LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 mai 2022
Rejet
Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 294 F-B
Pourvoi n° N 20-23.298
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 11 MAI 2022
La société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 20-23.298 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Institut de recherche biologique (IRB), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société Institut de recherche biologique a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société La Poste, de Me Ridoux, avocat de la société Institut de recherche biologique, après débats en l'audience publique du 15 mars 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 octobre 2020), la société Institut de recherche biologique (la société IRB), spécialisée dans la fabrication et la vente, notamment en ligne, de compléments alimentaires et de produits cosmétiques, a signé, à compter de 2006, avec la société La Poste (La Poste), des contrats « Colissimo Entreprise » ayant pour objet la prise en charge, l'acheminement et la distribution de colis à destination de ses clients.
2. Reprochant à La Poste des retards, pertes et avaries au cours de l'année 2012, la société IRB lui a adressé une réclamation et l'a mise en demeure, à titre principal, d'y apporter une réponse et, à titre subsidiaire, de lui payer une certaine somme à titre d'indemnisation.
3. Le 7 mars 2013, la société Itinsell, créatrice d'un logiciel « Itrack » permettant aux commerçants et vendeurs à distance de contrôler les expéditions, la gestion des incidents de livraison et les procédures administratives auprès des transporteurs, indiquant agir au nom de ses clients, dont la société IRB, a saisi le médiateur du groupe La Poste « de l'ensemble des réclamations ouvertes par leurs soins relatives aux colis expédiés antérieurement au 31 octobre 2012 et non clôturées à ce jour ».
4. Le médiateur du groupe La Poste a déclaré ces demandes « irrecevables ».
5. Par acte du 8 août 2013, la société IRB a assigné La Poste en vue de voir engager sa responsabilité au titre de l'inexécution de ses obligations contractuelles pour des colis envoyés entre le 1er janvier 2012 et le 30 avril 2013, sollicitant l'application de la clause pénale et la réparation de ses préjudices de perte de clientèle et d'image.
Examen des moyens
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, et sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
7. La Poste fait grief à l'arrêt de déclarer nulles les stipulations des clauses des articles 2.2, 11.1 et 17.1 de ses conditions générales de vente dans leurs versions de mars 2011 et mars 2012, telles que citées au dispositif de l'arrêt, qui font dépendre le point de départ du délai d'acheminement d'un colis de son enregistrement dans le système de traitement automatisé de La Poste et prévoient que les informations fournies par le système d'information de La Poste, issues des « flashages » des colis lors des différentes étapes de son acheminement, font foi entre les parties pour déterminer l'occurrence d'un retard, d'une perte ou d'une avarie, alors :
« 1°/ que la possibilité effective dont dispose le cocontractant de faire appel à d'autres prestataires ou à d'autres types de contrat pour l'exécution de ses demandes exclut toute soumission ou tentative de soumission de ce dernier à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; que, dans ses conclusions, La Poste faisait valoir l'absence de toute soumission de la société IRB, observant que l'acheminement de colis est une activité ouverte à la concurrence et qu'elle-même n'est qu'un acteur, parmi d'autres de ce marché ; qu'elle observait encore que la société IRB avait choisi de conclure, pour l'envoi de ses colis, un contrat de la gamme Colissimo Entreprise, impliquant un traitement automatisé et qu'elle avait reconduit, depuis 2006, ses relations contractuelles avec La Poste, bien qu'elle puisse y mettre fin chaque année, sans jamais contester les clauses des conditions générales de vente ; qu'en se bornant cependant à relever, pour retenir la soumission de la société IRB à des clauses créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, partant prononcer la nullité desdites clauses, qu' "il est établi que les clauses litigieuses sont insérées dans les conditions générales de vente de La Poste et qu'elles sont quasiment identiques dans tous les contrats conclus par la société IRB entre 2006 et 2014 et se retrouvent sans modification possible dans l'ensemble des contrats souscrits par des entreprises avec La Poste", sans rechercher si la société IRB, qui n'avait jamais contesté les clauses litigieuses, n'avait pas la possibilité effective de s'adresser à d'autres prestataires ou de conclure d'autres types de contrats avec La Poste, de sorte qu'il n'y avait aucune obligation subie par le partenaire commercial, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa version issue de la loi du 27 juillet 2010, applicable au litige ;
