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10/06/2015 | FRANCE | N°14-16064;14-24850;14-25189

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 juin 2015, 14-16064 et suivants


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° A14-16. 064, A14-24. 850 et U14-25. 189 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 15 janvier 2014), que Xavier X... est décédé le 20 septembre 2008 en laissant pour lui succéder des héritiers non réservataires, en l'état de plusieurs testaments ; que certains des légataires ont sollicité l'ouverture des opérations de liquidation et de partage de la succession ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de dé

clarer nul le testament du 20 septembre 2004 ;
Attendu que la cour d'appel, qui...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° A14-16. 064, A14-24. 850 et U14-25. 189 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 15 janvier 2014), que Xavier X... est décédé le 20 septembre 2008 en laissant pour lui succéder des héritiers non réservataires, en l'état de plusieurs testaments ; que certains des légataires ont sollicité l'ouverture des opérations de liquidation et de partage de la succession ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de déclarer nul le testament du 20 septembre 2004 ;
Attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a souverainement estimé que la preuve de l'insanité d'esprit du testateur au moment de l'acte était établie ; que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen, ci après annexé :
Attendu que Mme Y... fait encore grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'expertise graphologique du testament du 16 avril 2004 ;
Attendu que, dans ses conclusions, Mme Y... n'envisageait qu'une hypothèse, en sorte que la cour d'appel n'était pas tenue de lui répondre ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne Mme Francine Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à verser aux consorts X... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme Y..., demanderesse aux pourvois n° A14-16. 064, A14-24. 850 et U14-25. 189.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait déclaré nul pour insanité d'esprit le testament en date du 20 septembre 2004 confectionné par Xavier X... ;
Aux motifs que, « Le testament olographe, déposé auprès de Me Catherine J..., notaire à Bordeaux, par Xavier X... le 27 septembre 2004, instituait comme légataires universels, Annick K..., Chantal K... épouse L..., Pascal et Francis A..., Francine Y..., Nicolas X... à concurrence 1/ 6ème chacun ; Alexia B..., Fabrice B... en qualité de légataires particuliers.
Les consorts X... soutiennent au visa de l'article 901 que le dit testament ne saurait être valable en raison de l'insanité d'esprit qui affectait alors Xavier X..., ce que conteste Mme Y....
A cet égard, lorsqu'il se trouvait au Maroc depuis le 16 avril 2004 en compagnie de Mme C..., Xavier X... a fait une chute le 21 avril suivant, hospitalisé en première intention à MARRAKECH, transféré à CASABLANCA, il a finalement était rapatrié le 22 avril 2004 sur l'hôpital PELLEGR1N de Bordeaux (33). Le dossier médical daté du 22 avril 2004 fait état d'un " état confusionnel brutal ", il est dit " valide ", " orienté ", mais sujet à des " agitations motrices " avec " épisodes confusionnels intermittents ". La nuit de son arrivée, son dossier médical mentionne : " neuro : propos cohérents, mais amnésie des faits (Casablanca) fait des gestes inadaptés ". A la date du 29 avril 2004, il est mentionné " assistante sociale : demande sauvegarde de justice ".
Il ne peut être sérieusement contesté que Xavier X... a entretenu avec Mme Y... des liens réels d'affection (attestations n° 43 à 69 Y...), toutefois cette considération ne saurait établir l'absence d'insanité d'esprit de ce dernier lors de la rédaction du testament olographe du 20 septembre 2004, sachant que le de cujus a modifié de nombreuses fois ses dispositions testamentaires, révoquant à chaque fois les précédentes.
A ce titre, le rapport du docteur Jean-Jacques D..., psychiatre, expert agréé par la Cour de cassation, désigné par le tribunal de grande instance de Bergerac pour évaluer sur dossier les capacités de Xavier X... au terme de son rapport du 10 décembre 2009 indique : " nous considérons, à la date du 20 septembre 2004, que monsieur X... présentait un état cognitif, altéré pour le moins par des problèmes d'utilisation mnésiques. Il y a là une très forte présomption médicale faisant répondre que monsieur X... était à cette date atteint d'altération de ses facultés mentales l'empêchant de tester valablement au sens d'une pleine conscience de toutes ses fonctions exécutives et surtout mnésiques ".
