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18/03/2015 | FRANCE | N°363985

France | France, Conseil d'État, 4ème / 5ème ssr, 18 mars 2015, 363985


Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés le 19 novembre 2012, le 19 février 2013 et le 29 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A...B..., demeurant ... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 11242 du 19 septembre 2012 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a, d'une part, rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision n° 4643 du 15 février 2011 par laquelle la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte-d'Azur-C

orse a rejeté sa plainte formée à l'encontre de M. C...D...et l'a, d'aut...

Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés le 19 novembre 2012, le 19 février 2013 et le 29 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A...B..., demeurant ... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 11242 du 19 septembre 2012 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a, d'une part, rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision n° 4643 du 15 février 2011 par laquelle la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte-d'Azur-Corse a rejeté sa plainte formée à l'encontre de M. C...D...et l'a, d'autre part, condamné au paiement d'une amende de 1 000 euros pour appel abusif ainsi qu'à 2 000 euros de dommages et intérêts à verser à ce dernier ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de M.B..., à la SCP Richard, avocat de M. D...et à la SCP Barthélémy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;

1. Considérant que, par une décision du 15 février 2011, la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins des régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse a rejeté la plainte présentée par M. B...contre M.D..., médecin traitant de sa fille et de son ancienne épouse ; que, par une décision du 19 septembre 2012 contre laquelle l'intéressé se pourvoit en cassation, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a rejeté son appel formé contre cette décision, lui a infligé une amende pour appel abusif à hauteur de 1 000 euros et l'a condamné à verser au défendeur une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

2. Considérant qu'en écartant toute mesure d'instruction supplémentaire comme non nécessaire, la chambre disciplinaire nationale a suffisamment motivé sa réponse à la demande d'enquête du requérant ; qu'alors même qu'elle n'aurait pas cité expressément l'ensemble des dispositions du code de la santé publique invoquées par le requérant, elle a également suffisamment motivé sa réponse au grief tiré du caractère prétendument tendancieux du certificat médical établi le 22 août 2008 par M. D...en faveur de l'ancienne épouse du requérant ; qu'enfin, aucun grief n'ayant été expressément articulé devant elle sur des fautes médicales qu'aurait commises M. D...à l'égard de la fille du requérant, la chambre disciplinaire nationale n'a pas omis de répondre à un tel grief ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 4127-28 du code de la santé publique : " La délivrance d'un rapport tendancieux ou d'un certificat de complaisance est interdite " ; que la chambre disciplinaire nationale, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier en jugeant que le certificat médical établi le 22 août 2008 se bornait, après avoir relaté un dire de la patiente, à indiquer les observations du praticien après examen et interrogatoire médical, a pu, sans commettre d'erreur de droit ni qualifier de manière inexacte le contenu de ce certificat, juger que celui-ci ne présentait aucun caractère tendancieux ;

4. Considérant que la chambre disciplinaire nationale a pu, sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis, juger qu'il ne comportait aucune preuve de ce que M. D... aurait effectué une double prescription de Mediator à l'ancienne épouse du requérant ; qu'elle n'a, sur ce point, pas davantage méconnu les règles relatives à la charge de la preuve ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen (...) " ;

6. Considérant que M.B..., qui articulait en appel un grief tiré de ce que M. D... avait méconnu, à l'égard de son ancienne épouse, l'obligation d'information à laquelle il aurait dû satisfaire s'agissant des prescriptions de Mediator qu'il faisait à celle-ci, soutient en cassation que la décision de la chambre disciplinaire nationale est entachée d'irrégularité, faute pour la juridiction d'appel d'avoir fait peser sur M. D...l'obligation d'apporter, en réponse à ce grief, la preuve que cette information avait bien été délivrée à sa patiente ; que M. B...ne saurait toutefois, s'agissant de règles relatives à l'administration de la preuve qui ne peuvent trouver à s'appliquer en l'absence de toute contestation, par le patient concerné, de la réalité de l'information fournie sur son état de santé, utilement invoquer le régime spécifique de preuve prévu par l'article L. 1111-2 du code de la santé publique cité ci-dessus ; que la juridiction d'appel n'a, par ailleurs, sur ce point, pas méconnu son office au regard de ses pouvoirs d'instruction ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-7 du code de la santé publique : " Toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé (...) / Elle peut accéder à ces informations (...) au plus tard dans les huit jours suivant sa demande et au plus tôt après qu'un délai de réflexion de quarante-huit heures aura été observé. (...) / Sous réserve de l'opposition prévue à l'article L. 1111-5, dans le cas d'une personne mineure, le droit d'accès est exercé par le ou les titulaires de l'autorité parentale (...) " ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un courrier du 8 avril 2010, M. B...a notamment demandé à M. D...de lui communiquer, s'agissant de sa fille mineure sur laquelle il exerçait l'autorité parentale et dont ce médecin assurait alors le suivi médical, le récapitulatif des consultations intervenues depuis janvier 2009 et les copies des courriers échangés avec d'autres praticiens au sujet de cette patiente ; que M. D...a répondu à cette demande par un envoi du 19 avril 2010 ;