2°/ que ne crée pas un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties la clause qui, pour déterminer l'étendue exacte de l'engagement de la société prestataire, se borne à prévoir que le point de départ du délai de distribution est fixé au moment de l'enregistrement de la première saisie postale dans le système d'information ; que, pour les colis en nombre, imposant un traitement informatisé, La Poste ne s'engage au respect d'un délai d'acheminement minimal qu'à compter de l'enregistrement, par flashage, des colis dans le système d'information automatisé ; qu'en énonçant, pour déclarer nulle la clause de l'article 2.2 des conditions générales de vente de la gamme Colissimo Entreprise, stipulant que "le colis est pris en charge par La Poste à compter de l'enregistrement de la première saisie postale dans le système d'information de La Poste (flashage)" que "les dispositions critiquées font dépendre le point de départ du délai d'acheminement d'un colis exclusivement de son enregistrement dans le système d'information de La Poste alors même que La Poste s'engage au respect de délais d'acheminement minimum", quand le constat que La Poste s'engageait au respect de délais d'acheminement minimum n'était pas de nature à caractériser l'illicéité de la clause définissant ce délai d'acheminement au regard de la date d'enregistrement du colis dans le système d'information, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa version issue de la loi du 27 juillet 2010, applicable au litige ;
3°/ que n'est pas exclusive de toute preuve contraire la clause qui stipule que les informations issues du système automatisé de traitement des colis font foi entre les parties ou qui énonce que ces informations prévalent sur celles mentionnées sur le bordereau de dépôt ; que les articles 2.2, 11 et 17.1 des conditions générales de vente de la gamme Colissimo Entreprise se bornent à prévoir, respectivement, que "les différentes informations fournies par le système d'information de La Poste issues des flashages des colis par La Poste font foi.", (article 2.2), que "les Parties conviennent que les informations issues du système d'information de La Poste et liées à la prise en charge, à l'acheminement, à la notification et à la distribution le cas échéant remontées par flashage des colis lors de leur prise en charge, acheminement, la notification et distribution prévalent sur celles renseignées dans le bordereau de dépôt.", qu'"en toute hypothèse, les Parties conviennent que les modifications apportées par La Poste et intégrées dans le système d'information de La Poste font foi entre les Parties.", (article 11) et "Pour les colis de la gamme Colissimo Entreprise, qui font l'objet d'un suivi jusqu'à leur destination, les différentes informations fournies par le système d'information de La Poste issues des flashages des colis lors des différentes étapes d'acheminement (prise en charge, transport, notification au destinataire, le cas échéant, et distribution) font foi entre les Parties pour déterminer l'occurrence ou non d'un retard (en cas d'engagement de délai) ou d'une perte ou avarie.", (article 17.1) ; qu'en énonçant, pour annuler ces clauses contractuelles, qu'"il ressort des dispositions litigieuses que le système d'information de La Poste prévaut sur tout autre élément de preuve que son cocontractant pourrait vouloir apporter et qui pourrait contredire les informations qui y sont contenues", quand aucune des stipulations susvisées n'excluait la possibilité d'une preuve contraire et que les informations issues du système de traitement automatisé des colis ne prévalaient que sur les mentions figurant au bordereau de dépôt, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des articles 2.2, 11 et 17.1 des conditions générales de la gamme Colissimo Entreprise, en méconnaissance du principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis. »
Réponse de la Cour
8. En premier lieu, après avoir rappelé que l'élément de soumission ou de tentative de soumission de la pratique de déséquilibre significatif implique la démonstration de l'absence de négociation effective ou l'usage de menaces ou de mesures de rétorsion visant à forcer l'acceptation impliquant cette absence de négociation effective, l'arrêt retient qu'il est établi que les clauses litigieuses sont insérées dans les conditions générales de vente de La Poste et qu'elles sont quasiment identiques dans tous les contrats conclus par la société IRB entre 2006 et 2014 et se retrouvent sans modification possible dans l'ensemble des contrats souscrits par des entreprises avec La Poste. Il en déduit que les clauses contestées n'ont pas fait l'objet d'une négociation effective entre les parties.
