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04/07/2014 | FRANCE | N°364110

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 04 juillet 2014, 364110


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 novembre et 10 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le centre hospitalier de Niort, dont le siège est 40 avenue Charles de Gaulle à Niort (79021) ; le centre hospitalier demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 12BX01681 du 31 octobre 2012 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a porté à 50 000 euros la provision qu'il avait été condamné à verser à M. B...A...par l'ordonnance n° 1200212 du 15 juin

2012 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, en réparat...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 novembre et 10 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le centre hospitalier de Niort, dont le siège est 40 avenue Charles de Gaulle à Niort (79021) ; le centre hospitalier demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 12BX01681 du 31 octobre 2012 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a porté à 50 000 euros la provision qu'il avait été condamné à verser à M. B...A...par l'ordonnance n° 1200212 du 15 juin 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, en réparation du préjudice subi par M. A... du fait d'un retard dans le diagnostic et le traitement du syndrome des loges dont il a été atteint à la suite d'une hospitalisation elle-même consécutive à un accident de la circulation ;

2°) statuant en référé, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de M. A...le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Charles Touboul, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du centre hospitalier de Niort, à la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat de M. A... et à la SCP Roger, Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'à la suite d'un accident de la circulation survenu le 30 octobre 1992 M. A...a été pris en charge au centre hospitalier de Niort, où il a notamment été procédé à la réduction d'une fracture de la jambe gauche ; qu'un syndrome des loges affectant cette jambe ayant été diagnostiqué le 2 novembre 1992, une aponévrotomie a dû être pratiquée ; que l'évolution a été marquée par des complications qui ont nécessité de nombreuses interventions chirurgicales ; que M.A..., s'estimant victime d'un retard fautif dans le diagnostic et le traitement de ce syndrome, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers de mettre à la charge du centre hospitalier de Niort le versement d'une provision sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ; que le juge des référés a fait droit à cette demande à hauteur de 12 000 euros par une ordonnance du 15 juin 2012 qui a fait l'objet d'un appel du centre hospitalier de Niort et d'un appel incident de M. A... ; que, par l'ordonnance du 31 octobre 2012 contre laquelle le centre hospitalier se pourvoit en cassation, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel principal et, faisant droit à l'appel incident, porté la provision à 50 000 euros ;

2. Considérant, en premier lieu, que, dès lors qu'il rejetait au fond l'appel principal du centre hospitalier, le juge des référés n'était pas tenu de répondre à la fin de non-recevoir opposée par M. A..., tirée de ce que l'établissement ne justifiait pas avoir acquitté la contribution pour l'aide juridique mentionnée à l'article R. 411-2 du code de justice administrative ; qu'il n'était pas davantage tenu, avant de faire droit aux conclusions d'appel incident de M.A..., de prendre expressément parti sur la recevabilité de ces conclusions, qui n'était pas contestée par le centre hospitalier ; qu'en admettant implicitement leur recevabilité, au vu d'un dossier dont il ressortait que le centre hospitalier avait, le 3 juillet 2012, produit le justificatif de l'acquittement de la contribution pour l'aide juridique, régularisant ainsi sa requête, le juge des référés n'a pas méconnu la règle selon laquelle la recevabilité de l'appel incident dépend de celle de l'appel principal ; qu'ainsi, les moyens tirés de ce que l'ordonnance attaquée serait entachée sur ce point d'une insuffisance de motivation ou d'une erreur de droit ne sauraient être accueillis ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le syndrome des loges a été diagnostiqué et traité le 2 novembre 1992, trois jours après l'accident de la circulation et deux jours après une intervention au décours de laquelle M. A... s'était plaint de douleurs intenses à la jambe et au pied gauches associées à des troubles sensitifs ; que, pour confirmer la décision du premier juge quant au principe de la responsabilité du centre hospitalier, le juge d'appel a relevé, au vu des conclusions de l'expert désigné par le tribunal administratif, que le délai de diagnostic et de traitement était largement supérieur au délai regardé comme normal en la matière ; que si le centre hospitalier fait valoir, à l'appui de son pourvoi, que le rapport de cet expert contenait une référence à un ouvrage postérieur à la date des faits et que les experts désignés par le juge judiciaire n'avaient pas relevé le caractère anormalement long du délai de prise en charge, il ne ressort pas de ces éléments, alors notamment que les expertises ordonnées par le juge judiciaire ne portaient que sur les conséquences de l'accident de la circulation intervenu sur la voie publique et non sur les conditions de la prise en charge de M. A...par le centre hospitalier de Niort, que le juge des référés de la cour administrative d'appel ait inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en estimant que l'existence d'une faute du centre hospitalier de Niort de nature à engager sa responsabilité n'était pas sérieusement contestable ; que sa décision est suffisamment motivée sur ce point ;

4. Mais considérant que, pour porter à 50 000 euros le montant de la provision mise à la charge du centre hospitalier de Niort, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux, se fondant sur les conclusions de l'expert désigné par le tribunal administratif, a fixé au 19 août 2009 la date de consolidation de l'état de santé de M. A... et, s'agissant des préjudices subis par celui-ci du fait du retard fautif imputable au centre hospitalier, a évalué son déficit fonctionnel permanent à un taux de 30 %, devant être comparé à un taux compris entre 0 à 5 % en cas de diagnostic et de traitement précoces d'un tel syndrome, et a retenu que l'intéressé avait subi de nombreuses périodes d'incapacité temporaire totale, des souffrances très importantes estimées à 6,5 sur 7, un préjudice esthétique modéré et un préjudice d'agrément ; qu'en se prononçant ainsi, sans s'attacher à vérifier, en recourant au besoin à une mesure d'instruction, si, comme le soutenait devant lui le centre hospitalier, tout ou partie de ces préjudices n'avaient pas été réparés par l'assureur de l'auteur de l'accident de la circulation, dont la responsabilité s'étendait normalement à l'ensemble des conséquences dommageables de cet accident, y compris celles auxquelles avait pu contribuer la déficience des soins prodigués au blessé, le juge des référés de la cour administrative d'appel a méconnu son office ; que, par suite, son ordonnance doit être annulée ;

5. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le centre hospitalier de Niort au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du centre hospitalier de Niort qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 31 octobre 2012 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi du centre hospitalier de Niort est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de M. A...présentées au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier de Niort et à M. B... A....

Copie en sera adressée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 364110
Date de la décision : 04/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 04 jui. 2014, n° 364110
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Charles Touboul
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP TIFFREAU, MARLANGE, DE LA BURGADE ; SCP ROGER, SEVAUX, MATHONNET ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:364110.20140704
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