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25/06/2025 | FRANCE | N°C2500900

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 juin 2025, C2500900


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° J 24-80.903 F-B
U 21-83.384
N° 00900




GM
25 JUIN 2025




REJET




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 JUIN 2025




La société [2],

anciennement [8], partie civile, a formé des pourvois :


- contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 25 mai 2021, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre perso...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° J 24-80.903 F-B
U 21-83.384
N° 00900

GM
25 JUIN 2025

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 JUIN 2025

La société [2], anciennement [8], partie civile, a formé des pourvois :

- contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 25 mai 2021, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée des chefs, notamment, d'escroquerie et d'abus de confiance, a prononcé sur des demandes d'annulation de pièces de la procédure (pourvoi n° 21-83.384),

- et, ainsi que M. [H] [E], partie civile, contre l'arrêt de ladite chambre de l'instruction, en date du 18 janvier 2024, qui, dans la même information, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction (pourvoi n° 24-80.903).

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de Me Ortscheidt, avocat de la société [2], de M. [H] [E], les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [L] [Z], de la société [10] et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. La société [8], devenue depuis la société [2], détenue principalement par M. [H] [E], est la société holding d'un groupe exerçant son activité dans le domaine de la production et de la post-production cinématographiques.

3. Elle a eu pour filiale la société [6], laquelle détenait plusieurs sous-filiales.

4. Des accords de coopération ont été signés entre la société [8] et la société [10] (anciennement [12], et désormais dénommée [14]), en 2004, suivis, le 9 mars 2006, de la signature concomitante d'un accord d'investissement prévoyant, notamment, l'acquisition par la société [13], filiale de la société [10], de 17,5 % des titres de la société [6] dans le cadre d'une augmentation de capital, des options réciproques d'achat des titres pour une période allant jusqu'au 31 août 2007, prolongée par la suite jusqu'au 31 mars 2011, la présence au conseil d'administration de la société [6] d'un administrateur désigné par la société [10] avec droit de veto sur certaines décisions, et l'interdiction pour la société [8] de céder ses parts au groupe [3], principal concurrent de la société [10].

5. Parallèlement, une lettre du même jour a autorisé la société [10] à procéder à un audit (« due diligence ») en vue de procéder à l'acquisition des 82,5 % restants du capital de la société [6].

6. Le 22 mars 2011, l'administrateur nommé par la société [10], la société [13], a démissionné de son poste.

7. Par lettre du 12 mai 2011, la société [10] a indiqué ne pas donner suite au rachat en raison de ses difficultés financières.

8. Les sociétés du groupe [6] ont été placées en liquidation judiciaire par des jugements des 1er au 20 décembre 2011.

9. Le 4 janvier 2012, la société [11] du groupe [10] a déposé des offres indissociables de reprise des activités et de certains actifs de sociétés du groupe [6].

10. Par jugements des 20 janvier et 3 février 2012, le tribunal de commerce de Nanterre a fait droit aux offres de reprise présentées par la société [11].

11. Estimant que la société [10] avait mis en place des manoeuvres visant à obtenir, à vil prix, les actifs du groupe [6], la société [8] a, le 5 avril 2012, déposé plainte auprès du procureur de la République.

12. Le 5 juillet 2013, ce dernier a ouvert une information des chefs d'abus de confiance et escroquerie.

13. M. [Z] et la société [10] ont été placés sous le statut de témoin assisté les 6 juin et 21 novembre 2016, respectivement.

14. A la suite notamment du dépôt d'un rapport d'expertise et d'une confrontation, le 12 décembre 2019, le juge d'instruction a adressé l'avis de fin d'information et a procédé à la mise en examen de M. [Z] et de la société [10].

15. Ces derniers ont déposé une requête en annulation de leur mise en examen à laquelle, par arrêt du 25 mai 2021, la chambre de l'instruction a fait droit.