9. En l'état de ces constatations et appréciations souveraines, établissant la soumission de la société IRB aux conditions contractuelles édictées par La Poste et dès lors que celle-ci ne soutenait pas qu'elle offrait d'autres propositions commerciales à ses clients, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche invoquée par la première branche, a légalement justifié sa décision.
10. En second lieu, après avoir énoncé que l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif peut notamment se déduire d'une absence totale de réciprocité ou de contrepartie à une obligation, ou encore d'une disproportion importante entre les obligations respectives des parties, l'arrêt relève que les conditions générales de La Poste prévoient, à l'article 2-2, que les différentes informations fournies par le système d'information de La Poste issues des « flashages » des colis par La Poste font foi, à l'article 11.1, que les parties conviennent que les informations issues du système d'information de La Poste et liées à la prise en charge, à l'acheminement, à la notification et à la distribution le cas échéant remontées par « flashage » des colis lors de leur prise en charge, acheminement, la notification et distribution prévalent sur celles renseignées dans le bordereau de dépôt, et, à l'article 17.1, que pour les colis de la gamme Colissimo Entreprise, qui font l'objet d'un suivi jusqu'à leur destination, les différentes informations fournies par le système d'information de La Poste issues des « flashages » des colis lors des différentes étapes d'acheminement (prise en charge, transport, notification au destinataire, le cas échéant, et distribution) font foi entre les parties pour déterminer l'occurrence ou non d'un retard (en cas d'engagement de délai) ou d'une perte ou avarie. Il retient qu'ainsi, d'un côté, ces articles prévoient que le système d'information de La Poste prévaut sur tout autre élément de preuve que son cocontractant pourrait vouloir apporter et qui pourrait contredire les informations qui y sont contenues, cependant qu'en dépendent la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de La Poste et l'indemnisation en résultant, et, de l'autre, qu'ils font dépendre le point de départ du délai d'acheminement d'un colis exclusivement de son enregistrement dans le système d'information de La Poste, quand celle-ci s'engage au respect de délais d'acheminement minimum. Il en déduit que ces clauses créent au détriment de la société cocontractante de La Poste un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, sans que celle-ci ne rapporte la preuve de la compensation de ce déséquilibre par d'autres clauses du contrat.
11. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, c'est sans dénaturer les clauses litigieuses, dont l'ambiguïté nécessitait l'interprétation, que la cour d'appel a déclaré nulles ces clauses pour déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, au sens de l'article L. 442-6, I, 2°, du code de commerce.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
13. La Poste fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce que soient jugées irrecevables comme prescrites les demandes relatives à des colis déposés entre le 7 mars 2012 et le 8 août 2012, pour les envois relevant d'une prescription d'un an, et les demandes relatives à des colis déposés entre le 7 septembre 2012 et le 8 février 2013, pour les envois relevant d'une prescription de six mois, et d'avoir, en conséquence, ordonné une mesure d'expertise en vue de déterminer l'existence de retards, pertes ou avaries pour ces colis, alors :
« 2°/ que la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation ; que la seule saisine d'un médiateur n'est pas, en l'absence de commencement de la médiation, suspensive de prescription ; qu'en retenant cependant, pour dire que le délai de prescription avait été suspendu entre le 7 mars 2013, date de la saisine du médiateur et le 8 août 2013, date de l'assignation, que "la saisine écrite du médiateur doit être considérée comme marquant le début de la suspension du délai de prescription" dès lors que cette saisine consacre la volonté des parties de recourir à une mesure de médiation, quand la seule saisine du médiateur ne constitue ni l'accord écrit des parties, ni la première réunion de médiation, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 2238 du code civil, dans sa rédaction, issue de la loi du 22 décembre 2010, applicable au litige ;
