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15/05/2019 | FRANCE | N°17-27686

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 mai 2019, 17-27686


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 313-27 et L. 313-29 du code monétaire et financier ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Banque Thémis (la banque) a assigné la société Bosal distribution en paiement de créances résultant de factures émises sur cette dernière par la société ACE électronique au titre d'un contrat de vente du 5 septembre 2012, que celle-ci lui avait cédées dans

les conditions prévues à l'article L. 313-23 du code monétaire et financier ; qu'invoq...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 313-27 et L. 313-29 du code monétaire et financier ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Banque Thémis (la banque) a assigné la société Bosal distribution en paiement de créances résultant de factures émises sur cette dernière par la société ACE électronique au titre d'un contrat de vente du 5 septembre 2012, que celle-ci lui avait cédées dans les conditions prévues à l'article L. 313-23 du code monétaire et financier ; qu'invoquant un défaut de livraison des matériels commandés, la société Bosal distribution a demandé la résolution du contrat de vente et, en conséquence, le rejet de la demande de la banque ; que celle-ci lui a opposé la fin de non-recevoir tirée de son défaut de qualité pour défendre à la demande de résolution du contrat ;

Attendu que pour rejeter cette fin de non-recevoir, l'arrêt retient que le mécanisme de la cession de créance induit que le cessionnaire, qui obtient la propriété de la créance, vient aux droits et obligations du cédant, de sorte qu'il n'est nullement tiers à l'opération et que le débiteur cédé peut lui opposer les différentes exceptions inhérentes à la créance, sans avoir à appeler le cédant en cause, le cessionnaire pouvant toujours l'appeler en garantie ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la cession d'une créance ne confère pas au cessionnaire qualité pour défendre, en l'absence du cédant, à une demande de résolution du contrat dont procède cette créance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne la société Bosal distribution aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Banque Thémis la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Banque Thémis

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la Banque Thémis à la demande en résolution de la vente, D'AVOIR prononcé la résolution de la vente liant la société Bosal Distribution et la société Ace Electronique en date du 5 septembre 2012, et D'AVOIR débouté, en conséquence, la Banque Thémis de sa demande en paiement formée à l'encontre de la société Bosal Distribution ;

AUX MOTIFS QUE sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de résolution, en vertu des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ; que les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public ; que la liste donnée par le code n'est pas limitative ; que la Banque Thémis opposait une fin de non-recevoir à l'action engagée par la société Bosal, estimant la demande en résolution de la vente irrecevable faute pour le débiteur cédé d'avoir appelé en la cause le cédant, le cessionnaire étant selon la banque tiers à l'opération ; que cependant, le cessionnaire n'était nullement tiers à l'opération puisque le mécanisme même de la cession de créance induit que le cessionnaire obtient la propriété de la créance et donc vient par la même aux droits et obligations du cédant ; qu'or, en cas de cession de créance, le débiteur peut invoquer contre le cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette, même si elles sont apparues postérieurement à la notification de la cession ; qu'aucune acceptation, en l'espèce, par le débiteur cédé de la cession de créance n'étant intervenue, ce dernier pouvait parfaitement opposer les différentes exceptions inhérentes à la créance, sans avoir à appeler à la cause le cédant, le cessionnaire pouvant toujours appeler ce dernier en garantie ; qu'en conséquence, aucune irrecevabilité de la demande en résolution du contrat ne saurait en l'espèce prospérer ; qu'il convenait donc de rejeter la fin de non-recevoir soulevée et d'infirmer de ce chef la décision déférée (arrêt, p. 5) ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE le contrat ne créant d'obligations qu'entre les parties, l'action en résolution pour inexécution de ce contrat ne peut être exercée que par l'une de ces parties et à l'encontre de l'autre partie ; que n'a pas cette qualité de partie au contrat, et ne peut donc être visé par l'action en résolution, le cessionnaire d'une créance née du contrat ; qu'en retenant néanmoins, pour déclarer recevable l'action en résolution du contrat formée par le débiteur cédé contre le cessionnaire, que ce dernier n'était pas tiers à l'opération puisqu'il était devenu propriétaire de la créance, cependant que la qualité de cessionnaire de la créance ne lui conférait pas celle de partie au contrat, la cour d'appel a violé les articles 1165 et 1184 anciens du code civil, repris aux articles 1199 et 1227 nouveaux du même code, et l'article L. 313- 27 du code monétaire et financier ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE la demande en résolution d'un contrat, même formée à titre reconventionnel à une demande en paiement, ne saurait être regardée comme une simple exception ; qu'en qualifiant d'exception inhérente à la créance cédée la demande reconventionnelle en résolution du contrat formée par le débiteur cédé, pour en déduire la recevabilité de ladite demande, la cour d'appel a violé l'article 1184 ancien du code civil, repris à l'article 1127 nouveau du même code, ensemble l'article 1324 nouveau du code civil et l'article L. 313- 27 du code monétaire et financier ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; que le cédant d'une créance est nécessairement partie à l'action en résolution du contrat à l'origine de la créance cédée ; qu'en affirmant, pour retenir la recevabilité de la demande en résolution formée à titre reconventionnel par le débiteur cédé, que la circonstance que le cédant, cocontractant du cédé, n'avait pas été appelé en la cause ne faisait pas obstacle à la recevabilité de la demande, cependant qu'une telle demande en résolution, qui n'avait pas pour objet la créance cédée mais le contrat à son origine, ne pouvait être accueillie sans que le cédant, unique cocontractant du débiteur, ait été appelé à l'instance, la cour d'appel a violé l'article 14 du code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN, QU'il n'appartient pas au défendeur à une action d'accomplir aux lieu et place du demandeur les diligences nécessaires à la recevabilité de cette action ; que seule la partie à l'instance y ayant intérêt peut mettre en cause un tiers ; qu'en retenant, pour en déduire la recevabilité de la demande en résolution du contrat exercée contre le seul cessionnaire de la créance, que ce dernier pouvait toujours appeler le cédant en garantie, cependant qu'une telle intervention forcée du cédant ne pouvait être suscitée que par le débiteur cédé, qui avait seul intérêt à accomplir une telle diligence pour assurer la recevabilité de sa demande, la cour d'appel a violé les articles 32 et 331 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-27686
Date de la décision : 15/05/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CESSION DE CREANCE - Cession de créance professionnelle - Cessionnaire - Demande de résolution du contrat générateur de la créance - Absence du cédant - Qualité pour défendre (non)

La cession d'une créance ne confère pas au cessionnaire qualité pour défendre, en l'absence du cédant, à une demande de résolution du contrat dont procède cette créance


Références :

articles 32 et 122 du code de procédure civile

articles L. 313-27 et L. 313-29 du code monétaire et financier

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 07 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 mai. 2019, pourvoi n°17-27686, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.27686
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