16. C'est l'arrêt attaqué par le pourvoi n° 21-83.384.

17. Le 26 juin 2023, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu.

18. M. [E] et la société [2] ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 25 mai 2021

Enoncé du moyen

19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il prononcé la nullité des actes d'information cotés D 9444 à D 9447, à savoir les mises en examen de la société [10] et de M. [Z] notifiées le 12 décembre 2019, alors :

« 1°/ que la régularité de la mise en examen est seulement subordonnée à l'existence, à l'encontre de la personne mise en cause, d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des faits dont est saisi le juge d'instruction ; que toute appropriation par une personne au préjudice d'autrui d'un bien quelconque qui lui a été remis à charge d'en faire un usage déterminé caractérise le détournement constitutif de l'abus de confiance ; que la chambre de l'instruction a en l'espèce annulé les mises en examen aux motifs qu'il n'était « pas démontré d'intention de détournement ni de préjudice pour la société [6] » et que l'infraction d'abus de confiance n'était « pas constituée » ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant l'existence d'indices graves et concordants rendant vraisemblable la commission par les mis en examen du délit d'abus de confiance en relevant que les documents remis par la société [7] l'avaient été « en vue d'un usage déterminé, soit les audits pré-acquisitions », et que « s'agissant de l'utilisation des informations obtenues dans le cadre des audits », il ressortait « de la procédure que la société [10] avait présenté une offre d'achat des actifs » de filiales du groupe [6], et non le rachat de la participation de [8] dans [6] comme convenu initialement, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 80-1 du code de procédure pénale, l'article 314-1 du code pénal et l'article 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que peut faire l'objet d'un abus de confiance tout bien susceptible d'appropriation, en ce compris les biens incorporels ou immatériels ; qu'en énonçant que les informations obtenues en l'espèce, « par nature immatérielles, ne peuvent être qualifiées de biens incorporels et n'entrent pas en conséquence dans la nature des biens pouvant faire l'objet d'une remise à titre précaire », la chambre de l'instruction a ajouté à la loi et violé les articles 314-1 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que l'affirmation tant de la mauvaise foi de l'auteur de l'infraction d'abus de confiance, que de l'existence d'un préjudice souffert par la partie civile se trouvent incluses dans la constatation du détournement de la chose appartenant à celle-ci ; qu'après avoir rappelé que les parties civiles soutenaient qu'elles avaient transmis des informations confidentielles à la société [10] dans la seule perspective du rachat par celle-ci de la participation de [8] dans [6], et que ces informations avaient été détournées par [10], par l'intermédiaire de sa filiale [11], afin d'acheter à vil prix l'activité et l'essentiel des actifs de cinq sociétés sur six qui constituaient le groupe [6] ; la chambre de l'instruction a recherché s'il existait une intention de détournement et un préjudice pour la société [6], avant de conclure que ceci n'était « pas démontré » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si un tel détournement existait, comme elle y était invitée par les parties civiles, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 313-1 du code pénal et l'article 593 du code de procédure pénale ;

