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08/02/2018 | FRANCE | N°16-22217

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 08 février 2018, 16-22217


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, que la société F... C...-D... et associés (l'avocat) a assuré la défense des intérêts de M. Y... dans un litige l'opposant à son ancien conseil ; qu'un différend étant survenu entre les parties sur les honoraires dus par M. Y..., l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre, qui, par décision du 31 juillet 2015, a fixé à une certaine somme les honoraires restant dus à l'avocat ; que M. Y... a formé un recour

s contre cette décision ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, que la société F... C...-D... et associés (l'avocat) a assuré la défense des intérêts de M. Y... dans un litige l'opposant à son ancien conseil ; qu'un différend étant survenu entre les parties sur les honoraires dus par M. Y..., l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre, qui, par décision du 31 juillet 2015, a fixé à une certaine somme les honoraires restant dus à l'avocat ; que M. Y... a formé un recours contre cette décision ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches, tel que reproduit en annexe :

Attendu que l'avocat fait grief à l'ordonnance de dire que la preuve d'une convention d'honoraires n'était pas rapportée, d'infirmer la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Lyon, de fixer les honoraires dus par M. Y... à la somme de 11 432,99 euros et de le condamner à restituer à M. Y... la somme de 11 030,30 euros compte tenu des sommes déjà versées ou prélevées ;

Mais attendu que, sous couvert de violation de la loi, le moyen pris en sa deuxième branche ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine du premier président quant à l'existence d'une convention d'honoraires ;

Et attendu que l'avocat n'ayant pas prétendu devant le premier président que le paiement des factures démontrait l'existence d'un accord tacite sur la convention d'honoraires, la deuxième branche est nouvelle et mélangée de fait et de droit ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que, pour fixer les honoraires dus par M. Y... à la somme de 11 432,99 euros et condamner l'avocat à lui restituer la somme de 11 030,30 euros, l'ordonnance énonce que nonobstant les indications de date et mentions de diligences figurant sur les factures adressées à M. Y..., il ne saurait être considéré que leur règlement a été effectué après service rendu et en toute connaissance de cause, ce qui ne peut s'appliquer qu'au paiement effectué en considération de l'ensemble des prestations fournies, une fois terminée la mission confiée ; que ne peuvent être considérés comme effectués après service rendu les règlements intermédiaires intervenus en cours de procédure et qui, nonobstant l'émission de factures, ne valent en réalité qu'à titre de provision ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le paiement après service rendu, dont la remise en cause est interdite, n'est pas subordonné à la fin de la mission de l'avocat et peut s'entendre des diligences facturées au fur et à mesure de leur accomplissement, le premier président a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 14 juin 2016, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société F...    C... -G...    et associés la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société F...  C... -G...      et associés.

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir dit que la preuve d'une convention d'honoraires n'était pas rapportée, d'avoir infirmé l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Lyon, fixé les honoraires dus par M. Y... à la SCP JMGA à la somme de 11 432,99 euros et d'avoir condamné cette dernière à lui restituer la somme de 11 030,30 euros compte tenu des sommes déjà versées ou prélevées ;

Aux motifs que « Attendu que monsieur Daniel Y... avait obtenu en première instance, une décision favorable dans son principe à l'encontre de son avocat Maître Thierry B... mais estimait insuffisant les dommages-intérêts alloués ; qu'il s'est adressé à la SCP F...   -C... -G...    ET ASSOCIES afin de poursuivre la procédure devant la cour d'appel de NÎMES ;

Attendu que s'agissant des honoraires, la SCP C...    -C... -G... ET ASSOCIES invoque une convention d'honoraires qui prévoyait d'une part, un honoraire de diligences au taux horaire unique de 200 € HT et un honoraire de résultat de 12% HT du montant des sommes obtenues au-delà des 15 000 € alloués par le Tribunal de grande instance de PRIVAS, outre les frais et débours et frais de déplacement à la cour d'appel de NÎMES ;

Attendu que l'existence d'un écrit n'est pas exigée à peine de validité mais ne constitue qu'un mode de preuve de ladite convention qui se caractérise par l'accord des parties ;

Attendu qu'il est constant qu'en l'espèce, en réponse à la proposition faite par courrier du 5 octobre 2012, monsieur Y... a par mail du 12 octobre 2012 indiqué "votre proposition d'honoraires recueille bien naturellement mon accord. Toutefois, je souhaiterais si possible que vous puissiez me fixer un montant forfaitaire global en ce qui concerne l'honoraire de diligences, ceci dans le souci de maîtriser mes dépenses et honorer mes engagements" ;