9. Considérant que M. B...soutenait en appel qu'il avait, dès 2009 et à plusieurs reprises, demandé à M. D...l'accès, prévu par les dispositions rappelées ci dessus de l'article L. 1111-7 du code de la santé publique, aux informations concernant la santé de sa fille ; que, toutefois, compte tenu de la nature et de la généralité des demandes de renseignements qu'il avait formulées à l'époque, la chambre disciplinaire nationale a pu, sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis ni entacher sa décision d'erreur de droit, juger que la communication du dossier effectuée par M. D...avait satisfait aux obligations de délai fixées par l'article L. 1111-7 " à partir du moment où elle avait été sollicitée dans les conditions appropriées " ; qu'en jugeant qu'il n'était pas établi que l'envoi du 19 avril 2010 ne contenait pas toutes les pièces demandées qui étaient en possession du praticien, la chambre nationale n'a pas davantage dénaturé les pièces du dossier ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme de 3 500 euros à verser à M. D...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins, qui n'a pas la qualité de partie dans la présente instance ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.

Article 2 : M. B...versera à M. D...une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., à M. C...D...et au Conseil national de l'ordre des médecins.


Synthèse
Formation : 4ème / 5ème ssr
Numéro d'arrêt : 363985
Date de la décision : 18/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCÉDURE - INSTRUCTION - PREUVE - RÉGIME DE PREUVE DU DÉFAUT D'INFORMATION MÉDICALE (L - 1111-2 DU CSP) - CHAMP D'APPLICATION - EXCLUSION - JUGEMENT DISCIPLINAIRE D'UN MÉDECIN SUR PLAINTE D'UN TIERS.

54-04-04 L'article L. 1111-2 du code de la santé publique (CSP) prévoit qu'en cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information prévue par cet article a été délivrée à intéressé. Ces règles particulières de preuve du défaut d'information du patient ne s'appliquent pas en l'absence de toute contestation par le patient concerné de la réalité de l'information fournie sur son état de santé. En l'espèce, jugement disciplinaire d'un médecin sur plainte de l'ancien mari de la patiente du médecin. Régime de preuve de droit commun.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - PROCÉDURE DEVANT LES JURIDICTIONS ORDINALES - POUVOIRS DU JUGE DISCIPLINAIRE - CHARGE DE LA PREUVE - RÉGIME SPÉCIFIQUE DE PREUVE DU DÉFAUT D'INFORMATION MÉDICALE (L - 1111-2 DU CSP) - CHAMP D'APPLICATION - EXCLUSION - JUGEMENT DISCIPLINAIRE D'UN MÉDECIN SUR PLAINTE D'UN TIERS.

55-04-01-03 L'article L. 1111-2 du code de la santé publique (CSP) prévoit qu'en cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information prévue par cet article a été délivrée à intéressé. Ces règles particulières de preuve du défaut d'information du patient ne s'appliquent pas en l'absence de toute contestation par le patient concerné de la réalité de l'information fournie sur son état de santé. En l'espèce, jugement disciplinaire d'un médecin sur plainte de l'ancien mari de la patiente du médecin. Régime de preuve de droit commun.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 mar. 2015, n° 363985
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: Mme Maud Vialettes
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT ; SCP RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:363985.20150318
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