3°/ que la saisine d'un médiateur jugée irrecevable n'est pas suspensive de prescription, peu important le bien-fondé de cette décision ; qu'en énonçant de façon inopérante, pour dire que le délai de prescription avait été suspendu entre le 7 mars 2013, date de la saisine du médiateur et le 8 août 2013, date de l'assignation, que "si le médiateur a, par lettre du 29 mars 2013, décidé de "classer" cette demande de médiation, prétextant la procédure judiciaire diligentée à l'encontre de La Poste, et, par lettre du 16 avril 2013, confirmé l'irrecevabilité de la demande de médiation, il a, dans une lettre du 28 juin 2013, reporté son intervention à l'issue du traitement des réclamations par la société La Poste de sorte que la mesure de médiation n'a pu se mettre en place du fait du médiateur", la cour d'appel a encore violé, par refus d'application, l'article 2238 du code civil, dans sa rédaction, issue de la loi du 22 décembre 2010, applicable au litige ;
4°/ que par lettre du 16 avril 2013, le médiateur du groupe La Poste a confirmé l'irrecevabilité de la demande formée par la société Itinsell, concernant 492 125 réclamations pour des motifs et clients différents, accompagnée d'une palette de 610 kg de dossiers, au motif, notamment, que "la demande, par son ampleur, est dénuée de tout caractère raisonnable et ne réponds pas à l'esprit de la médiation, ce qui ne me permet pas de la traiter" ; qu'en se bornant à affirmer, pour dire que le délai de prescription avait été suspendu entre le 7 mars 2013, date de la saisine du médiateur et le 8 août 2013, date de l'assignation, que "si le médiateur a, par lettre du 29 mars 2013, décidé de "classer" cette demande de médiation, prétextant la procédure judiciaire diligentée à l'encontre de la société La Poste, et, par lettre du 16 avril 2013, confirmé l'irrecevabilité de la demande de médiation, il a, dans une lettre du 28 juin 2013, reporté son intervention à l'issue du traitement des réclamations par la société La Poste de sorte que la mesure de médiation n'a pu se mettre en place du fait du médiateur", sans rechercher si les conditions de recevabilité de la demande de médiation, supposant une individualisation des litiges et la preuve de l'accomplissement des formalités de réclamations internes auprès des services de La Poste, étaient réunies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2238 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 22 décembre 2010, applicable au litige. »
Réponse de la Cour
14. En premier lieu, l'arrêt constate que la société IRB a saisi le médiateur du groupe La Poste par lettre du 7 mars 2013. Il en déduit que cette saisine écrite du médiateur institutionnel de ce groupe doit être considérée comme marquant le début de la suspension du délai de prescription conformément à l'article 2238 du code civil, dès lors que la saisine de ce médiateur par la société IRB consacre la volonté des parties de recourir à une mesure de médiation.
15. De ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la mise en place d'un médiateur en son sein caractérise la volonté de La Poste de recourir, par principe, dans l'hypothèse d'un litige, à la médiation, de sorte qu'en l'absence de dispositions conventionnelles contraires, la saisine de son médiateur par lettre d'un cocontractant formalise l'accord écrit prévu à l'article 2238 du code civil, la cour d'appel a exactement déduit que la prescription avait été suspendue à compter du 7 mars 2013.
16. En second lieu, l'arrêt constate que par une lettre du 28 juin 2013, le médiateur a reporté son intervention à l'issue du traitement des réclamations par La Poste, et en déduit qu'il est ainsi revenu sur sa décision d'irrecevabilité de la demande résultant de ses lettres des 29 mars et 16 avril 2013. Il retient que, par son assignation en justice du 8 août 2013, la société IRB a manifesté sa volonté de mettre un terme à la médiation.
