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14/11/2019 | FRANCE | N°18-21664

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 novembre 2019, 18-21664


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 juillet 2018), que la société Peugeot Citroën automobiles (la société PCA) a chargé la société Gefco, commissionnaire de transport, de l'organisation du transport de deux-cent-trente-et-un véhicules neufs, assurés auprès des sociétés Axa Corporate solutions assurance, CNA Insurance Company Limited, AIG Europe Limited, XL Insurance Company Limited, Royal et Sun Alliance Insurance PLC, KA Köln Assekuranz Agentur GmbH, Great

Lakes Reinsurance (UK) PLC et Torus Insurance Marketing Limited, la société S...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 juillet 2018), que la société Peugeot Citroën automobiles (la société PCA) a chargé la société Gefco, commissionnaire de transport, de l'organisation du transport de deux-cent-trente-et-un véhicules neufs, assurés auprès des sociétés Axa Corporate solutions assurance, CNA Insurance Company Limited, AIG Europe Limited, XL Insurance Company Limited, Royal et Sun Alliance Insurance PLC, KA Köln Assekuranz Agentur GmbH, Great Lakes Reinsurance (UK) PLC et Torus Insurance Marketing Limited, la société Starstone Services Limited venant aux droits de cette dernière (les assureurs) ; que la société Gefco a confié les opérations matérielles de transport à la société Euro cargo rail, qui a chargé les véhicules sur des wagons en vue de leur acheminement par le réseau ferré national ; que, le 5 mars 2013, la rupture d'une caténaire a provoqué d'importants dommages auxdits véhicules ; que la société PCA et les assureurs ont assigné la société Gefco, la société Euro cargo rail et l'établissement public Réseau ferré de France, devenu SNCF Réseau (l'établissement public), en responsabilité et indemnisation ; que ce dernier a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative ;

Attendu que l'établissement public fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction judiciaire compétente pour connaître de l'action en responsabilité dirigée contre lui, alors, selon le moyen :

1°/ qu'une action tendant à la réparation d'un dommage causé par un ouvrage public relève de la compétence des juridictions judiciaires dans la seule hypothèse où elle est intentée par l'usager d'un service public industriel et commercial utilisant l'ouvrage en cette qualité ; que le seul fait d'utiliser un ouvrage public ne confère pas la qualité d'usager du service public industriel et commercial qui en assure la gestion ; qu'en l'occurrence, en déduisant la compétence des juridictions judiciaires pour connaître de l'action en responsabilité engagée par la société PCA à l'encontre de SNCF Réseau du fait que cette société était utilisatrice du réseau ferroviaire, la cour d'appel a violé les lois des 16-24 août 1790 et du 28 pluviôse an VIII, ainsi que le décret du 16 fructidor an III ;

2°/ que la qualité d'usager d'un service public industriel et commercial est reconnue à celui qui bénéficie personnellement et directement des prestations en cause ; qu'en se fondant sur la présence d'une chaîne contractuelle rendant la société PCA utilisatrice du réseau ferroviaire dont SNCF Réseau a la charge sans rechercher si la société PCA bénéficiait personnellement et directement de prestations dues par le service à son égard, pour estimer que le litige relevait de la compétence des juridictions judiciaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des lois des 16-24 août 1790 et du 28 pluviôse an VIII, ainsi que du décret du 16 fructidor an III ;

Mais attendu que, conformément à l'article L. 2111-9 du code des transports, l'établissement public Réseau ferré de France, devenu SNCF Réseau à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, a la qualité d'établissement public national à caractère industriel et commercial et est le gestionnaire du réseau ferré national ; que la voie ferrée et ses dépendances ont le caractère d'ouvrages publics ; que, si les actions en responsabilité dirigées contre l'exploitant d'un service public en raison des dommages causés aux tiers par les ouvrages publics qui concourent à son activité ressortissent à la juridiction administrative, la juridiction judiciaire a seule compétence pour connaître des dommages causés à l'usager d'un service public industriel et commercial à l'occasion de la fourniture de la prestation due par le service à son égard, peu important que la cause des dommages réside dans un vice de conception, dans l'exécution de travaux publics ou dans l'entretien ou le fonctionnement d'un ouvrage public ;

Et attendu qu'après avoir relevé que la société PCA a conclu un contrat de commission de transport avec la société Gefco, qui a elle-même contracté avec la société Euro cargo rail, titulaire d'une licence d'entreprise ferroviaire, l'arrêt retient que le dommage invoqué par la société PCA s'inscrit dans une chaîne contractuelle qui la rend utilisatrice du réseau ferroviaire ; qu'ayant ainsi fait ressortir que cette société bénéficiait de la prestation de mise à disposition de l'infrastructure ferroviaire fournie par l'établissement public, la cour d'appel en a exactement déduit, sans avoir à procéder à la recherche inopérante visée par la seconde branche du moyen, qu'elle devait être regardée comme un usager de ce service public industriel et commercial et que, par suite, la juridiction judiciaire avait compétence pour connaître du litige ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'établissement public SNCF Réseau aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société SNCF Réseau.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit le tribunal de commerce de Nanterre compétent pour connaître de l'action en responsabilité engagée à l'encontre de l'établissement public SNCF Réseau par la société Peugeot Citroën automobiles et ses assureurs et de lui avoir renvoyé l'affaire ;