4°/ que les chambres de l'instruction doivent répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que dans leur mémoire régulièrement déposé devant la chambre de l'instruction, les parties civiles précisaient que la société [15], qui avait repris la société [4], avait disposé de trop peu de temps, comme les autres candidats repreneurs, pour faire des offres pertinentes, contrairement à [10] qui, grâce aux informations économiques et financières transmises pendant plus de cinq ans et détournées, avait pu proposer en un temps record des offres ciblées ; qu'elles ajoutaient que les offres d'achat des actifs déposées par [10] étaient stipulées indissociables les unes des autres, de sorte que le tribunal n'avait d'autre choix que de retenir l'offre de [10], malgré le faible prix de cession, car elle garantissait l'existence d'un repreneur dans les autres procédures et avait ainsi l'avantage de permettre la sauvegarde de l'activité des autres sociétés du groupe [6] ; qu'en se bornant à énoncer, pour conclure qu'il ne serait « pas démontré d'intention de détournement ni de préjudice pour la société [6] », que « s'agissant de l'utilisation des informations obtenues dans le cadre des audits, il ressort de la procédure que si la société [10] a présenté une offre d'achat des actifs, valorisée à 880.000 ¿, notamment de 720.000 euros pour la société [1] avec reprises de douze contrat de travail, la société [5], filiale à 43% de [8], a fait une offre concurrente pour cette même société à 390.000 ¿ avec reprise de huit salariés » et que « le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 16 décembre 2016 indique que « les rachats par [10] de certains actifs du groupe n'ont pas été contestés par les dirigeants et ont donné lieu à des décisions devenues définitives qui se situent après la liquidation judiciaire », sans répondre aux chefs péremptoires susmentionnés des écritures des parties civiles, qui démontraient qu'au moment de la mise en examen de M. [Z] et de la société [10], il existait des indices graves ou concordants à leur encontre d'avoir détourné les informations obtenues dans le cadre notamment des « due diligences », afin d'acheter à vil prix l'activité et l'essentiel des actifs de cinq sociétés sur six qui constituaient le groupe [6], la chambre de l'instruction a méconnu les articles 314-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

20. Pour annuler la mise en examen de M. [Z] et de la société [10] du chef d'abus de confiance, l'arrêt attaqué énonce notamment que les informations obtenues par les personnes mises en examen dans le cadre des audits de pré-acquisition, immatérielles, ne sont, par nature, pas susceptibles d'une remise précaire et donc de servir de fondement à l'infraction d'abus de confiance.

21. Les juges ajoutent que l'infraction n'est pas constituée dès lors que les informations obtenues ont été utilisées pour le rachat d'actifs qui n'a pas été contesté.

22. C'est à tort que les juges ont estimé que les informations transmises n'étaient pas susceptibles de faire l'objet d'un abus de confiance. En effet, des informations telles que celles transmises lors d'un audit de pré-acquisition (« due diligence ») peuvent constituer un bien immatériel susceptible de détournement.

23. C'est encore à tort qu'ils ont indiqué que l'intention de détournement et le préjudice faisaient défaut, alors que le préjudice se déduit de l'existence du détournement.

24. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors qu'il ressort de ces constatations souveraines que les informations litigieuses n'ont pas été utilisées pour un but autre, à savoir une acquisition, que celles pour lesquelles elles ont été remises, de sorte que l'infraction n'était pas susceptible d'être caractérisée.

25. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Sur le second moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 25 mai 2021

Enoncé du moyen

26. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé la nullité des actes d'information cotés D 9444 à D 9447, à savoir les mises en examen de la société [10] et de M. [Z] notifiées le 12 décembre 2019, alors :

« 1°/ que la régularité de la mise en examen est seulement subordonnée à l'existence, à l'encontre de la personne mise en cause, d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des faits dont est saisi le juge d'instruction ; qu'en énonçant, s'agissant des mises en examen du chef d'escroquerie, qu'« il n'est pas démontré comment les pourparlers et les audits ont pu constituer des manoeuvres frauduleuses », quand il lui appartenait seulement de vérifier si des indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation des mis en examen existaient, ce que les parties civiles avaient en l'espèce démontré, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 313-1 du code pénal, 80-1 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en énonçant que' entre 2009 et 2011, le projet d'achat ne portait que sur certains actifs détenus par les filiales de [6] », cependant qu'elle constatait ensuite que « des échanges entre les parties, il ressortait que le prix de l'acquisition demandé en décembre 2010 était de 30 millions d'euros (?) payables en actions de [10] et en cash » et que les parties civiles rappelaient dans leurs écritures qu'il ressortait du procès-verbal de confrontation versé au dossier que le groupe [10] était, en 2011, intéressé par l'acquisition de la totalité du capital de [6], la chambre de l'instruction s'est contredite, a insuffisamment motivé sa décision et a méconnu les articles 313-1 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en énonçant qu'il n'était pas démontré de manoeuvres ayant permis aux mis en examen d'acquérir les actifs des sociétés du groupe [6] à vil prix, soit à une valeur fortement dépréciée, cependant qu'elle constatait que le rachat des actifs du groupe « avait été effectué pour environ 890.000 euros », tandis que le prix d'acquisition demandé initialement en décembre 2010 était de « 30 millions d'euros payables en actions de [10] et en cash », la chambre de l'instruction a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs et méconnu les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