17. En l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a exactement déduit que le cours de la prescription, suspendu depuis le 7 mars 2013, n'avait pas repris du fait des lettres du médiateur de La Poste des 29 mars et 16 avril 2013, avant d'être interrompu le 8 août 2013, la cour d'appel, qui n'avait pas à faire la recherche invoquée par la quatrième branche, que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision.
18. Le moyen n'est donc pas fondé.
Et sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
19. La société IRB fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes contenues dans l'assignation du 8 août 2013 et maintenues depuis, et relatives à des colis déposés avant le 7 mars 2012 pour les envois relevant de la prescription d'un an, et avant le 7 septembre 2012 pour les envois relevant d'une prescription de six mois, ses demandes formées en première instance par conclusions des 25 janvier et 22 février 2017 pour des colis envoyés entre le 9 janvier 2012 et le 30 juin 2014, dès lors qu'elles ne portent pas sur des colis visés dans l'assignation du 8 août 2013 et ses demandes d'indemnisation formulées en appel concernant des colis envoyés entre le 2 juillet 2012 et le 1er juillet 2019 pour lesquels aucune demande d'indemnisation n'a été formée en première instance, alors « que les parties peuvent ajouter, en appel, aux prétentions soumises au premier juge, toutes les demandes qui tendent aux mêmes fins d'indemnisation des préjudices causés par des manquements contractuels identiques entre les mêmes parties, ou qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré irrecevables comme nouvelles en cause d'appel, un ensemble de demandes d'indemnisation formulées en appel par la société IRB au titre des mêmes manquements contractuels, sur le même fondement, et entre les mêmes parties, que les demandes qu'elle avait expressément formulées en première instance ; qu'en statuant ainsi, quand ces demandes tendaient aux mêmes fins que les demandes formées en première instance et en constituaient le complément, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 565 et 566 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
20. Ayant relevé que les demandes d'indemnisation en appel portaient pour partie sur des nouveaux colis pour lesquels aucune demande d'indemnisation n'avait été formée en première instance, ce dont il se déduit qu'elles n'étaient ni l'accessoire, ni la conséquence ni encore le complément nécessaire des demandes formées en première instance, la cour d'appel a exactement retenu que cette demande constituait une demande nouvelle.
21. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société La Poste aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société La Poste et la condamne à payer à la société Institut de recherche biologique la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société La Poste.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société La Poste fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, infirmant le jugement entrepris, déclaré nulles les stipulations des clauses des articles 2.2, 11.1 et 17.1 des conditions générales de vente de la société La Poste version mars 2011 et version mars 2012, telles que citées au dispositif de l'arrêt, qui font dépendre le point de départ du délai d'acheminement d'un colis de son enregistrement dans le système de traitement automatisé de la société La Poste et prévoient que les informations fournies par le système d'information de la société La Poste, issues des flashages des colis lors des différentes étapes de son acheminement, font foi entre les parties pour déterminer l'occurrence d'un retard, d'une perte ou d'une avarie,
1) ALORS QUE la possibilité effective dont dispose le cocontractant de faire appel à d'autres prestataires ou à d'autres types de contrat pour l'exécution de ses demandes exclut toute soumission ou tentative de soumission de ce dernier à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; que, dans ses conclusions, la société La Poste faisait valoir l'absence de toute soumission de la société IRB, observant que l'acheminement de colis est une activité ouverte à la concurrence et qu'elle-même n'est qu'un acteur, parmi d'autres de ce marché ; qu'elle observait encore que la société IRB avait choisi de conclure, pour l'envoi de ses colis, un contrat de la gamme Colissimo Entreprise, impliquant un traitement automatisé et qu'elle avait reconduit, depuis 2006, ses