AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Dominique,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13ème chambre, en date du 4 février 2005, qui, pour recours à la prostitution d'un mineur, l'a condamné à 2 500 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 15 mars 2006 où étaient présents : M. Cotte président, M. Lemoine conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Corneloup, Mme Ract-Madoux conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Charpenel ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LEMOINE, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, et de la société civile professionnelle MONOD et COLIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL, Me PIWNICA ayant eu la parole en dernier ;
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6.3 de la Convention européenne des droits de l'homme, 225-12-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Dominique X... coupable de recours à la prostitution de mineur, en répression, l'a condamné à une amende de 2 500 euros et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs qu'il ressort des procès-verbaux de ce dossier que, dans le cadre d'une mission de lutte contre la prostitution, menée à Paris dans le 17ème arrondissement, les policiers ont organisé la surveillance d'une jeune fille qui se prostituait à l'angle de l'avenue des Ternes et du boulevard Pereire ;
qu'ils ont remarqué qu'elle interpellait les automobilistes de sexe masculin ; que, vers 4 heures 00, un homme, au volant d'un véhicule immatriculé ..., s'est arrêté à sa hauteur et l'a fait monter à son bord après quelques minutes de discussion par la fenêtre, avant de poursuivre sa route sur l'avenue des Ternes ; que les policiers ont alors procédé au contrôle des deux passagers du véhicule ; que Dominique X..., conducteur du véhicule, a immédiatement déclaré aux policiers qu'il avait pris la jeune fille en stop et qu'il n'avait pas besoin de payer pour avoir des relations sexuelles, puis il a déclaré, lors de son interrogatoire dans l'après-midi, que la jeune fille se disputait avec une autre prostituée, qu'elle était montée à son insu dans son véhicule et qu'il voulait la déposer un peu plus loin, au moment où il a été arrêté par les policiers ; que la jeune fille a déclaré au contraire qu'elle était prostituée, qu'elle était montée dans le véhicule avec l'un de ses clients avec lequel elle avait déjà eu des relations sexuelles à 3 ou 4 reprises, après s'être mis d'accord avec lui pour avoir un rapport sexuel à l'hôtel pour la somme de 150 euros ; que les déclarations des policiers sont confirmées par celles de Daniéla Y... et ne sont pas contredites par les déclarations divergentes du prévenu qui a donné la nuit du contrôle et au moment de son audition au commissariat deux versions différentes ; que ces éléments établissent à l'évidence que Dominique X... a sollicité en échange d'une rémunération des relations sexuelles de la part de Daniéla Y... et qu'il a menti ;
que l'article 225-12-1 du Code pénal punit le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle de la part d'un mineur qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende ; que, si l'infraction est constituée dès lors que la personne qui se livre à la prostitution est mineure, l'âge de Daniéla Y..., née le 14 février 1987, qui avait 17 ans au moment des faits, est établi par la photocopie de son passeport roumain, qui porte sa photographie d'identité et sa signature ; que la Cour constate, d'une part, que la photographie d'identité correspond à la personne qui a été photographiée par les policiers au cours de l'enquête et que la signature du passeport est la même que celles apposées par Daniéla Y... au bas des procès-verbaux pendant l'enquête préliminaire ;
que, d'autre part, si le prévenu prétend qu'il ne connaissait pas l'état de minorité de Daniéla Y... et tire argument du fait que les déclarations de celle-ci n'ont pas été enregistrées pendant l'enquête, celui-ci est sans intérêt pour invoquer d'éventuelles nullités qui ne lui font pas grief et soutient à tort que la minorité de cette jeune fille n'était pas apparente alors qu'il n'était pas possible d'ignorer l'état de mineure de Daniéla Y... qui ressort à l'évidence de son apparence physique ; qu'il résulte de ces éléments que les faits commis le 20 avril 2004 sont établis et que l'infraction de recours à la prostitution d'une personne est caractérisée dans tous ses éléments constitutifs ;
"1 ) alors qu'aux termes de l'article 4-VI de l'ordonnance du 2 février 1945, "les interrogatoires des mineurs placés en garde à vue visés à l'article 64 du Code de procédure pénale font l'objet d'un enregistrement audiovisuel" ; qu'en l'espèce, pour établir qu'il avait raisonnablement pu ignorer la minorité de Daniéla Y..., Dominique X... faisait valoir que les policiers, qui avaient interrogé cette personne dans le cadre de sa garde à vue pour racolage, n'avaient procédé à aucun enregistrement audiovisuel, ce qui démontrait qu'ils n'avaient pas conscience de sa minorité ; qu'en se bornant à énoncer que Dominique X... était sans intérêt à invoquer les nullités affectant la garde à vue de Daniéla Y..., la cour d'appel, qui n'a pas répondu à ce moyen, a privé sa décision de base légale ;
"2 ) alors qu'en se bornant à énoncer qu'il n'était pas possible d'ignorer l'état de mineure de Daniéla Y... qui ressort à l'évidence de son apparence physique, la cour d'appel, qui n'a pas constaté la connaissance par le prévenu de l'état de minorité de cette personne, âgée de 17 ans au moment des faits, a privé sa décision de base légale ;
"3 ) alors que tout justiciable a le droit de solliciter des mesures d'instruction permettant la manifestation de la vérité, les juridictions ne pouvant s'y opposer qu'en démontrant, par une décision motivée, qu'une telle mesure serait inutile ou impossible ;
que, dans ses conclusions d'appel, Dominique X... faisait valoir qu'en l'état des éléments du dossier, l'âge réel de Daniéla Y... demeurait incertain pour en déduire qu'une expertise de son âge osseux était nécessaire ; qu'en se bornant à énoncer que l'âge de cette personne était établi par la photocopie de son passeport roumain, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"4 ) alors qu'en déduisant d'une photographie d'un passeport, dont elle ne précisait pas la date, que l'état de mineure de Daniéla Y... ressort à l'évidence de son apparence physique, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que cet état résultait de l'apparence physique de cette personne au moment des faits, a privé sa décision de base légale" ;
Attendu que, pour écarter les allégations du prévenu qui soutenait n'avoir pas eu connaissance de la minorité de Daniéla Y..., l'arrêt énonce qu'il n'était pas possible d'ignorer l'état de minorité de cette jeune femme qui ressort à l'évidence de son apparence physique ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision dès lors qu'elle a souverainement apprécié, au vu des éléments de preuve contradictoirement débattus, que l'élément intentionnel de l'infraction était caractérisé, le prévenu n'ayant pu se méprendre sur l'âge de la victime ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que Dominique X... devra payer à la fédération "La voix de l'enfant" au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf mars deux mille six ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;