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26/06/2024 | FRANCE | N°12400371

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 26 juin 2024, 12400371


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


CF






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 26 juin 2024








Cassation




Mme CHAMPALAUNE, président






Arrêt n° 371 F-B


Pourvoi n° G 23-13.255














R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
___

______________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 JUIN 2024


l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adres...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 juin 2024

Cassation

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 371 F-B

Pourvoi n° G 23-13.255

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 JUIN 2024

l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 23-13.255 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis, après débats en l'audience publique du 14 mai 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1.Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 janvier 2023), M. [S], présentant une hémophilie A, a reçu, à compter de 1978, de nombreux produits sanguins et appris, en 1992, qu'il était contaminé par le virus de l'hépatite C.

2. Le 26 juillet 2013, après avoir refusé une offre d'indemnisation provisionnelle de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), il a saisi la juridiction administrative qui, par jugement du 3 juillet 2014, a accueilli sa demande d'indemnisation.

3. Le 24 septembre 2015, après avoir exécuté ce jugement, l'ONIAM a assigné la société Allianz IARD en sa qualité d'assureur du centre de transfusion sanguine de [Localité 4] (le CDTS) en remboursement des sommes versées à M. [S] et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (la caisse) qui a demandé le remboursement de ses débours.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'ONIAM fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que la preuve de la réalité d'une transfusion, qui repose sur l'ONIAM lorsque ce dernier a indemnisé la victime d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C (VHC) et demande à être garanti par l'assureur d'un établissement de transfusion sanguine, peut être administrée par tout moyen ; que cette preuve ne peut être subordonnée à la production d'un écrit contemporain à la transfusion ou d'une pièce médicale établie à l'occasion ou dans les suites de celle-ci ; qu'après avoir constaté, à propos des produits sanguins transfusés à la victime en décembre 1978, que les pièces médicales faisaient état d'un flacon n° 42119 à la date du 29 décembre 1978 et à l'en-tête du CDTS de [Localité 4] qui portait le nom de M. [S] comme receveur, la cour d'appel s'est fondée, pour retenir la transfusion comme non établie, sur la considération que « ce numéro n'apparaît sur aucune pièce médicale contemporaine » ; qu'en exigeant ainsi un écrit contemporain de la transfusion pour que soit administrée la preuve de la transfusion à M. [S] du lot fourni par l'assuré, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, et l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ».

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, et l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 :

5. Il résulte de ces textes que la preuve de l'administration de produits sanguins peut être rapportée par tout moyen.

6. Pour rejeter les demandes de l'ONIAM, l'arrêt retient que, si les pièces médicales versées par l'ONIAM font état d'un flacon numéroté, daté du 29 décembre 1978, à l'en-tête du CDTS avec l'indication du nom d'[K] [S], comme receveur, le numéro n'apparaît sur aucune pièce médicale contemporaine.

7. En statuant ainsi, alors que la preuve de l'administration de ce produit ne pouvait être subordonnée à la production d'une telle pièce, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. L'ONIAM fait le même grief à l'arrêt, alors « que la présomption d'origine transfusionnelle de la contamination bénéficie non seulement à la victime mais aussi à l'ONIAM, qui doit seulement établir qu'un faisceau d'éléments conférant à l'hypothèse transfusionnelle de la contamination un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que cette présomption légale de contamination transfusionnelle ne tombe que lorsque la probabilité d'une origine transfusionnelle est manifestement moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions ; qu'en retenant la seule circonstance que "l'origine de la transmission pourrait être nosocomiale" permettait d'écarter la présomption qui résultait de ce que les lots fournis par le CTS de [Localité 4] n'avait pas été innocentés, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 14 décembre 2020, et l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 102 de la loi du 4 mars 2002 et L. 1221-14 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 14 décembre 2020 :