relations contractuelles avec la société La Poste, bien qu'elle puisse y mettre fin chaque année, sans jamais contester les clauses des conditions générales de vente ; qu'en se bornant cependant à relever, pour retenir la soumission de la société IRB à des clauses créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, partant prononcer la nullité desdites clauses, qu' « il est établi que les clauses litigieuses sont insérées dans les conditions générales de vente de la société La Poste et qu'elles sont quasiment identiques dans tous les contrats conclus par la société IRB entre 2006 et 2014 et se retrouvent sans modification possible dans l'ensemble des contrats souscrits par des entreprises avec la société La Poste », sans rechercher si la société IRB, qui n'avait jamais contesté les clauses litigieuses, n'avait pas la possibilité effective de s'adresser à d'autres prestataires ou de conclure d'autres types de contrats avec la société La Poste, de sorte qu'il n'y avait aucune obligation subie par le partenaire commercial, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa version issue de la loi du 27 juillet 2010, applicable au litige ;
2) ALORS QUE ne crée pas un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties la clause qui, pour déterminer l'étendue exacte de l'engagement de la société prestataire, se borne à prévoir que le point de départ du délai de distribution est fixé au moment de l'enregistrement de la première saisie postale dans le système d'information ; que, pour les colis en nombre, imposant un traitement informatisé, la société La Poste ne s'engage au respect d'un délai d'acheminement minimal qu'à compter de l'enregistrement, par flashage, des colis dans le système d'information automatisé ; qu'en énonçant, pour déclarer nulle la clause de l'article 2.2 des conditions générales de vente de la gamme Colissimo Entreprise, stipulant que « le colis est pris en charge par La Poste à compter de l'enregistrement de la première saisie postale dans le système d'information de La Poste (flashage) », que « les dispositions critiquées font dépendre le point de départ du délai d'acheminement d'un colis exclusivement de son enregistrement dans le système d'information de La Poste alors même que la société La Poste s'engage au respect de délais d'acheminement minimum », quand le constat que la société La Poste s'engageait au respect de délais d'acheminement minimum n'était pas de nature à caractériser l'illicéité de la clause définissant ce délai d'acheminement au regard de la date d'enregistrement du colis dans le système d'information, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa version issue de la loi du 27 juillet 2010, applicable au litige ;
3) ALORS QUE n'est pas exclusive de toute preuve contraire la clause qui stipule que les informations issues du système automatisé de traitement des colis font foi entre les parties ou qui énonce que ces informations prévalent sur celles mentionnées sur le bordereau de dépôt ; que les articles 2.2, 11 et 17.1 des conditions générales de vente de la gamme Colissimo Entreprise se bornent à prévoir, respectivement, que « les différentes informations fournies par le système d'information de La Poste issues des flashages des colis par La Poste font foi. », (article 2.2), que « les Parties conviennent que les informations issues du système d'information de La Poste et liées à la prise en charge, à l'acheminement, à la notification et à la distribution le cas échéant remontées par flashage des colis lors de leur prise en charge, acheminement, la notification et distribution prévalent sur celles renseignées dans le bordereau de dépôt. », qu'« en toute hypothèse, les Parties conviennent que les modifications apportées par La Poste et intégrées dans le système d'information de La Poste font foi entre les Parties.», (article 11) et « Pour les colis de le gamme Colissimo Entreprise, qui font l'objet d'un suivi jusqu'à leur destination, les différentes informations fournies par le système d'information de La Poste issues des flashages des colis lors des différentes étapes d'acheminement (prise en charge, transport, notification au destinataire, le cas échéant, et distribution) font foi entre les Parties pour déterminer l'occurrence ou non d'un retard (en cas d'engagement de délai) ou d'une perte ou avarie. », (article 17.1) ; qu'en énonçant, pour annuler ces clauses contractuelles, qu'« il ressort des dispositions litigieuses que le système d'information de la société La Poste prévaut sur tout autre élément de preuve que son cocontractant pourrait vouloir apporter et qui pourrait contredire les informations qui y sont contenues », quand aucune des stipulations susvisées n'excluait la possibilité d'une preuve contraire et que les informations issues du système de traitement automatisé des colis ne prévalaient que sur les mentions figurant au bordereau de dépôt, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des articles 2.2, 11 et 17.1 des conditions générales de la gamme Colissimo Entreprise, en méconnaissance du principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
