LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que les 22 mars et 15 avril 2005, la SCI du [...] (la SCI) a consenti à la société Giraudy Viacom Outdoor un contrat de location d'un emplacement publicitaire d'une durée de six ans, pour un loyer annuel de 1 600 euros ; que les 12 septembre et 10 octobre 2011, la SCI et la société CBS Outdoor (la société CBS), venant aux droits de la société Giraudy Viacom Outdoor, ont conclu un nouveau contrat de location portant sur le même emplacement, pour une durée de six ans à compter du 14 avril 2012, moyennant un loyer annuel de 2 000 euros ; que par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 3 octobre 2012, la SCI a demandé à la société CBS le démontage des panneaux publicitaires implantés sur sa propriété, en se référant au contrat conclu en 2005, considérant que celui-ci était résilié depuis le 22 mars 2012 par l'effet d'une dénonciation effectuée selon une lettre antérieure de décembre 2011 ; que le 10 mars 2013, la SCI a consenti à la société Cotilas un contrat de location portant sur le même emplacement publicitaire ; que le 11 septembre 2013, la société CBS, devenue la société Exterion media (la société Exterion), a assigné la SCI afin de la voir condamner à remettre l'emplacement en l'état, sous astreinte, et à lui payer une indemnité contractuelle au titre de sa privation de jouissance ; que la SCI a notamment opposé la nullité du contrat conclu en 2011 au regard des dispositions de l'article L. 581-25 du code de l'environnement ;
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article L. 581-25 du code de l'environnement ;
Attendu que, pour dire que le contrat conclu en 2011 ne pouvait valoir que pour une année et qu'il avait été valablement résilié par la SCI à la date du 15 avril 2013, l'arrêt retient, d'abord, qu'il n'est pas allégué que le contrat de 2005 ait fait l'objet d'une dénonciation par l'une ou l'autre des parties lorsqu'a été conclu le contrat de 2011, de sorte que, lorsqu'a été conclu ce dernier contrat, le premier était toujours en cours comme ayant été renouvelé pour un an, par tacite reconduction, à l'échéance des six années initiales, la première reconduction tacite devant être fixée du 16 avril 2011 pour se terminer le 15 avril 2012 ; qu'énonçant, ensuite, qu'il résulte de l'article L. 581-25 du code de l'environnement, qui est d'ordre public, que le contrat de louage d'emplacement publicitaire ne peut être conclu pour une durée supérieure à six ans à compter de sa signature et que la stipulation d'une durée plus longue est soumise à réduction, l'arrêt en déduit qu'en l'absence de résiliation du contrat de 2005, toujours en cours, le second contrat de 2011, qui a pris effet le 15 avril 2012, ne pouvait avoir une autre échéance que celle du 15 avril 2013 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le texte susvisé n'interdit pas aux mêmes parties, à l'expiration d'un premier contrat de location d'affichage publicitaire, de conclure un nouveau contrat portant sur le même emplacement publicitaire, dès lors que ce contrat respecte, notamment en sa durée, les règles d'ordre public qu'il pose, la cour d'appel, qui a relevé que le contrat conclu en 2011, à effet au 15 avril 2012, se substituait à tout contrat antérieurement conclu entre les parties, de sorte que le contrat de 2005 n'était plus en cours à cette date, a violé ce texte ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation intervenue sur le premier moyen, relatif à l'échéance du contrat de 2011, entraîne, par voie de conséquence, celle du chef de l'arrêt condamnant la SCI au paiement de la somme de 6 411 euros, correspondant à une indemnité contractuelle calculée sur la période comprise entre le 22 mars 2012 et le 15 avril 2013, date de résiliation du contrat de 2011 retenue par l'arrêt ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande de dommages-intérêts formée par la société Exterion media contre la société Cotilas et rejette la demande de dommages-intérêts formée par la société Cotilas contre la société Exterion media, l'arrêt rendu le 19 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la SCI du [...] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande, ainsi que celle de la société Cotilas, et condamne la SCI du [...] à payer à la société Exterion media la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Exterion media
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que le contrat conclu les 12 septembre et 10 octobre 2011 entre la société CBS Outdoor et la société du [...] ne pouvait valoir que pour une année et qu'il avait été valablement résilié par cette dernière à la date du 15 avril 2013,