Le docteur D... précise toutefois qu'il " apparaît toutefois excessif de considérer que lors de la première hospitalisation avec rapatriement sanitaire, le patient présentait un état démentiel évolué au sens d'une altération globale des facultés intellectuelles ". Pascal A... estime que la question de la capacité de Xavier X... n'avait pas été posée à l'expert s'agissant du testament du 16 avril 2004, toutefois l'expert n'est pas dispensé de faire toute observation utile qu'il juge nécessaire, son rapport étant soumis par ailleurs à la libre discussion des parties.
L'expert note que les parties s'accordent pour considérer qu'à la date de son décès en 2008, l'état cognitif de Xavier X... était très détérioré.
L'expert note que postérieurement à la deuxième chute du 30 septembre 2004, avec petit impact cérébral, " l'évolution se fait la maintenant vers un état démentiel " que l'expert rapproche non pas à un " processus de types Alzheimer " comme l'entend le docteur François E..., neurologue, expert près la Cour d'appel de Paris, consulté à titre privé à la demande de Pascal A..., mais à " une encéphalopathie alcoolique et carentielle ".
Mme Y... s'appuie entre autre sur la note non datée du Docteur Emmanuel F..., neurologue, consulté à titre privé dont il s'excipe que le Docteur D... a procédé par affirmation péremptoire quant à l'état de santé de Xavier X... à la date du 20 septembre 2004, sans qu'aucune démonstration ne vienne étayer les assertions de ce médecin.
Toutefois, force est de constater qu'à partir de la chute du 21 avril 2004, l'état de santé de Xavier X... n'a cessé de se dégrader, comme le démontre l'épisode du 6 août 2004, réunion de famille, au cours de laquelle il a été constaté que " son état de fatigue le conduisait à des moments de prostration " (pièce n° 4 X...), qu'il demandait à être conduit chez M..., qui a été son métayer avant 1940 et mort en 1950 (pièce n° 7 et 10 X...), " qu'il avait complètement perdu la notion de temps et de lieu,..., qu'il tenait des propos incompréhensibles..., qu'il réclamait bruyamment que l'on vienne à côté de lui comme un enfant perdu... " (pièce n° 10), qu'il posait trois fois la même question en quelques instant (pièce n° 8 X...). La dégradation de son état de santé a abouti, suite à la chute du 30 septembre 2004, à une mise sous protection le 29 octobre 2004 par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Bordeaux, puis à une mesure de tutelle prononcée le 28 janvier 2005.
Chaque partie verse au débat nombre de témoignages tendant à accréditer la thèse de chacun quant aux capacités reconnues ou non à Xavier X.... Mme Y... s'appuie notamment sur l'attestation établie par Mme G..., secrétaire de Xavier X... qui certifie que, tant, en avril 2004 lors de sa visite au centre hospitalier, qu'en septembre 2004, son comportement était constant et invariablement précis (pièce n° 20 Y...). Or un mois plus tard, le juge des tutelles engageait une procédure de mise sous protection judiciaire.
Toutefois, ces positions divergentes peuvent être rapprochées de l'observation rapportée dans le rapport d'expertise du Docteur D... qui y consigne les termes du certificat médical du 19 septembre 2005, du Docteur Myriam H..., qui affirme que " le patient masque ses troubles par ses acquis anciens ". Dans le même esprit, l'expert relève que lors de l'audition devant le juge des tutelles le 16 décembre 2004 le patient s'exprime convenablement, alors que ses troubles à cette date sont avérés, que l'ensemble du corps médical considère qu'à cette date, son état de santé est fortement dégradé, ce qui rend, dès lors, la demande d'expertise graphopathologique inutile, le sujet pouvant tout aussi bien convaincre de ses capacités à l'écrit qu'à l'oral.
