LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 septembre 2008), que le 25 septembre 1999, les époux X..., maîtres de l'ouvrage, ont conclu avec la société MLC Conception et réalisation (société MLC) un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan ; que la société Le Crédit lyonnais (société LCL) et la société Banque du bâtiment et des travaux publics (société BTP banque) ont émis des offres de prêt en décembre 1999 ; que la société AIOI Motor et general insurance company of Europe limited (société AIOI) a délivré le 25 février 2000 une garantie de livraison à prix et délai convenus ; que l'assurance dommages ouvrage, qui devait être obtenue dans un délai maximum de cinq mois de la signature du contrat de construction, a été souscrite le 9 mars 2000 auprès de la société Mutuelles du Mans ; qu'après abandon du chantier et mise en liquidation judiciaire le 7 juin 2001 de la société MLC, la société AIOI a exécuté sa garantie pour un montant de 179 216,74 ; que, reprochant aux sociétés LCL et BTP Banque d'avoir émis leurs offres de prêt sans avoir vérifié dans le contrat de construction l'existence de la référence à l'assurance dommages ouvrage et la justification de la garantie de livraison, et d'avoir débloqué les premiers fonds sans avoir eu communication des attestations d'assurance dommages ouvrage et de garantie de livraison, la société AIOI les a assignées, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, en réparation du préjudice subi ;
Sur le second moyen, qui est préalable :
Attendu que la société AIOI fait grief à l'arrêt de rejeter la demande, alors, selon le moyen :
1°/ que le prêteur ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte la référence de l'assurance de dommages souscrite par le maître de l'ouvrage en application de l'article L. 242 1 du code des assurances ; qu'en décidant que les banques n'avaient pas commis de faute en émettant des offres de prêt, en décembre 1999, alors qu'elle avait constaté que les époux X... n'avaient souscrit une assurance dommages ouvrage que le 9 mars 2000, la cour d'appel a violé les articles L. 231 2 et L. 231 10 du code de la construction et de l'habitation ;
2°/ qu'en décidant, pour écarter l'existence d'un lien de causalité entre la mise en jeu de la garantie de livraison et le manquement des banques à leurs obligations de vérifications, que l'obtention de l'assurance dommages ouvrage ne figurait pas au contrat de construction à titre de condition résolutoire, mais seulement de condition suspensive, de sorte que son accomplissement ultérieur avait permis au contrat d'entrer en vigueur au jour de sa conclusion, sans rechercher si la condition n'était pas affectée d'un terme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1176 et 1382 du code civil ;
3°/ qu'en décidant, pour écarter l'existence d'un lien de causalité entre la mise en jeu de la garantie de livraison et le manquement des banques dans leurs obligations de vérifications, que l'obtention de la garantie de livraison ne figurait pas au contrat de construction à titre de condition résolutoire, mais seulement suspensive, quant elle avait préalablement énoncé qu'il incombait aux emprunteurs de justifier de la garantie de livraison lors de la demande de prêt, ce dont il résultait que la garantie de livraison ne constituait pas une condition, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 231 2 et L. 231 10 du code de la construction et de l'habitation et l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le contrat de construction de maison individuelle était soumis aux conditions suspensives relatives à l'obtention d'une assurance dommages ouvrage et d'une garantie de livraison, la cour d'appel, qui a pu en déduire, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant relatif à l'absence de justification de la garantie de livraison à la date de l'octroi du prêt, que les banques n'avaient pas commis de faute dans l'octroi des prêts au regard des dispositions de l'article L. 231 10 du code de la construction et de l'habitation, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le premier moyen, ci après annexé :
Attendu que le second moyen étant rejeté, ce moyen, qui critique un motif erroné mais surabondant de l'arrêt relatif au préjudice, est dépourvu de portée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société AIOI aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société AIOI à payer la somme de 2 500 euros à la société BTP Banque ; rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Aioi motor et general insurance company of Europe limited.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Aioi Motor et
General Insurance Company of Europe Ltd de sa demande tendant à voir la banque LCL Le Crédit Lyonnais et la Banque du BTP condamnées in solidum à lui payer la somme de 179.216,74 euros en principal avec intérêts de droit à compter de l'assignation ;