4°/ que les chambre de l'instruction doivent répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que dans leurs écritures régulièrement déposées, les parties civiles faisaient valoir que [10] avait obtenu frauduleusement certaines informations confidentielles sur les difficultés du groupe [6] et qu'elle s'était désengagée de sa place prépondérante d'administrateur aux pouvoirs exorbitants, afin d'être à même, lors de la liquidation, de se présenter comme un simple actionnaire minoritaire pour racheter les actifs du groupe à vil prix, à la barre du tribunal ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs péremptoires de conclusions, qui démontraient l'existence de manoeuvres frauduleuses trompeuses constitutives du délit d'escroquerie, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

5°/ que les chambre de l'instruction doivent répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que dans leur mémoire, les parties civiles rappelaient que plusieurs éléments versés au dossier de la procédure montraient que [10] avait visé l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de [6] pour s'approprier à vil prix les actifs de certaines sociétés du groupe [6] ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs péremptoires des conclusions des parties civiles, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 313-1 et 593 du code de procédure pénale ;

6°/ que les chambre de l'instruction doivent répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en énonçant que « les parties civiles n'ont pas apporté durant l'instruction ni lors de l'audience devant la cour, de démonstration justifiée ni de preuve que la société [11] devenue [9] a été créée en vue du rachat des actifs de [6] et qui aurait participé à des manoeuvres frauduleuses », quand les écritures déposées au soutien des intérêts des parties civiles rappelaient qu'il ressortait d'un procès-verbal de confrontation versé au dossier de la procédure que l'un des mis en examen avait admis que [10] avait créé une filiale avec le même objet social que certaines entités de la société [6] dont elle venait de se désengager, pour développer la même activité que celle-ci sans toutefois avoir défini de stratégie particulière, ce dont il s'évinçait que la société [11] n'avait en réalité été créée qu'en vue du rachat des actifs de [6], ce qui constituait une manoeuvre frauduleuse constitutive du délit d'escroquerie, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

7°/ que les chambre de l'instruction doivent répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que dans leurs écritures, les parties civiles rappelaient « qu'aux termes de la Convention d'investissement, tout rapprochement de [8] avec [3] était expressément prohibé par [10] », de sorte qu'en négociant en secret un partenariat stratégique avec son concurrent direct, le groupe [3], la société [10] avait neutralisé le seul acquéreur potentiel pour le groupe [6], ce qui démontrait l'existence du stratagème visant, pour les mis en examen, à s'approprier à terme et frauduleusement, à vil prix, les actifs des filiales du groupe [7] ; qu'en se bornant à énoncer que « même si l'opération était menée de façon confidentielle, il n'est pas démontré que ce rapprochement a pu priver le groupe [6] d'une solution alternative majeure de reprise », la chambre de l'instruction a insuffisamment motivé sa décision et méconnu les articles 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

8°/ que les chambre de l'instruction doivent répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'arrêt attaqué, qui constate que la cour d'appel de Versailles a retenu la responsabilité de [10] dans la procédure en comblement de passif, énonce qu'il n'est pas démontré « qu'un pouvoir réel de direction et de contrôle de la société [10] au sein de [6] et de ses filiales ait pu être caché au tribunal de commerce » ; que dans leur mémoire, les parties civiles soutenaient pourtant qu'il résultait de l'article 8.3 de l'accord d'investissement du 9 mars 2006 que les opérations stratégiques et financières étaient subordonnées au vote positif du représentant de [10], qu'en pratique le vote de [10] était indispensable pour la gestion du Groupe [6] de sorte que [10] avait bien ainsi un rôle de codécideur pour les choix stratégiques du groupe ; qu'en prononçant comme elle l'a fait, sans répondre à ce chef péremptoires des conclusions des parties civiles, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 313-1 du code pénal et l'article 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