AUX MOTIFS QU' « est en litige le point de savoir si le contrat régularisé les 15 septembre et 10 octobre 2011 entre la société CBS Outdoor et la SCI du [...] est atteint de nullité par application des dispositions des articles L. 525-81 du code de l'environnement et 1134 du code civil. En 1994, un contrat de location d'emplacement publicitaire a été conclu avec le propriétaire de l'immeuble sis [...] . Par actes sous seings privés datés respectivement des 14 septembre 2004 et 11 octobre 2004 (exemplaire produit par la SCI) et les 22 mars 2005 et 15 avril 2005 (exemplaire produit par la société Exterion Média), il a été conclu pour le même immeuble un contrat de location d'emplacement (personnes physiques pour le premier et personnes morales pour le second) entre la société Giraudy Viacom Outdoor et une personne physique non identifiée pour le premier (contrat illisible) et une personne morale non identifiée pour le second (contrat illisible). Le contrat applicable au litige sera réputé être le contrat portant la date des 22 mars 2005 et 15 avril 2005 dans la mesure où c'est bien la SCI qui est propriétaire de l'immeuble loué. Ce contrat a été conclu pour une durée de six années, commençant à courir à compter de sa signature par les deux parties et sous la précision que sauf dénonciation par l'une des parties trois mois au moins avant son expiration, il serait renouvelé par tacite reconduction par périodes d'un an, la dénonciation devant, pour être valable, être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis. Un second contrat a été signé par les parties, portant la date du 12 septembre 2011 pour le bailleur et celle du 10 octobre 2011 pour le preneur, dénommé CBS Outdoor, contrat dont la date d'effet était fixée au 15 avril 2012. Ce contrat contient un paragraphe 20 ainsi rédigé : « Intégralité : le contrat exprime l'intégralité des obligations des parties, il se substitue, le cas échéant, à tout contrat, avenant ou autre écrit intervenu entre les parties antérieurement à sa signature et relatif à son objet. Le fait pour l'une des parties de ne pas se prévaloir d'un manquement de l'autre partie à une quelconque des obligations stipulées au contrat, ne saurait être interprété pour l'avenir comme une renonciation à l'obligation en cause. ». Il n'est pas allégué que la société CBS Outdoor ne venait pas aux droits de la société Giraudy Viacom Outdoor quand elle a conclu le contrat daté de 2011. Il n'est pas davantage allégué que le contrat conclu en 2005 avait fait l'objet d'une dénonciation par l'une ou l'autre des parties, lorsqu'a été conclu le contrat suivant daté de 2011. Ce contrat était donc toujours en cours, comme ayant été renouvelé, par tacite reconduction pour une période d'une année à l'échéance des six années initiales. La seconde signature portée sur ce contrat étant du 15 avril 2005, la date de la première reconduction tacite doit donc être fixée au 16 avril 2011, pour se terminer le 15 avril 2012. Comme l'a jugé la Cour de cassation, aux termes des dispositions de l'article 39 de la loi du 29 décembre 1979 (devenu l'article L.581-25 du code de l'environnement), qui est d'ordre public, le contrat de louage d'emplacement publicitaire ne peut être conclu pour une durée supérieure à six ans à compter de sa signature et que la stipulation d'une durée plus longue est soumise à réduction (pourvoi 99-21816). En l'absence de résiliation du contrat conclu en 2005 et dès lors que celui-ci était toujours en cours, le second contrat qui a pris effet le 15 avril 2012 ne pouvait avoir une autre échéance que celle du 15 avril 2013. La lettre datée du 3 octobre 2012 par laquelle le gérant de la SCI faisait valoir à la société CBS Viacom Outdoor sa volonté de résilier le contrat ne pouvait produire effet à la date du 22 mars 2012, comme il l'indiquait. Il n'est en effet pas possible de dater d'une part la date à laquelle le preneur aurait reçu, s'il l'a reçue, la lettre recommandée datée du mois de décembre 2011 par laquelle le bailleur lui signifiait la résiliation du bail. En revanche, le preneur qui a répondu à cette lettre du 3 octobre 2012 en a donc bien été destinataire. Ce courrier manifeste la volonté non équivoque du bailleur de résilier la convention. S'agissant d'un bail renouvelé par tacite reconduction pour une année, la date à laquelle la lettre de résiliation a produit effet doit être fixée au 15 avril 2013. Dès lors, la décision doit être réformée en ce que si elle a dit que le contrat conclu les 12 septembre et 10 octobre 2011 entre la société CBS Outdoor et la SCI est valable, ce contrat ne pouvait en effet valoir que pour une année et qu'il a été valablement résilié à la date du 15 avril 2013. Aucune injonction de faire ne saurait donc être décernée à l'encontre du bailleur et la décision entreprise sera infirmée de ce chef » ;
ALORS D'UNE PART QUE le courrier adressé le 3 octobre 2012 par la société du [...] à la société CBS Outdoor faisait uniquement référence au « contrat de location d'emplacement publicitaire en date du 22 Mars 2005 » ; qu'en considérant que cette lettre dénotait « la volonté non équivoque du bailleur de résilier la convention [signée les 12 septembre et 10 octobre 2011] » (arrêt attaqué p.4), la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce courrier, en violation de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