AUX MOTIFS QUE au titre de son préjudice, la compagnie AIOI invoque la mise en jeu de la garantie de livraison qu'elle avait consentie aux époux X... ; qu'elle justifie globalement en cause d'appel, des débours correspondants à hauteur de 179.216,74 euros, dont il y aurait cependant lieu de déduire les primes payées par les souscripteurs en contrepartie de l'octroi de la garantie, et surtout la part de risque inhérente à tout contrat d'assurance ; qu'il en résulte que le préjudice de la compagnie AIOI n'est en réalité constitué que par une perte de chance de ne pas voir mettre en jeu la garantie, diminuée de la prime de souscription ; que le dossier de la compagnie AIOI ne permet pas en l'état de procéder à un tel calcul ;
ALORS QUE le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en énonçant, pour refuser d'évaluer le montant du préjudice dont elle avait constaté l'existence en son principe au motif que le dossier de la compagnie AIOI ne (permettait) pas en l' état de procéder à un tel calcul, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Aioi Motor et
General Insurance Company of Europe Ltd de sa demande tendant à voir la banque LCL Le Crédit Lyonnais et la Banque du BTP condamnées in solidum à lui payer la somme de 179.216,74 euros en principal avec intérêts de droit à compter de l'assignation ;
AUX MOTIFS QUE les emprunteurs doivent justifier de la garantie de livraison ; qu'en l'espèce, en décembre 1999, époque de l'octroi des prêts qui leur étaient consentis par le Crédit Lyonnais et la Banque du BTP, les époux X... ne disposaient pas encore de la garantie de livraison que la Compagnie AIOI ne leur a accordé que le 25 février 2000 ; qu'à défaut de justification de la garantie de livraison, les banques ont bien manqué, lors de l'octroi des prêts, à l'obligation légale de vérification que leur imposait l'article L.231-10 du code de la construction et de l'habitation ;
ET AUX MOTIFS QUE pour débouter la société AIOI de ses demandes, les premiers juges approuvés en cela par les banques, ont considéré qu'elle ne prouvait pas qu'il existait, à la date du 25 février 2000 à laquelle elle délivrait aux époux X... une attestation de garantie de livraison, le moindre élément qui eût pu l'amener à refuser sa garantie ; que la compagnie AIOI conteste cette appréciation, estimant au contraire que sa garantie aurait été privée de tout effet si les banques avaient constaté, comme elles en avaient l'obligation, que les conditions suspensives n'étaient pas réunies au jour de l'octroi des prêts et à celui de leur déblocage partiel ; que se référant à la théorie de l'équivalence des conditions, elle estime donc rapporter la preuve du lien de causalité entre son préjudice et les fautes des banques ; mais qu'en réalité, l'obtention de l'assurance dommage ouvrage et de la garantie de livraison ne figurait pas au contrat de construction à titre de condition résolutoire, mais seulement suspensive ; que son accomplissement ultérieur a permis au contrat d'entrer en vigueur au jour de sa conclusion ; que la mise en jeu de la garantie de livraison, ou la perte de chance de ne pas la voir mettre en jeu, n'a dès lors aucun rapport de cause à effet avec le manquement des banques dans leurs obligations de vérifications ; que seule la défaillance avérée du constructeur a donc entraîné la mise en jeu de la garantie correspondante.
1°) ALORS QUE le prêteur ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte la référence de l'assurance de dommages souscrite par le maître de l'ouvrage en application de l'article L 242-1 du code des assurances ; qu'en décidant que les banques n'avaient pas commis de faute en émettant des offres de prêt, en décembre 1999, alors qu'elle avait constaté que les époux X... n'avaient souscrit une assurance dommages ouvrage que le 9 mars 2000, la cour d'appel a violé les articles L. 231-2 et L 231-10 du code de la construction et de l'habitation ;
2°) ALORS QU 'en décidant, pour écarter l'existence d'un lien de causalité entre la mise en jeu de la garantie de livraison et le manquement des banques dans leurs obligations de vérifications, que l'obtention de l'assurance dommages ouvrage ne figurait pas au contrat de construction de construction à titre de condition résolutoire, mais seulement suspensive, de sorte que son accomplissement ultérieur avait permis au contrat d'entrer en vigueur au jour de sa conclusion, sans rechercher si la condition n'était pas affectée d'un terme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1176 et 1382 du code civil ;
3°) ALORS QU 'en décidant, pour écarter l'existence d'un lien de causalité entre la mise en jeu de la garantie de livraison et le manquement des banques dans leurs obligations de vérifications, que l'obtention de la garantie de livraison ne figurait pas au contrat de construction à titre de condition résolutoire, mais seulement suspensive, quand elle avait préalablement énoncé qu'il incombait aux emprunteurs de « justifier » de la garantie de livraison lors de la demande de prêt, ce dont il résultait que la garantie de livraison ne constituait pas une condition, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 231-2 et L.231-10 du code de la construction et de l'habitation et l'article 1382 du code civil.