La société La Poste fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à ce que soient jugées irrecevables comme prescrites les demandes relatives à des colis déposés entre le 7 mars 2012 et le 8 août 2012, pour les envois relevant d'une prescription d'un an et les demandes relatives à des colis déposés entre le 7 septembre 2012 et le 8 février 2013, pour les envois relevant d'une prescription de six mois et d'avoir, en conséquence, ordonné une mesure d'expertise en vue de déterminer l'existence de retards, pertes ou avaries pour ces colis,
1) ALORS QUE la représentation conventionnelle d'une personne par une autre suppose l'existence d'un mandat et que l'acte effectué par le mandataire s'inscrive dans les termes de ce mandat ; qu'il appartient au mandant, qui invoque à l'encontre d'un tiers le bénéfice de l'acte effectué par son mandataire, d'établir l'existence et le contenu du mandat confié ; qu'en affirmant, pour dire qu'il était établi que la société IRB avait, par l'intermédiaire de son mandataire, la société Itinsell, saisi le médiateur du groupe La Poste par lettre du 7 mars 2013, et que cette saisine avait suspendu le délai de prescription de l'action en réparation intentée par la société IRB, que « dans la mesure où, dans cette lettre, la société Itinsell a indiqué agir en qualité de mandataire de certains clients dont elle donnait la liste et que dans cette liste figurait la société IRB, (?), la société La Poste n'est pas fondée à mettre en doute l'existence du mandat qui concerne les rapports entre la société IRB et la société Itinsell », quand la saisine du médiateur par la société Itinsell ne pouvait suspendre la prescription de l'action que pour autant que cette société détenait un mandat de la société IRB à cette fin, la cour d'appel a méconnu les règles de la représentation, en violation de l'article 1984 du code civil ;
2) ALORS QUE la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation ; que la seule saisine d'un médiateur n'est pas, en l'absence de commencement de la médiation, suspensive de prescription ; qu'en retenant cependant, pour dire que le délai de prescription avait été suspendu entre le 7 mars 2013, date de la saisine du médiateur et le 8 août 2013, date de l'assignation, que « la saisine écrite du médiateur doit être considérée comme marquant le début de la suspension du délai de prescription » dès lors que cette saisine consacre la volonté des parties de recourir à une mesure de médiation, quand la seule saisine du médiateur ne constitue ni l'accord écrit des parties, ni la première réunion de médiation, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 2238 du code civil, dans sa rédaction, issue de la loi du 22 décembre 2010, applicable au litige ;
3) ALORS QUE la saisine d'un médiateur jugée irrecevable n'est pas suspensive de prescription, peu important le bien-fondé de cette décision ; qu'en énonçant de façon inopérante, pour dire que le délai de prescription avait été suspendu entre le 7 mars 2013, date de la saisine du médiateur et le 8 août 2013, date de l'assignation, que « si le médiateur a, par lettre du 29 mars 2013, décidé de « classer » cette demande de médiation, prétextant la procédure judiciaire diligentée à l'encontre de la société La Poste, et, par lettre du 16 avril 2013, confirmé l'irrecevabilité de la demande de médiation, il a, dans une lettre du 28 juin 2013, reporté son intervention à l'issue du traitement des réclamations par la société La Poste de sorte que la mesure de médiation n'a pu se mettre en place du fait du médiateur », la cour d'appel a encore violé, par refus d'application, l'article 2238 du code civil, dans sa rédaction, issue de la loi du 22 décembre 2010, applicable au litige;