9. Selon le premier de ces textes, en cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur.

10.La présomption instituée par ce texte est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance. Tel est normalement le cas lorsqu'il résulte de l'instruction que le demandeur s'est vu administrer, à une date où il n'était pas procédé à une détection systématique du virus de l'hépatite C à l'occasion des dons du sang, des produits sanguins dont l'innocuité n'a pas pu être établie, à moins que la date d'apparition des premiers symptômes de l'hépatite C ou de révélation de la séropositivité démontre que la contamination n'a pas pu se produire à l'occasion de l'administration de ces produits. Eu égard à la disposition selon laquelle le doute profite au demandeur, la circonstance que l'intéressé a été exposé par ailleurs à d'autres facteurs de contamination, résultant notamment d'actes médicaux invasifs ou d'un comportement personnel à risque, ne saurait faire obstacle à la présomption légale que dans le cas où il résulte de l'instruction que la probabilité d'une origine transfusionnelle est manifestement moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions (CE, 19 octobre 2011, n° 339670, publié au recueil).

11. Selon le huitième alinéa du second texte, l'office et les tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime, bénéficient dans le cadre de l'action contre les assureurs des structures reprises par l'Etablissement français du sang de la présomption d'imputabilité dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

12. Pour rejeter les demandes de l'ONIAM, l'arrêt retient que l'origine de la transmission pourrait être nosocomiale.
13. En statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter la présomption d'imputabilité, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

14. L'ONIAM fait le même grief à l'arrêt, alors « que la garantie de l'assureur de l'établissement de transfusion sanguine est due à l'ONIAM lorsqu'il est établi qu'au moins un produit a été fourni par l'établissement de transfusion sanguine pendant la période couverte par cette garantie et que la preuve de l'innocuité de ce produit n'a pu être rapportée ; qu'il appartient à l'assureur qui entend refuser sa garantie à raison de ce que le fait dommageable ne s'est pas produit pendant la période de validité du contrat d'assurance d'établir que la contamination n'a pas eu lieu au cours de cette période ; qu'en se fondant sur la considération que "l'absence de toute enquête ne permet pas non plus de déterminer avec certitude la date de contamination", et en exigeant ainsi que la date de contamination soit établie par l'ONIAM pour que la garantie de l'assureur puisse être engagée, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, et de l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système ».

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 :

15. Selon le septième alinéa de ce texte, lorsque l'office a indemnisé la victime d'une contamination, il peut directement demander à être garanti des sommes qu'il a versées par les assureurs des structures reprises par l'Etablissement français du sang.

16. Selon le huitième alinéa, les assureurs à l'égard desquels il est démontré que la structure qu'ils assurent a fourni au moins un produit sanguin labile ou médicament dérivé du sang, administré à la victime, et dont l'innocuité n'est pas démontrée, sont solidairement tenus de garantir l'office et les tiers payeurs pour l'ensemble des sommes versées et des prestations prises en charge.

17. Il résulte de ces textes que la garantie de l'assureur est due à l'ONIAM, lorsque l'origine transfusionnelle d'une contamination est admise, que l'établissement de transfusion sanguine qu'ils assurent a fourni au moins un produit administré à la victime pendant la période couverte par la garantie et que la preuve que ce produit n'était pas contaminé n'a pu être rapportée.

18. Pour rejeter les demandes de l'ONIAM l'arrêt relève qu'il n'est pas établi que les produits sanguins contaminés provenaient du CDTS, en l'absence de toute enquête permettant de déterminer avec certitude la date de contamination alors que M. [S] a subi de nombreuses injections de médicaments dérivés du sang depuis 1978, y compris au-delà de la période de validité du contrat d'assurance.

19. En statuant ainsi, alors qu'était en cause un produit sanguin dont l'innocuité n'avait pas été établie et qui provenait du CDTS pendant la période couverte par l'assureur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

20. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt rejetant les demandes de l'ONIAM entraîne la cassation du chef de dispositif rejetant les demandes de la caisse qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par celle-ci et la condamne à payer à l'ONIAM la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12400371
Date de la décision : 26/06/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Analyses

SANTE PUBLIQUE


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 janvier 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 26 jui. 2024, pourvoi n°12400371


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune
Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet, SARL Ortscheidt, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:12400371
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