Attendu qu'en retour, Maître D... a indiqué ne pas être en mesure de fixer un montant forfaitaire global mais a indiqué une fourchette pour chacune des phases de la procédure portant le total à une somme comprise entre 7 000 et 10 500 ;

Attendu que dès lors en l'absence de réitération de son accord sur les modalités proposées, monsieur Y... ne peut être considéré comme lié par ladite convention d'honoraires ; qu'il n'est produit aucun échange relatif à une réduction de l'honoraire de résultat à la demande de monsieur Y... ;

Attendu que de la même façon, nonobstant les indications de date et mentions de diligences figurant sur les factures adressées à monsieur Y..., il ne saurait être considéré que leur règlement a été effectué après service rendu et en toute connaissance de cause, ce qui ne peut s'appliquer qu'au paiement effectué en considération de l'ensemble des prestations fournies, une fois terminée la mission confiée ;

Attendu que ne peuvent être considérés comme effectués après service rendu les règlements intermédiaires intervenus en cours de procédure et qui, nonobstant l'émission de factures, ne valent en réalité qu'à titre de provision, lesdites factures ne comportant au demeurant aucun détail de la durée des diligences accomplies et la dernière portant menton des diligences à effectuer et étant prélevée sur l'indemnisation reçue de l'adversaire, ce que conteste précisément monsieur Y... ;

Attendu qu'il en résulte que la demande de restitution d'honoraires formée par monsieur Y... ne se heurte à aucune irrecevabilité de principe et que le litige ne peut être réduit à la seule facture impayée du 30 décembre 2013 ;

[
]

Attendu qu'en l'absence de convention, l'honoraire de résultat contesté par monsieur Y... auprès de Maître E... le 28 août 2014 n'est pas dû ;

Attendu que la SCP F...    -C... -G... ET ASSOCIES qui a encaissé une somme de 22 463,29 €, doit être condamnée à rembourser la somme de 11 030,30 € (22 463,29 € - 11 432,99 €) ;

Attendu que l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de LYON doit être infirmée en ce sens » (ordonnance, p. 4-6) ;

1°) Alors que, d'une part, il appartient à la partie qui conteste son acceptation du contrat de prouver que la nature et la portée des modifications qu'elle avait demandées remettaient en cause l'accord intervenu ; qu'en écartant l'existence d'une convention d'honoraires en raison de l'absence de réitération, par M. Y..., de son accord sur les modalités proposées par son avocat pour le règlement des honoraires, quand il appartenait à celui-ci de prouver que la nature et la portée de la précision qu'il avait sollicitée remettait effectivement en cause son accord sur cette convention, le délégué du premier président de la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°) Alors que, d'autre part, l'exécution du contrat en connaissance de cause implique l'acceptation de celui-ci ; qu'en écartant ainsi l'existence de la convention d'honoraires, après avoir pourtant constaté que M. Y... avait réglé les factures d'honoraires de son avocat à l'exception d'une seule facture, ce qui constituait de la part de celui-ci une exécution de cette convention en toute connaissance de cause, caractérisant dès lors une acceptation tacite de ladite convention, le délégué du premier président de la cour d'appel n'a pas tiré les bonnes conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°) Alors qu'en toute hypothèse, il n'appartient pas au juge de réduire le montant de l'honoraire dû à l'avocat dès lors que le principe et le montant de celui-ci ont été acceptés par le client après service rendu, que celui-ci ait été ou non précédé d'une convention ; qu'en réduisant néanmoins le montant des honoraires payés par M. Y... à la SCP JMGA, quand ces paiements ont été effectués après service rendu par l'avocat, le délégué du premier président a violé l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-22217
Date de la décision : 08/02/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

AVOCAT - Honoraires - Contestation - Paiement après service rendu - Définition - Portée

AVOCAT - Honoraires - Contestation - Paiement après service rendu - Conditions - Fin de la mission de l'avocat (non)

Il résulte des articles 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que le paiement après service rendu, dont la remise en cause est interdite, n'est pas subordonné à la fin de la mission de l'avocat et peut s'entendre des diligences facturées au fur et à mesure de leur accomplissement. Doit en conséquence être censurée l'ordonnance d'un premier président de cour d'appel qui décide que seul le paiement effectué par le client en considération de l'ensemble des prestations fournies par l'avocat, une fois sa mission terminée, peut être considéré comme effectué après service rendu


Références :

article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971

article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 14 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 08 fév. 2018, pourvoi n°16-22217, Bull. civ.Bull. 2018, II, n° 25
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, II, n° 25

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau, SCP Bouzidi et Bouhanna

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.22217
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