4) ALORS, en tout état de cause QUE par lettre du 16 avril 2013, le médiateur du groupe La Poste a confirmé l'irrecevabilité de la demande formée par la société Itinsell, concernant 492 125 réclamations pour des motifs et clients différents, accompagnée d'une palette de 610 kg de dossiers, au motif, notamment, que « la demande, par son ampleur, est dénuée de tout caractère raisonnable et ne réponds pas à l'esprit de la médiation, ce qui ne me permet pas de la traiter »; qu'en se bornant à affirmer, pour dire que le délai de prescription avait été suspendu entre le 7 mars 2013, date de la saisine du médiateur et le 8 août 2013, date de l'assignation, que « si le médiateur a, par lettre du 29 mars 2013, décidé de « classer » cette demande de médiation, prétextant la procédure judiciaire diligentée à l'encontre de la société La Poste, et, par lettre du 16 avril 2013, confirmé l'irrecevabilité de la demande de médiation, il a, dans une lettre du 28 juin 2013, reporté son intervention à l'issue du traitement des réclamations par la société La Poste de sorte que la mesure de médiation n'a pu se mettre en place du fait du médiateur », sans rechercher si les conditions de recevabilité de la demande de médiation, supposant une individualisation des litiges et la preuve de l'accomplissement des formalités de réclamations internes auprès des services de la société La Poste, étaient réunies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2238 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 22 décembre 2010, applicable au litige. Moyen produit au pourvoi incident par Me Ridoux, avocat aux Conseils, pour la société Institut de recherche biologique (IRB).
La société IRB FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevables :
- ses demandes contenues dans l'assignation du 8 août 2013 et maintenues depuis, et relatives à des colis déposés avant le 7 mars 2012 pour les envois relevant de la prescription d'un an, et avant le 7 septembre 2012 pour les envois relevant d'une prescription de six mois ;
- ses demandes formées en première instance par conclusions du 25 janvier 2017 et 22 février 2017 pour des colis envoyés entre le 9 janvier 2012 et le 30 juin 2014, dès lors qu'elles ne portent pas sur des colis visés dans l'assignation du 8 août 2013 ;
- et ses demandes d'indemnisation formulées en appel concernant des colis envoyés entre le 2 juillet 2012 et le 1er juillet 2019 pour lesquels aucune demande d'indemnisation n'a été formée en première instance ;
1°) ALORS, d'une part, QUE la prescription d'un an prévue à l'article 10 du code des postes et des communications électroniques ne s'applique, s'agissant des retards de livraison, qu'aux actions engagées dans le cadre de l'article 8 du même code, à savoir aux actions en indemnisation des dommages directs causés par le retard dans la distribution d'un envoi postal ; que la clause pénale revêt le caractère d'une pénalité conventionnelle et forfaitaire qui n'a pas pour objet d'indemniser seulement des « dommages directs » mais englobe tous les préjudices consécutifs à l'inexécution contractuelle, y compris ceux qui ne seraient pas la suite immédiate et directe du contrat tel la perte de bénéfice, la perte d'exploitation, la perte de marché, la perte de commande, l'impact résultant du cumul et de la répétition des retards ; qu'en décidant au contraire que la prescription extinctive d'un an s'appliquait à la mise en oeuvre de la clause pénale, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1152 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 85-1097 du 11 octobre 1985 ainsi que, par fausse application, les articles 8 et 10 du code des postes et des communications électroniques ;
2°) ALORS, d'autre part, QUE les parties peuvent ajouter, en appel, aux prétentions soumises au premier juge, toutes les demandes qui tendent aux mêmes fins d'indemnisation des préjudices causés par des manquements contractuels identiques entre les mêmes parties, ou qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré irrecevables comme nouvelles en cause d'appel, un ensemble de demandes d'indemnisation formulées en appel par la société IRB au titre des mêmes manquements contractuels, sur le même fondement, et entre les mêmes parties, que les demandes qu'elle avait expressément formulées en première instance (arrêt attaqué, p. 12 § 7) ; qu'en statuant ainsi, quand ces demandes tendaient aux mêmes fins que les demandes formées en première instance et en constituaient le complément, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 565 et 566 du code de procédure civile.