réserves foncières. - Droits de préemption. - Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Sarah HOULLIER
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : SELARL GUILLOTIN LE BASTARD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-06-30;21ve02500 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award