27. Pour annuler les mises en examen de M. [Z] et de la société [10], l'arrêt attaqué énonce que, si des négociations en vue de l'acquisition du reste du capital de la société [6] avaient été engagées, celles-ci n'avaient pu aboutir, du fait de la dégradation de la situation financière de cette dernière et de ses filiales, imputable à la société [8] et à son actionnaire, les pourparlers et audits ne pouvant constituer des manoeuvres frauduleuses.

28. Les juges ajoutent que la preuve n'est pas rapportée de ce que la société [11] devenue [9] ait été constituée dans le but d'acquérir, à bas prix, les actifs de la société [6], que les négociations avec le groupe [3] n'ont pas privé la société [6] d'un autre repreneur potentiel, et qu'il n'est pas prouvé que la société [10] aurait eu un pouvoir de contrôle réel qui aurait été dissimulé au tribunal de commerce lors de la reprise.

29. En se déterminant ainsi, par des motifs relevant de son appréciation souveraine et de nature à écarter la possibilité que les faits reprochés soient susceptibles de constituer des manoeuvres frauduleuses, la chambre de l'instruction, qui n'avait pas à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a justifié sa décision.

30. Le moyen doit donc être écarté.

Sur le moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 18 janvier 2024

Enoncé du moyen

31. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de supplément d'information pour mises en examen de M. [Z] et la société [10] des chefs d'escroquerie et d'abus de confiance et a confirmé l'ordonnance entreprise du 26 juin 2023, en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à suivre contre M. [Z] et la société [10] des chefs d'escroquerie et d'abus de confiance, alors :

« 1°/ que la cassation à intervenir sur le pourvoi n° U 21-83.384 dirigé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles du 25 mai 2021 entraînera la cassation de l'arrêt attaqué ;

2°/ en tout etat de cause, que la décision frappée de pourvoi n'est pas définitive ; que l'arrêt rendu le 25 mai 2021 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles a été frappé de pourvoi en cassation, de sorte qu'il n'était pas définitif ; que seul l'examen immédiat de ce pourvoi n'a pas été ordonné par ordonnance du président de la chambre criminelle de la Cour de cassation ; qu'en énonçant, pour justifier sa décision, que « l'arrêt rendu le 25 mai 2021 est définitif » et qu' « il ne peut qu'être constatée l'absence de charges à l'encontre de [L] [Z] et la société [10] (devenue [14]) placés sous le statut de témoin assisté », cependant qu'elle relevait que par ordonnance du 8 novembre 2021, « la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu à admettre en l'état le pourvoi de la société [2] », la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision et a méconnu les articles 570, 571 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

32. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, l'arrêt attaqué énonce que l'arrêt rendu le 25 mai 2021 est devenu définitif, qu'aucun élément nouveau n'est intervenu, et que doit être constatée l'absence de charges à l'encontre de la société [10] et de M. [Z].

33. C'est à tort que les juges indiquent que l'arrêt rendu le 25 mai 2021 était définitif puisque ce dernier avait été frappé de pourvoi.

34. Toutefois, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que, d'une part, le pourvoi dirigé contre ce même arrêt est rejeté par la présente décision, d'autre part, les juges ont relevé qu'aucun élément nouveau n'était intervenu.

35. Dès lors, le moyen, devenu sans objet dans sa première branche, doit être écarté.

36. Par ailleurs, les arrêts sont réguliers en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2500900
Date de la décision : 25/06/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

ABUS DE CONFIANCE


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, 18 janvier 2024


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 jui. 2025, pourvoi n°C2500900


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, SARL Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:C2500900
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