ALORS D'AUTRE PART QUE pour fixer au 15 avril 2013 la date à laquelle la lettre de résiliation du 3 octobre 2012 adressée par la société du [...] à la société CBS Outdoor devait produire effet, la cour d'appel a considéré que le contrat conclu en 2005 n'avait fait l'objet d'aucune dénonciation et était donc toujours en cours ; qu'en statuant ainsi, alors que le contrat conclu en 2011 (les 12 septembre et 10 octobre 2011) entre les mêmes parties et sur le même emplacement, dont la cour d'appel a admis la validité, stipulait en son paragraphe 20 que ledit contrat « se substitue, le cas échéant, à tout contrat, avenant ou autre écrit intervenu entre les parties antérieurement à sa signature et relatif à son objet », ce dont il se déduisait que les parties avaient résilié par mutuus dissensus le contrat de 2005, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat conclu en 2011, en violation de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
ALORS EN OUTRE QU'aux termes de l'article L.581-25, alinéa 1er du code de l'environnement, « Le contrat de louage d'emplacement privé aux fins d'apposer de la publicité ou d'installer une pré-enseigne se fait par écrit. Il est conclu pour une période qui ne peut excéder six ans à compter de sa signature. Il peut être renouvelé par tacite reconduction par périodes d'une durée maximale d'un an, sauf dénonciation par l'une des parties trois mois au moins avant son expiration » ; que si la stipulation d'une durée supérieure à six ans est soumise à réduction, celle-ci vise uniquement à ramener la durée du contrat au délai légal, de six ans à compter de sa signature par le bailleur ; qu'en considérant que le contrat signé le 12 septembre 2011 par le bailleur et le 10 octobre 2011 par le preneur ne pouvait avoir une autre échéance que celle du 15 avril 2013, alors que son terme ne pouvait en toute hypothèse intervenir moins de six ans après sa signature par le bailleur, soit le 12 septembre 2017, la cour d'appel a violé l'article L.581-25 alinéa 1er du code de l'environnement ;
ALORS ENFIN et en toute hypothèse QUE si l'article L.581-25 alinéa 1er du code de l'environnement dispose que le contrat de location d'emplacement publicitaire ne peut excéder six ans à compter de sa signature, il n'interdit nullement aux parties de conclure plusieurs contrats successifs de location d'un même emplacement publicitaire pour une durée n'excédant pas six ans chacun à compter de sa signature ; que la cour d'appel a considéré en l'espèce que, compte tenu de l'existence d'un précédent contrat d'une durée de six ans, conclu en 2005 entre les mêmes parties et sur le même emplacement, le contrat conclu en 2011 ne pouvait avoir une autre échéance que celle du 15 avril 2013, sauf tacite reconduction ; qu'en statuant ainsi alors que le contrat de 2011 était distinct de celui de 2005 et obéissait à un régime propre, en sorte qu'il aurait dû se voir reconnaître une durée de six ans à compter de sa signature par le bailleur, la cour d'appel a fait un usage erroné du pouvoir de réduction de la durée du contrat qu'elle tient de l'article L.581-25 alinéa 1er du code de l'environnement et violé cette disposition.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR limité à la somme de 6411 euros la dette de dommages-intérêts de la société du [...] à l'égard de la société Exterion Media ;
AUX MOTIFS QUE « la SCI a donné congé à effet du 22 mars 2012, en sorte que l'indemnité pour privation de jouissance à laquelle le preneur évincé peut contractuellement prétendre est trois fois le loyer annuel prorata temporis, soit 6411 euros (du 22 mars 2012 au 15 avril 2013, il s'est écoulé 390 jours, soit une indemnité de 2000 X 3/365 X 390 jours). La décision entreprise sera réformée de ce chef » ;
ALORS QU'aux termes de l'article 624 du code de procédure civile, « La censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire » ; que pour évaluer l'indemnité pour privation de jouissance à laquelle la société Exterion Media pouvait contractuellement prétendre en application de la clause pénale stipulée à l'article 15 du contrat des 12 septembre et 11 octobre 2011, la cour d'appel a retenu pour base de calcul une période de 390 jours s'étendant du 22 mars 2012 au 15 avril 2013, date à laquelle ce contrat aurait été valablement résilié ; qu'en raisonnant ainsi, la cour d'appel a entendu tirer les conséquences de son analyse, pourtant erronée, de l'échéance du contrat des 12 septembre et 11 octobre 2011, qu'elle avait à tort fixée au 15 avril 2013 ; que, dès lors, la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif à l'échéance du contrat conclu en 2011 entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de l'arrêt ayant fixé à la somme de 6411 euros le montant des dommages-intérêts dus par la société du [...] à la société Exterion Media au titre de la privation de jouissance subie par celle-ci du fait de son éviction.