En conséquence, l'ensemble de ses observations conduit à considérer qu'à la date du testament du 20 septembre 2004, mais aussi à celle du 2 septembre 2004, l'état de Xavier X... était suffisamment altéré pour conduire à l'annulation des deux testaments olographes pour insanité d'esprit. Le jugement est par suite confirmé sur ce point » ;
Alors que l'absence d'insanité d'esprit du testateur, au moment de la rédaction d'un testament olographe, peut résulter des termes employés, de leur précision et de leur graphie, comme de la cohérence des dispositions prises ; qu'en l'espèce, et reprenant notamment à son compte les conclusions du docteur F..., Madame Y... faisait régulièrement valoir dans ses écritures d'appel que le testament du 20 septembre 2004 était « un texte de cinq pages, soigneusement calligraphié, attribuant 19 legs détaillés à 19 personnes différentes de sa propre famille et de son entourage et décrivant une quinzaine de tableaux par leur titre, leur auteur et parfois leurs dimensions », ce dont il résultait qu'il ne pouvait qu'être le fruit d'un esprit sain au jour de la rédaction du testament (conclusions, p. 18) ; qu'en ne procédant à aucune recherche sur ce point, pourtant de nature à faire la preuve du caractère sain d'esprit du testateur au moment de la rédaction du testament, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 901 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame Francine Y... de sa demande d'expertise graphologique du testament en date du 16 avril 2004 ;
Aux motifs que, « Il n'est rapporté aucun élément qui permette de considérer qu'avant la chute du 21 avril 2004, le processus de dégradation de l'état de santé mentale de Xavier X... était enclenché de manière significative. Quand bien même Xavier X... souffrait avant le 21 avril 2004 de difficultés cognitives, faudrait-il qu'elles aient été de nature à altérer ses facultés intellectuelles globales, or rien ne permet de le confirmer. A cet égard, le rapport du docteur François E..., neurologue, expert près la Cour d'appel de Paris, consulté à titre privé à la demande de Pascal A..., ne donne aucun élément sur l'état de santé avéré de Xavier X..., qui n'était pas suivi pour une pathologie de cette nature. Or selon attestation du 20 novembre 2012, Philippe Z..., avocat honoraire, relate avoir rencontré de façon impromptue son ami de longue date, ce dernier l'a entretenu du fabuleux voyage en Inde dont il rentrait avant de partir quelques jours plus tard, il précise " je l'ai trouvé comme je l'avais laissé fin décembre 2003, lorsqu'il avait quitté le palais de justice en parfaite possession de ses moyens physiques et intellectuels... ", termes confirmés par le Docteur Jean Michel I..., qui atteste le 5 novembre 2012, que " pendant la période du 24 septembre 2003 au 14 avril 2004, période pendant laquelle le patient venait à mon cabinet.... son comportement pendant les consultations ne m'a pas semblé imposer une telle démarche (diagnostique de troubles cognitifs) ".
En conséquence, en l'absence d'élément permettant de rapporter la réalité de l'insanité d'esprit de Xavier X..., le privant de ses capacités intellectuelles, le testament olographe du 16 avril 2004 est reconnu valable.
Le jugement est par suite confirmé sur ce point » ;
Alors que, le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, Madame Y... faisait valoir dans ses conclusions d'appel que le testament olographe du 16 avril 2004 n'était peut-être pas de la main de Xavier X... et sollicitait, à cette fin, une expertise graphologique (conclusions, p. 21) ; qu'en se bornant à rejeter la demande d'expertise, sans s'expliquer sur ce moyen pourtant de nature à justifier ladite expertise, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-16064;14-24850;14-25189
Date de la décision : 10/06/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 15 janvier 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 jui. 2015, pourvoi n°14-16064;14-24850;14-25189


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau, SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.16064
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