AUX MOTIFS QU'il est constat que la société Peugeot Citroën a souscrit un contrat de commission de transport avec la société Gefco, qui elle-même en a souscrit un avec la société Euro Cargo Rail, laquelle est usager du service public délivré par l'Epic SNCF Réseau ; QUE pour voir écarter la compétence du juge judiciaire, l'Epic SNCF Réseau dénie à la société Peugeot Citroën tout lien direct et personnel avec elle et, ainsi, sa qualité d'usager du service public industriel et commercial qu'elle délivre, en déduisant qu'une recherche de responsabilité au titre du défaut d'entretien d'un ouvrage public emporte la compétence de la juridiction administrative ; mais QU'il sera relevé que le dommage dont la société Peugeot Citroën se prévaut s'inscrit dans le cadre d'une chaîne contractuelle qui la rend utilisatrice du réseau ferroviaire dont l'Epic SNCF Réseau a la charge, sans qu'il conteste cette qualité à la société Euro Cargo Rail ou la société Gefco, de sorte qu'il est mal venu à vouloir faire prévaloir sur cette qualité et la recherche de responsabilité qui en découle, celle de victime du défaut d'entretien d'un ouvrage public ; QU'infirmant le jugement entrepris en son entier, la cour dira donc le tribunal de commerce de Nanterre compétent pour connaître de ce litige ;

1°) ALORS QU'une action tendant à la réparation d'un dommage causé par un ouvrage public relève de la compétence des juridictions judiciaires dans la seule hypothèse où elle est intentée par l'usager d'un service public industriel et commercial utilisant l'ouvrage en cette qualité ; que le seul fait d'utiliser un ouvrage public ne confère pas la qualité d'usager du service public industriel et commercial qui en assure la gestion ; qu'en l'occurrence, en déduisant la compétence des juridictions judiciaires pour connaître de l'action en responsabilité engagée par la société Peugeot Citroën automobiles (PCA) à l'encontre de SNCF Réseau du fait que cette société était utilisatrice du réseau ferroviaire, la cour d'appel de Versailles a violé les lois des 16-24 août 1790 et du 28 pluviôse an VIII, ainsi que le décret du 16 fructidor an III ;

2°) ALORS QUE la qualité d'usager d'un service public industriel et commercial est reconnue à celui qui bénéficie personnellement et directement des prestations en cause ; qu'en se fondant sur la présence d'une chaîne contractuelle rendant la société Peugeot Citroën automobiles utilisatrice du réseau ferroviaire dont SNCF Réseau a la charge sans rechercher si la société PCA bénéficiait personnellement et directement de prestations dues par le service à son égard, pour estimer que le litige relevait de la compétence des juridictions judiciaires, la cour d'appel de Versailles a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des lois des 16-24 août 1790 et du 28 pluviôse an VIII, ainsi que du décret du 16 fructidor an III.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-21664
Date de la décision : 14/11/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d'application - Litige opposant un service public industriel et commercial à ses usagers - Définition - Cas - Litige concernant les dommages causés à l'occasion de la fourniture de la prestation

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d'application - Litige opposant un service public industriel et commercial à ses usagers - Usagers - Définition - Personne bénéficiant des prestations du service en cause - Applications diverses

Après avoir relevé que le propriétaire de marchandises ayant été endommagées à l'occasion de leur acheminement par le réseau ferroviaire national, à la suite de la rupture d'une caténaire, avait conclu un contrat avec un commissaire de transport, qui avait lui-même contracté avec une société titulaire d'une licence d'entreprise ferroviaire, et retenu que le dommage invoqué par le propriétaire de ces marchandises s'inscrivait dans une chaîne contractuelle qui le rendait utilisateur du réseau ferroviaire, une cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que ledit propriétaire bénéficiait de la prestation de mise à disposition de l'infrastructure ferroviaire fournie par l'établissement public SNCF réseau, en a exactement déduit qu'il devait être regardé comme un usager de ce service public industriel et commercial et que, par suite, la juridiction judiciaire avait compétence pour connaître de l'action en responsabilité exercée à l'encontre de cet établissement public


Références :

lois des 16-24 août 1790 et du 28 pluviôse an VIII

décret du 16 fructidor an III.

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 03 juillet 2018

Sur la compétence judiciaire s'agissant des dommages causés par un service public industriel et commercial à un usager à l'occasion de la fourniture de la prestation, à rapprocher :1re Civ., 20 mai 2009, pourvoi n° 07-20680, Bull. 2009, I, n° 103 (cassation) ;1re Civ., 14 avril 2010, pourvoi n° 09-11973, Bull. 2010, I, n° 100 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 14 nov. 2019, pourvoi n°18-21664, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.21664
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